Extraits

Je voudrais adresser un message à tous ceux qui prétendent que la roue finit toujours par tourner: gardez vos beaux discours pour vous et étouffez-vous avec ! La mienne, de roue, était coincée depuis un sacré moment ! La seule chose qui tournait, c'était ma tête, dans tous les sens, et peut-être un peu aussi mon estomac...

On sous-estime toujours la rancune d'une femme blessée. Ça n'otait pas la douleur mais ça m'apportait un soupçon de vengeance.

Et la petite peste cachée dans un recoin de ma tête - oh, si, avouez-le, on en a toutes une - célébra la sainte Carole avec un peu d'avance en se lançant dans une danse de la vengeance jouissive.

« Voilà que je virai un brin trop sentimental. Mais comment faire autrement face à ce minois d’ange ? Je me rappelai encore son arrivée, presque un an plus tôt, une brebis perdue au milieu des loups, débordant d’un amour injustifié, sincère et inconditionnel pour le vieux fou que j’étais, avec comme seul espoir, un « oui » de ma part. Elle toquait à ma porte, avec ses valises et ses rêves de fillette, son chagrin aussi, et tout un lot de souvenirs que j’avais presque oubliés. L’envie de me découvrir lui avait fait parcourir deux états entiers, sans doute la trouille au ventre, et elle m’avait demandé de lui ouvrir une porte, juste assez pour lui faire une petite place dans mon existence pourtant peu recommandable. C'est un large portail que j'avais finalement ouvert, les bras tendus vers elle, pour l’accueillir du mieux que je le pouvais. Le destin se marrait déjà, convaincu que je la repousserai, mais je n’en fis rien. Alors le sort dut tracer la suite, les pires atrocités subies par cette gosse, l’ombre du club planant au-dessus comme une épée trop menaçante pour ses frêles épaules. Et bon sang, elle avait eu assez de courage et de ténacité pour faire face et envoyer se faire foutre tous les signes hasardeux de la fatalité. Elle avait plus de cran que pas mal de types que j’avais croisés dans ma vie. »

« — Chez nous, reprit Xander, les filles qui veulent une place doivent faire un show comme celui de Jayla.

Il ne la fermait donc jamais ce garçon ?

Je m’avançai d’un pas pour m’approcher de lui, et le toisai sans détour.

— Si tu souhaites nous faire profiter de tes talents de Chippendale, Xander, je t’en prie, ce sera avec plaisir !

Mon ton le déconcerta, et de nouveau, il s’excusa honteusement d’un sourire gêné. Et manque de bol pour lui, tous les membres du club éclatèrent de rire face à sa mine contrite.

— Personnellement, reprit Hanger, je préférerais voir une jolie fille danser que cet idiot de gosse ! Mais je ne suis pas assez con pour le suggérer à Joe ! Je tiens à ma fierté ! »

« C’était un bonheur sans nom, cette douce sensation de s’éveiller dans les bras de l’homme pour qui mon cœur battait. J’avais oublié tout ça depuis longtemps, et pourtant à son contact, mon corps réapprenait à vivre, il se ranimait, comme sorti d’un long et profond sommeil. Mieux, il découvrait de nouvelles raisons de savourer chaque seconde de mon existence. Et les chemins sur lesquels cette folle ivresse m’entraînait n’avaient rien de familiers pour moi, mais en aucun cas ils ne m’effrayaient. Rien ne pouvait m’atteindre, tant que je l’avais lui. »

Ash n'avait pas tort, je me montrais trop gentille, naïve, même. Mais c'était sans doute le lot de tous les gens qui aimaient croire dans l'humanité, cachée parfois très loin, mais bien présente. L'espoir. Voilà ce qui me définissait.

Elle nous laissa là et s'éloigna vers son appartement. Elle avait l'allure d'une femme fatale à ses heures, le tempérament aussi fougueux que celui de Mona, et la douceur d'un ange cachée en dessous. Derrière cette dualité, je reconnaissais sans mal la poigne d'un leader. Les femmes ne dirigeaient pas dans le monde qui était le nôtre, mais comme ma chère et tendre le faisait depuis des années, elles œuvraient dans l'ombre pour murmurer aux hommes les secrets des Dieux, leur indiquer les voies qu'ils devaient suivre pour parvenir à leurs fins. Elles menaient la danse, laissant les lauriers à leurs époux en cuir. Aucun d'entre nous ne l'admettrait jamais à voix haute, mais dans le fond, seul un menteur ne l’aurait pas reconnu : nous n'étions que des pantins entre leurs mains. Un jour viendrait où Joe aussi tiendrait les rênes de cet univers. D'une manière ou d'une autre, elle y reviendrait, elle aussi. Non satisfaite d'être devenue l'une des nôtres, elle agissait d'instinct comme une louve alpha au sein d'une meute.

Alors l’impossible eut lieu. Joe Blake Welsh conduisit une moto.

Bon, d’accord, j’avais peut-être aperçu quelques escargots me doubler par la droite. Mais bon sang, je roulais !

Quand on nous demanda de choisir nos plats, je n’avais bien entendu rien décidé. J’étais toujours trop longue à la détente pour ça, c’était systématique.

Un peu plus et je finirais par développer un symptôme de traumatisme anticipé lié à la venue du serveur lors de mes sorties au restaurant.

Avec un peu de chance, il porterait mon nom. Le syndrome Blake. Ça sonnait bien.