Westmoreland, Tome 2 : La Scandaleuse

- Je suppose que je devrais l'épouser, dit-elle avec une moue. Après tout, c'est bien vous qui m'avez affirmé qu'il ferait un mari tout à fait convenable. Vous vous souvenez ? C'était à ce bal de débutantes.

- Ce serait une grave erreur. La famille d'André Rousseau et la mienne sont amies de longue date. Il serait fâcheux que je doive tuer leur fils unique et faire de vous une veuve.

- Quel dommage ! J'apprécie André et je vous apprécie. Nous sommes tous amis.

- Amis ? répéta-t-il. Vous et moi sommes plus que cela.

- Bons amis, alors, admit Whitney, mal à l'aise.

Ils restèrent un moment sur la terrasse, parlant des invités qui passaient devant eux.

- A quel âge une jeune fille anglaise doit-elle se marier? demanda brusquement le jeune homme.

- Avant trente-cinq ans, répondit promptement Whitney.

- Je ne plaisante pas.

- Très bien, dit Whitney, s'efforçant de conserver un ton badin à la conversation. Avant vingt-cinq ans, alors.

- C'est à cet âge que vous souhaitez vous marier ?

- En ce moment je pense surtout à danser.

- Eh bien, dansons, dit Nicolas, qui avait failli céder à la colère et entamer une dispute.

Il lui offrit son bras.

- Je regrette, monsieur, dit soudain une voix grave. Miss Stone m'avait promis cette valse.

Whitney se retourna et vit avec stupeur la silhouette vêtue de noir surgir de l'ombre. Même sans ce costume satanique, la jeune fille aurait reconnu entre mille ce sourire moqueur.

- Vous m'avez promis cette danse, insista Satan,remarquant l'hésitation de Whitney.

- Je ne me rappelle pas avoir promis de danse à quiconque, ce soir, dit-elle, bien qu'elle souhaitât avant tout mettre fin à cette conversation sur le mariage avec Nicolas.

- Cela fait des mois, expliqua Satan en la prenant par le coude et en l'attirant doucement mais fermement vers la piste de danse.

Whitney dissimula un sourire devant l'audace de cet inconnu et s'excusa poliment auprès de Nicolas, dont elle sentait le regard froid sur sa nuque.

Elle oublia tout dès qu'elle fut dans les bras de Satan, virevoltant au rythme de la musique. Cet homme dansait avec tant de grâce qu'il avait dû valser mille fois dans sa vie.

- Est-ce que je vous ai vraiment promis cette danse ? demanda bientôt Whitney, ne pouvant réprimer sa curiosité.

- Non.

- Qui êtes-vous ?

- Un ami, peut-être ? répondit-il d'une voix chaude et grave, laissant flotter un sourire sur son visage hâlé.

- Non, dit la jeune fille qui ne reconnaissait pas sa voix. Vous êtes peut-être une connaissance, mais pas un ami.

- Il va falloir remédier à cela, répondit l'homme avec assurance.

Whitney fut prise d'une envie perverse de lui enlever un peu de cette confiance en lui.

- Je crains que ce ne soit impossible. J'ai déjà bien plus d'amis qu'il ne m'en faut, et ils me jurent tous loyauté jusqu'à la mort.

- Dans ce cas, dit-il avec des étincelles dans ses yeux gris, peut-être l'un d'eux aura-t-il un accident... avec un petit coup de pouce de ma part.

Whitney se mit à rire. De toute évidence ces dernières paroles ne contenaient aucune menace.

- Ce ne serait pas très aimable. Mes amis ne sont pas très recommandables et vous les enverriez vers une destination finale dotée d'un climat assez déplaisant.