Extrait

— Vous voulez une dédicace ? me héla gentiment une voix sur ma droite.

— Pardon ? m’enquis-je, un peu abasourdie en cherchant qui avait bien pu me parler.

— Je vous demandais si vous souhaitiez que je vous le signe.

L’homme qui se tenait à quelques mètres de moi était le plus beau spécimen de sa catégorie que je n’avais jamais rencontré. Vous savez, cette catégorie hors norme qui joue dans la cour des grands, loin, très loin des types ordinaires qu’on a l’habitude de croiser au supermarché ou au cinéma. Non, ce genre-là, on ne le côtoie que dans les clubs fermés avec parrainage obligatoire à l’entrée. Ma mâchoire en tomba et mon cerveau se mit en berne devant tant de perfection.

— Mademoiselle, ça va ? demanda Christopher Barrow en penchant la tête sur le côté.

Même avec cette position ridicule, il était aussi beau qu’un marbre de dieu grec avec un torticolis. J’aurais donné père et mère pour devenir restauratrice de statue dans son musée.

— Hein ? m’entendis-je pitoyablement éructer.

— Vous avez l’air pâlotte.

— Non… je… non, tout va bien.

— Vous êtes sûre ? On dirait que vous avez vu un fantôme.

— Non, je regardais juste votre… ro… roman, balbutiai-je en lui montrant l’objet en question.

Il fit les quelques pas qui le séparaient de moi avec une élégance surnaturelle. Mon cœur s’emballa douloureusement dans ma poitrine.

— Si vous voulez, je vous le dédicace maintenant, fit-il en prenant le livre que je tenais dans les mains. Sinon, on peut continuer à discuter, mais j’ai peur que le chef de rayon finisse par nous jeter dehors. Il est bientôt vingt heures.

Sa voix vibra en moi et parcourut tout mon corps. Elle avait quelque chose d’animal. Pas un chihuahua ou un mouton chevrotant, non, un son rauque entre l’ours brun et le lion, une tonalité envoûtante et virile qui vous plonge dans les limbes du désir dès la première note. Mon regard ne pouvait se détacher du noir profond de ses yeux, comme si le fait de rompre le contact visuel pouvait me couper la respiration.

— Vous vous appelez comment ?

— Euh…

Impossible de réfléchir. Même cette simple question à laquelle un enfant de deux ans pouvait répondre me paraissait insurmontable. Je déglutis difficilement et tentai de retrouver un semblant de contenance.

— Mon nom ?

— Oui, confirma-t-il dans un rire qui révéla des dents parfaitement blanches et alignées. Il y a bien un joli nom derrière ce charmant visage ?

— Fion… Fiona Duchemin.

— Fion Fiona, pouffa-t-il avant de m’administrer un clin d’œil à tomber. Excusez-moi, je ne voulais pas me moquer. C’est un très joli prénom, Fiona.

J’esquissai un léger sourire oscillant entre la gêne, la joie et la honte. Il gribouilla quelques mots sur la première page et referma le livre avant de me le tendre. J’acceptai son offrande avec plaisir, pensant même à faire encadrer la portion de couverture qu’il avait touchée de ses doigts. Lorsque ceux-ci effleurèrent les miens, je crus bien m’évanouir d’extase. Il exhalait de lui une charge sexuelle qui me fit l’effet d’un ouragan dévastateur.

— J’espère qu’il vous plaira.

— Mmm, fis-je en guise d’acquiescement.

— Au revoir Fiona Duchemin et bonne lecture surtout.

Je fêlai un lamentable « merci » du bout des lèvres et le regardai s’éloigner vers la réserve du magasin. Le côté pile de son corps était aussi parfait que le côté face. Chacune de ses petites fesses bien fermes semblait me faire un signe d’adieu au fur et à mesure qu’il avançait.