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Le jour tant redouté arriva avant que Dor ait eu le temps de se retourner, et il se retrouva sur le trône, en proie à un terrible sentiment de solitude. Le roi Trent et la reine Iris avaient annoncé leur départ en vacances et disparu dans un nuage – c’est-à-dire que, le nuage dissipé, ils n’étaient plus là ; Iris, la reine des illusions, les avait rendus invisibles. Elle avait toujours aimé les sorties dramatiques.
Dor serra les dents et prit le problème à bras-le-corps. L’exercice du pouvoir s’accompagnait d’un certain nombre de tâches assez routinières en vérité. Les fonctionnaires du palais étaient compétents et savaient ce qu’ils avaient à faire. Dor les connaissait depuis toujours ; ils répondaient à toutes ses questions et lui obéissaient au doigt et à l’œil. Mais ils ne prenaient pas de décisions graves et Dor comprit vite que toute résolution, aussi mineure fut-elle, revêtait une importance considérable pour les intéressés. Aussi abandonna-t-il les affaires courantes à son état-major pour se consacrer (en espérant qu’on ne verrait pas trembler ses genoux sous son manteau de cour) aux problèmes qui exigeaient son intervention.
Afficher en entier— Je vais t’embrasser ! susurra-t-elle en lui passant ses bras autour du cou.
Elle ne l’aurait pas comme ça. Son baiser pouvait devenir morsure sans que rien ne le laissât prévoir, au gré de son humeur changeante. Il ne fallait pas s’y fier. Pourtant, ce corps à corps lui avait donné envie d’une diversion de ce genre. Elle marquait plus de points qu’elle le croyait.
— Ta mère nous observe.
La jeune fille lâcha aussitôt prise. En présence de sa mère, cette sale petite allumeuse devenait une vraie sainte-nitouche. Dor attribuait cette attitude au désir qu’avait Iris de voir sa fille ceindre la couronne après elle. Irène n’avait pas plus envie de faire plaisir à sa mère qu’à qui que ce fut et ne tenait pas à se compromettre en exprimant un intérêt ostensible pour Dor. La reine en voulait à Dor d’être un Magicien à part entière alors que la chair de sa chair n’était pas Sorcière, mais elle aurait vu d’un très mauvais œil qu’il en épouse une autre. Le plus drôle, c’est qu’Irène était partagée entre l’envie d’être reine et celle de contrarier sa mère, aussi s’arrangeait-elle pour donner l’impression que Dor lui courait après et qu’elle résistait à ses assiduités. Les règles de ce jeu cynique étaient parfois tellement subtiles que Dor finissait par ne plus savoir sur quel pied danser.
Afficher en entierIrène avait toujours été jolie fille et très éveillée. Ces dernières années, la nature avait fait du zèle ; cela devenait encore plus évident lorsqu’on se rapprochait d’elle. C’était maintenant une fille aux yeux et aux cheveux naturellement verts, généreusement dotée par la nature. L’ennui, c’est qu’elle le savait et cherchait sans cesse de nouveaux moyens d’en user à son profit. Ce jour-là, elle portait des ballerines, une jupe et un corsage verts qui mettaient en valeur sa silhouette, ses jambes fuselées et ses pieds menus. Bref, elle avait minutieusement préparé la rencontre et n’entendait pas le laisser travailler en paix.
Afficher en entier— Avec un pouvoir aussi extraordinaire que le vôtre, vous devez avoir des choses bien plus intéressantes à faire que de regarder par-dessus mon épaule. Majesté, ajouta-t-il à contrecœur.
— Assurément, acquiesça le tableau, dont le fond s’assombrit.
Elle avait bien noté l’hésitation qu’il avait marquée avant de lui accorder son titre ; ce n’était pas à proprement parler une offense, mais le message était passé. Le nuage qui avait obscurci le tableau était devenu un véritable orage avec son cortège d’éclairs – en fait, de minuscules étincelles. Elle lui ferait payer son insolence, il pouvait y compter.
— Mais tu n’arriveras jamais à finir tes devoirs s’il n’y a personne pour te surveiller.
Là, elle n’avait pas tort ! Dor baissa le nez et fit la grimace. Il n’avait plus qu’à recommencer ! Il avait taché sa page. Avec un grognement de colère, il prit la feuille… et l’encre ruissela sur la table, se roula en boule, devint une sorte de gros insecte qui s’envola et disparut presque aussitôt. Il s’était fait avoir par une illusion. La reine n’avait pas attendu pour se venger. Elle pouvait faire preuve d’une redoutable perfidie quand elle le voulait. Et Dor ne pouvait même pas lui laisser voir qu’il était furieux… ce qui ajouta à sa fureur.
Afficher en entierchapitre 1
ALPHABEILLE
Le roi Trent avait décrété qu’il fallait être instruit pour accéder au trône de Xanth et Dor suait sang et eau sur une rédaction. Quelle corvée ! Il savait lire, mais ses idées fuyaient à tire-d’aile dès qu’on lui demandait de les mettre par écrit. Et, surtout, l’orthographe constituait pour lui un mystère insondable.
— Xanth, ma patrie…, marmonna-t-il en lorgnant sa feuille blanche d’un œil particulièrement noir.
— Pardon ? fit la table.
— C’est le titre de l’abomina-rédaction que cette brute épaisse de Chérie, ma maîtresse d’école, m’a donnée à faire, expliqua Dor d’un ton lamentable. Je suis censé pondre un texte de cent cinquante mots sur Xanth, mais, à mon avis, c’est infaisable. Je ne crois pas qu’on puisse en dire aussi long sur ce thème. Je vais sûrement me répéter au bout de trois lignes, alors cent cinquante mots … Je ne suis même pas certain que la langue en compte autant.
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