Extraits

« Il avait ce don, Ash, celui de me faire sourire dans les pires circonstances. Quand l’enfer se déchaînait, il luttait comme un lion. Il envoyait paître le destin et poursuivait ses efforts pour adoucir mon existence. Et je crois bien qu’une part de moi l’aimait pour ça. »

Avant même de me rendre compte du dénivelé, la pente m’avait avalée, mais les promesses qu’elle divulguait s’avéraient si puissantes que mes faiblesses s’étaient laissées charmer.

(il) représentait à merveille la dualité même des ténèbres : l’attraction du danger et de l’interdit, et la crainte d’un saut vers l’inconnu.

Pourtant, en ma présence, il s’adoucissait, loin du regard des autres, et des codes que son monde impliquait.

Nos lèvres s’épousèrent dans un baiser tiède et je remarquai seulement maintenant que nous nous étions rapprochés à ce point. Une timide incursion en territoire prohibé.

(...) il confirmait son importance à mes yeux, un îlot central dans le vaste océan sombre et fébrile de ma vie.

Sa présence m’apaisait, son contact me berçait de douceur.

« Ash se contentait de regarder le paysage défiler par la vitre, pensif. Ses traits, en plus d’être tirés par l’inquiétude, se creusaient sous l’effet de la fatigue. Son mal-être transpirait par chaque pore de sa peau, et je le ressentais violemment, moi aussi. Il me giflait en pleine face, et me faisait ouvrir les yeux sur quelque chose qui s’animait en moi depuis quelques jours. Après l’épreuve que nous avions traversée ensemble, il était devenu comme un refuge, une zone de confort au sein de laquelle plus rien ne comptait. Il avait pris une place dans ma vie, non content d’en avoir déjà une dans mon quotidien. Et cette place n’a cessé de croître au fil des soirées, où gagnée par la trouille de la solitude et de mes cauchemars, j’avais choisi de venir m’abriter dans le cocon qu’il m’offrait, sans rien attendre en retour. Ash faisait partie de moi, à sa manière, particulière, donc, mais clairement, je tenais à lui. Plus que je l’aurais imaginé. »

- T'es pas supposée être là. Ce n'est pas ton rôle.

J'esquissai un rire sans joie.

- Vraiment ? Et c'est le rôle de qui, dans ce cas ?

Je laissai tomber face à son silence, et l'entraînai dans le couloir. Il ne protesta pas. Lorsque nous arrivâmes devant la porte de sa chambre, je me décalai pour libérer le passage.

- Tu dois te reposer, Ash, je ne plaisante pas. Tu as besoin d'une pause.

L'air absent, il ne répondit pas.

- Je ne compte pas partir.

S'il en doutait, voilà qui était dit. Après une brève hésitation, il s'assit sur son lit et ôta ses boots pour les jeter plus loin, puis son blouson. Ma présence lui semblait probablement anormale, entre ces quatre murs, symboles d'un endroit si personnel. Alors je m'approchai et m'installai à ses côtés.

- Tu es resté avec moi quand j'en avais le plus besoin. Plus d'une fois. A mon tour de prendre soin de toi, expliquai-je dans un murmure sincère. Allonge-toi, je ne vais nulle part.

Je venais de lâcher une bombe, et j’en fus la première étonnée. Jusqu’à quel point les mots pouvaient-ils franchir notre bouche sans autorisation ? (...)

J’aurais voulu me cacher un moment, le temps de faire le tri des informations que mes lèvres avaient délivrées sans l’accord de mon subconscient...

(...) j’avais aussi outrepassé quelques limites fixées par ma raison, par les autres, par les convenances.

Et pourtant, je m’y sentais chez moi, et le fait de percevoir sous ma paume les battements de son cœur, et sa respiration lente et posée m’apportait un bien-être insoupçonné.

Tout du long, je sentais les barrages que j’imposais à mes larmes se fissurer. La peine était trop grande, les faits trop graves.

Dès qu’il referma derrière lui, j’explosai en sanglots sur mon volant, dans un cri libérateur.

Comment trouver le courage de mettre un pied devant l’autre après une journée comme celle-ci ?

C’en était trop, je ne supportais pas cette énième bassesse du destin. Alors je pleurai, encore plus fort, ouvrant les vannes au surplus d’émotions refoulées durant ces dernières heures, laissant tomber le masque que j’avais porté trop longtemps.