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Le carnage dure quelques minutes, et puis la clameur s’éteint. La meute s’écarte, les loups se séparent, font le tour du champ de bataille, reniflent le sol. Ils grondent cette fois de plaisir.
Cheslav et Kiril ne sont plus là. Leurs corps se sont littéralement évanouis. Il ne reste plus d’eux que quelques traînées de sang sur l’herbe et les aiguilles de pin. Nombre de loups ont la gueule et la truffe rougies, d’autres lèchent le sang coagulé sur leur fourrure. Çà et là, des animaux se disputent des os, mais les deux chasseurs ont disparu.
Afficher en entierDans les secteurs touchés par l'épidémie- c'est-à-dire à peu près partout -, les hôpitaux sont pleins. Les gens se terrent chez eux. Les transports, les lignes aériennes, les Bourses, plus rien ne fonctionne. Le monde industrialisé est paralysé, et la situation ne risque pas de s'améliorer tant que la population de la planète aura peur d'être dévorée par ses chiens.
Afficher en entierPour une raison qui continuait de m'échapper, nous assistions à une sorte de retour de bâton interespèces dont l'Homo sapiens faisait les frais. Pour résumer la situation, les animaux perdaient la boule pour une raison inconnue et le temps qui nous était imparti s'épuisait plus vite que les baguettes magiques à un congrès de fans d'Harry Potter.
Afficher en entierLes yeux perdus dans les écrans encore somnolents, sourcils froncés, j'ai repensé à mon père, lieutenant dans le corps des pompiers de New York. A peine rentré d'un incendie quelconque dans le Bronx, il se laissait tomber devant la télé et regardait le journal télévisé du soir. Après une canette ou deux de Miller High Life, il profitait d'une pause publicitaire pour me dire : " Tu sais quoi, fiston ? Ce monde est un putain de zoo."
Devant moi, les premières silhouettes d'animaux sont apparues sur les moniteurs. Des dizaines d'animaux aux comportements tous plus étranges les uns que les autres.
Il faut croire que mon père avait raison, car c'était précisément ce qui se passait. Le monde se transformait en zoo. Un zoo sans cages.
Afficher en entier"J'avais compris que l'apocalypse est un phénomène lent. Elle ne se manifeste pas dans le feu et le soufre, comme on le croit, mais par la rouille et le chiendent. La fin du monde n'est pas une explosion, c'est un gémissement."
Afficher en entierToute forme d'évolution est une réaction à des modifications de l'environnement. Certaines espèces parviennent à s'adapter, d'autres pas.
Afficher en entierVous souvenez-vous du tsunami qui s'est produit dans l'océan Indien ? Nous vivons une époque agitée. Guerres et catastrophes se succèdent à un rythme effréné, et finissent par se perdre dans les strates boueuses de nos pauvres mémoires. Je veux parler du désastre survenu le 26 décembre 2004. Ce tsunami a dévasté les terres riveraines de l'océan Indien à la suite d'un séisme sous-marin de magnitude 9 survenu au large des côtes de Sumatra, faisant plus de deux cent mille victimes en Indonésie, au Sri Lanka et à travers l'Asie du Sud-Est. Je me trouvais en Irak à l'époque. Je me souviens d'avoir regardé les infos avec tous mes camarades, attroupés devant le petit téléviseur de notre camp de base. J'ai d'emblée été frappé d'apprendre qu'au Sri Lanka, plus d'un jour avant l'arrivée de la première vague, les animaux s'étaient réfugiés à l'intérieur des terres. Les oiseaux, les lézards, les reptiles, les mangoustes... disparus ! Les éléphants avaient gagné des points hauts. Les chiens refusaient de sortir. Les flamants roses abandonnaient leurs zones de reproduction près des côtes. Alors que le tsunami avait tué plus de deux cent mille personnes, peu d'animaux en avaient fait les frais. Leur ouïe très développée ainsi que leurs autres sens leur avaient sans doute permis de percevoir des vibrations terrestres qui les avaient avertis du danger bien avant les humains. Ce jour-là, ils avaient senti qu'une catastrophe les attendait. Ils l'avaient senti dans leurs os. Les hommes ne sont pas aussi perspicaces. Lorsque la mer a mystérieusement reculé de plus de deux kilomètres avant de revenir sous la forme d'une vague gigantesque de vingt-cinq mètres, qu'ont fait les habitants ? Ils ont envoyé leurs enfants ramasser des crustacés sur les fonds marins brusquement découverts.
Afficher en entierMoins d’un instant plus tard, une fraction de seconde trop courte pour que l’on puisse parler d’un clin d’oeil, les loups se ruent sur leurs proies. La meute n’est plus qu’un tourbillon de fourrure, de gueules béantes, de pattes furieuses, de crocs assassins.
Afficher en entierDos à dos, ils lèvent leurs fusils. Prokopovich sait qu’ils doivent faire face. À condition de ne pas se laisser impressionner, le loup vous respecte et vous laisse en vie. La fuite est synonyme de mort certaine.
Les loups les encerclent lentement. Leurs rangs sont de plus en plus serrés à mesure que les différentes meutes se mélangent. Ils grondent, grognent, font claquer leurs mâchoires, lancent des aboiements menaçants. Le cercle se referme autour des deux hommes qui reculent. L’air résonne d’aboiements agressifs.
Afficher en entierLe loup de tête, un mâle aux yeux couleur de lune, avance dans la clairière. Un monstre d’au moins cinquante kilos. Enfant, lors d’une partie de chasse avec son père, Cheslav Prokopovich a vu un loup moins impressionnant que celui-là mettre à terre un wapiti mâle. Si seulement j’étais un wapiti, se dit Cheslav.
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