Extrait

Miss Oregon

Ash

Ça faisait bien une demi-heure que Jerry s’était enfermé avec cette nana tombée du ciel. Elle semblait jeune, trop jeune pour jouer les maîtresses du passé en quête de fric, et bien trop propre sur elle, aussi. Il s’agissait d’une jolie brune qui devait frôler la trentaine d’années, tout au plus. Un look jean-basket et blouson en cuir, rien de très original. « Un membre de sa famille », hein ? J’étais curieux d’en savoir plus. Afin d’éviter de subir l’humeur de merde du président, on avait tous repris notre boulot comme si de rien était, pour ceux d’entre nous qui étaient supposés bosser aujourd’hui. Le garage ne fermerait que dans une heure, une réunion était prévue dans la foulée.

Je m’occupais d’une vieille Berline en fin de vie, quand la porte du bureau se rouvrit finalement. Le boss rejoignit nos bécanes, dehors, au soleil, et frappa dans ses mains pour gagner notre attention.

— Tout le monde est là ? interrogea-t-il.

La petite brune le suivait, l’air timide.

Nous délaissâmes nos occupations pour le rejoindre et je m’assis sur ma Harley.

— Il manque juste Foxy et Hanger. Ils ne devraient pas tarder, l’informa Billy.

— Vous leur ferez la commission à leur arrivée. Qu’ils en soient informés avant de foutre les pieds à la table.

On se regarda tous comme des cons, ne sachant pas à quoi tout ça rimait. Quand Jerry Welsh avait quelque chose à dire, il ne passait pas par quinze détours. La fille paraissait clairement inquiète, j’eus l’impression que c’était nous qui l’effrayions. Je me marrai. Ça provoquait souvent cet effet-là quand un inconnu se retrouvait face au groupe.

— Bien, maintenant, on m’écoute, les gars.

Tout le monde la boucla. C’était toujours le cas quand le boss parlait.

— Des comme celle-là, on n’en apprend pas tous les jours… commença-t-il.

Il secoua la tête, la mine franchement pas claire. Il semblait complètement largué pour le coup.

— Cette demoiselle, poursuivit-il en désignant la jolie miss du doigt, s’avère être ma fille.

Je m’arrêtai de respirer une seconde, sous le coup de l’annonce. Laz’ en recracha la flotte qu’il était en train de boire. Marcus dut le cogner dans le dos pour éviter qu’il s’étouffe. Jerry se fichait de nous, impossible autrement.

Je me relevai par réflexe et me rapprochai de Jerry et de celle qui prétendait être… « sa fille ». Je la détaillai lentement, sans prendre de gants. Je n’y croyais pas une seule seconde. Je m’attardai malgré tout sur le physique très avenant de cette nouvelle venue : je lui aurais bien servi de guide pour la soirée si elle tenait tellement à découvrir le monde des bikers de plus près. Mais autant jouer franc-jeu et assumer d’être là pour ça. Jerry n’avait pas d’autre gosse que Casey, pas à ma connaissance…