Grégoire Carpentier

L'auteur avertit, il est libre, il nous impose une très longue introduction avant de passer aux affaires sérieuses. Personnellement, j'ai trouvé qu'il prenait le temps d'installer ses personnages en les décrivant si bien que j'avais le sentiment de vivre avec eux. Une sorte de nouveau naturalisme. Ils sont attachants et j'espère les retrouver dans les tomes qui suivent. L'emploi de la première personne au présent n'est pas sans contribuer à cet effet.

Le scénario tient la route, je ne l'ai pas trouvé ordinaire, pas déjà vu, mais il ne sort pas de l'ordinaire non plus. Ca importe assez peu, car l'auteur balance des ouvertures sur des tas de questions de société. Il est à un moment évoqué avec légèreté la sexualité entre amis, deux points de vue s'opposent, l'un m'a plus convaincu que l'autre, et en lisant la toute fin, j'ai changé d'avis.

Le style est très simple, il y a quelques maladresses de langue, j'ai vu pire, et une fois de plus, le "je" et le présent aident à pardonner. L'humour est omniprésent, parfois un peu lourd façon étudiants mecs entre eux, jamais pesant (OK, j'avoue, je suis un homme avec un ado de 15 ans à la maison, j'ai eu quelques bons éclats de rire !).

J'ai passé un bon moment, la suite est dans ma PAL, j'espère y retrouver les mêmes caractéristiques, d'autant que d'après la postface, elle démarre quelques heures à la suite de cette fin.

Il est difficile de parler de ce roman sans en dire trop. Suite immédiate de "Sans nos pères", une nuit seulement s'écoule entre les deux tomes. L'auteur a fait un choix de découpage qui parait au premier abord surprenant : j'ai trouvé que le début aurait très bien pu prendre place à la fin du précédent. Jusqu'à ce que s'illustre la raison de ce choix. Et comme dans le précédent, il prend le temps de nous installer avec de nouveaux personnages et c'est avec talent, sans passer par la description, qu'il nous les montre. Une grimace, une réaction, une réflexion, et se dressent alors les portraits physiques et psychologiques des acteurs.

L'auteur nous résume tout le premier tome en quelques dizaines de lignes, cela nous rafraichit utilement la mémoire, et pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je pense qu'ils ne se perdraient pas dans celui-ci.

Le héros, sur la bonne voie pour divorcer, en situation périlleuse professionnellement, "rencontre" deux nouveaux partenaires. L'un dans son métier, l'autre dans sa vie sentimentale. De ce côté, il fait un énorme travail sur lui-même pour accepter ces sentiments et si la situation est complexe, inédite, c'est très bien mené par l'auteur. Du côté enquête, ça démarre plutôt fort, et là encore, sans descriptions particulières, nous sommes plongés dans un appartement de l'horreur. J'en avais les images, les odeurs. Le scénario présente plusieurs rebondissements qui relancent l'intrigue sans trop la préciser, jusqu'à ce qu'un éclaireur nous dresse un portrait psychologique éventuel du criminel. A ce stade j'ai dû faire une pause pour reprendre son analyse avec les éléments dont on dispose, et ça colle admirablement bien. J'ai réalisé alors que l'auteur avait fait un gros travail de documentation, puisque toutes les pièces du puzzle sont tirées de la réalité. J'ai à ce moment été inquiet que cette affaire ne soit pas résolue, non pas par déception en tant que lecteur, mais parce que cela aurait déçu Grégoire, le héros. La conclusion de l'intrigue est encore une fois transmise sans beaucoup de descriptions, le matériel était lourd, il faisait chaud, mais j'y étais ! La conclusion du roman est absolument magnifique, une baie vitrée avec une vue qui domine la ville, le canapé tourné pour regarder l'orage qui arrive, le journal intime entre les mains, ce revirement brusque, splendide.

Pour conclure, je dirais que l'auteur n'écrit pas de la grande littérature (mais je pense qu'il se bride pour respecter ses personnages et l'ambiance), il nous emmène dans une histoire de vie, celle d'un flic. C'est autant un roman sentimental qu'un polar, les deux aspects sont parfaitement traités, avec une certaine magie. C'est comme si on vous invitait à partager la table d'une famille inconnue et qu'après le repas, vous vous sentiez bien, comme appartenant désormais à cette famille, et même en ayant fermé la porte, vous y pensez. J'apprécie beaucoup l'emploi du présent et de la première personne, c'est très immersif. Selon moi, l'auteur a trouvé comment l'exploiter et j'ai hâte de découvrir la suite des aventures de toutes ces personnes, je n'utilise pas le mot personnages parce qu'au bout de ces deux tomes, ils ont pris vie, forme. Excellent roman, un style qui pourrait ne pas plaire à tout le monde... en plus de tout ça, il y a des passages très drôles, et ça fait du bien de rire.

Ayant lu les deux tomes précédents de cette série, j'étais habitué à suivre les aventures de Grégoire et les siens minutes après minutes. Ce schéma est respecté dans celui-ci, sauf que deux ans viennent de nous filer entre les doigts, la claque !

Donc nous voilà deux ans plus tard, Grégoire a toujours son accolyte Brian Petit le jour et son chéri Léon la nuit, et bien sûr la famille, les amis, qu'il est bon de retrouver. On s'attache à tous ces personnages !

Le roman débute d'une manière très habile qui permet de découvrir ou de nous remémorer tout ce petit monde. Et si ça ne suffit pas, l'auteur nous fait ici et là des petits rappels bien pratiques qui n'alourdissent pas le texte. Les deux policiers ont travaillé séparemment pendant deux semaines, leurs retrouvailles se fait sur le ton de l'humour, ça met dans le bain. Il est question d'un corps retrouvé emmuré depuis un bail, impossible à identifier. Ce qui ne les emballe pas. Ils sont alors amenés à enquêter sur un meurtre, un homme, personne âgée, poignardé, mais pas avec n'importe quelle arme. Leurs investigations les mènent à s'intéresser au passé de la victime et les conduisent à son voisin, qu'ils retrouvent mort de la même façon, exactement de la même façon. Trop. Ce qui les lie, leur passé, fait envisager aux policiers que la propriétaire de l'immeuble où vivaient les victimes est elle aussi impliquée dans cette vieille histoire, de là à en conclure qu'elle est impliquée dans ces meurtres, il n'y a qu'un pas. Il est aussi considéré les possibilités de liens entre ces trois là et le corps emmuré. Seule la propriétaire peut les éclairer, sauf qu'elle se refuse à parler.

Le capitaine et son second s'attaquent donc aux particularité des armes utilisées. Voyage dans le passé encore, en Espagne, dans le domaine de l'art, dans l'Angleterre d'aujourd'hui. Malgré tous leurs efforts, ils ne parviennent qu'à glaner des indices, pas des preuves directes. Quand tout à coup, retournement de situation totalement inattendu, ça met une seconde claque, tout s'explique. Grégoire obtient toutes les explications, mais elles ne lui servent à rien puisqu'on lui promet de mettre fin à ses jours dans les heures qui viennent. Toute cette scène est absolument impressionnante dans l'écriture. La tension est forte, la psychologie bouleversée, Grégoire est à son maximum de son excentricité. Je n'avais jamais lu une telle chose, finement écrite, des détails suffisants pour qu'on se crée des images, le souffle coupé ou sacadé par des rires incongrus.

C'est mon préféré des trois premiers épisodes. Je me suis amusé, promené, j'ai cogité sur l'enquête et sur certains aspects de la société, j'ai angoissé (Spoiler(cliquez pour révéler)heureusement, je savais qu'il y a 4ème sinon j'aurais vraiment cru que c'était la fin du héros). Que ce fut distrayant ! J'en redemande !