Extraits

— Sixt, ça va ? lui demande Neeve.

Assise sur le sol froid, elle se frotte le cuir chevelu en grimaçant. 

— J’ai mal aux cheveux.

— Pour une fois que c’est pas à cause d’un abus de Penal Code ! je m’exclame. Et, pour la première fois depuis bien trop longtemps, nous explosons de rire toutes les trois en même temps. Tellement fort que de petites larmes d’hilarité viennent poindre au coin de nos yeux. Putain, qu’est-ce que ça m’a manqué… Pourtant, on ne peut pas dire que le moment soit bien choisi. Mais il faut bien se contenter de ce que l’on a, n’est-ce pas ? …

« Profite petite hirondelle.

Bientôt mes crocs se planteront dans ton cou.

Dis au revoir à tes amies, petit oiseau.

Il en sera bientôt fini de ta relation avec les loups. »

J’ai à peine le temps de réunir mes cheveux au-dessus de ma tête que le maigre contenu de mon estomac passe la barrière de mes lèvres. Putain. Je n’arrive pas à déterminer si je me sens soulagée ou encore plus misérable que quelques instants plus tôt.

— Ça va pas, maîtresse ?

Holly shit. Pas elle. Ah, elle est mignonne, Lise-Ann, avec ses petites couettes et ses grands yeux bleus, juste au-dessus d’une robe proprette, de socquettes blanches et de souliers vernis. Mais, la vérité, je la connais. Cette gosse est diabolique.

Mais force est de constater que quand Neeve fait quelque chose, elle ne le fait jamais à moitié. Elle le fait plutôt en double, en fait. 

Neeve est en pleine partie de jambes en l’air, et j’ai clairement du mal à compter le nombre de jambes en présence. Six, me souffle ma petite voix, toujours là pour rendre service.

- Ben quoi ? T'as jamais vu de nichons ? glousse Neeve, plus amusée que gênée par la situation.

Elle voulait du naturel, je crois qu'on peut difficilement faire mieux !

- Putain, j'me disais bien que j'avais oublié un truc important, bougonne Eli en se tapant le front du plat de la main. Bon, il va falloir improviser.

- Improviser comment ? T'as prévu de tisser des feuilles pour nous faire des strings ?

OELINOR n est grave dans la merde. Comme jamais on ne l’a été, et pourtant, on en a fait, des conneries, toutes les trois.

Mais là, nous retrouver encerclées par une meute de loups enragés au beau milieu d’une forêt profonde…

Mon cœur bat la chamade, je ne vois pas trop de quelle façon on va pouvoir s’en sortir. La diplomatie ? Je jette un regard à Sixtine, juste sur ma gauche. Son air hagard ainsi que les multiples coupures et contusions qui parent son corps nu me font douter de sa capacité à prendre sur elle. Déjà qu’au naturel…

J’observe Neeve, aussi. Je ne sais plus quoi penser. Nous n’avons pas eu le temps de nous expliquer. J’espère que, quels que soient les mots que nous avons échangés, elle sait qu’elle peut toujours compter sur moi. Mais ses yeux remplis de larmes, posés sur les cousins Falck… Bordel, si elle s’est vraiment entichée d’eux, je n’imagine même pas à quel point elle doit être dévastée.

Soudain, un loup surgit de nulle part, me heurte et me fait rouler au sol.De tout petits cailloux lacèrent ma chair, et ma tête rebondit sur une racine à nu. Mon crâne me lance atrocement, et des ondes de douleur se diffusent dans toute ma tête. Par réflexe, j’essuie le sang, chaud et à l’odeur métallique, qui me coule sur la joue. Dans mes oreilles, ça carillonne à tout va, et j’ai du mal à faire le point. Des cris de rage et de souffrance retentissent partout autour de moi. La peur me tord les entrailles, mêlée à un sentiment que je peine à définir. Le regret ? Je ne sais pas, c’est à peine si je comprends comment et pourquoi les choses en sont arrivées à ce stade.

Quand je parviens enfin à poser mon regard sur quelque chose de tangible, c’est pour constater le chaos qui règne autour de moi. Un chaos dominé par la haute et massive silhouette de Karl. Lui est resté sous sa forme lupine. Il ne bouge pas, et son immobilité me glace. Pourquoi n’intervient-il pas ? Il ne peut pas nous laisser massacrer comme ça !

Lentement, il tourne son museau vers moi, ses prunelles brillent d’un éclat doré qui me bouleverse.

Je me sens fort, prêt à tout, à ma place. Oui. Elinor est ma place, ma forteresse, celle qui me mettra à l'abri des doutes et m'aidera à surmonter toutes les difficultés, je le sais, j'en suis sûr.

Je me sens fort, prêt à tout, à ma place. Oui. Elinor est ma place, ma forteresse, celle qui mettra à l'abri des doutes et m'aidera à surmonter toutes les difficultés, je le sais, j'en suis sûr.

Lennox passe le seuil et vient se planter derrière moi. Je relève la tête pour affronter son regard. C 'est marrant, l'éclairage est vachement plus sympa avec lui. Ses boucles brunes, un peu trop longues, viennent balayer ses larges épaules, qui tendent de façon impitoyable le tissu de sa veste de costume.