Extraits

Je vérifiai ma montre, en me demandant où il était. Comme si mes pensées l’avaient appelé, l’Archange apparut devant moi, et je refrénai un sursaut, essayant de ne pas réagir. Le roi de l’Enfer n’était jamais pris par surprise. Mais bon sang, je détestais vraiment quand il faisait ça.

— Où est ma fille ? exigea l’Archange aux cheveux couleur sable sans nulle autre forme de salut.

Il braqua ses yeux sur moi.

— C’est là qu’est scellé Pestilence.

La peur hérissa mon cœur. Lucifer avait raison. Adam et les archdémons prévoyaient de relâcher les quatre Cavaliers, même en sachant qu’ils déclencheraient l’apocalypse. Peut-être était-ce ce qu’ils voulaient.

— Pourquoi ont-ils besoin de nous ici ? Ou plutôt de toi ?

— Ils ont besoin de mon sang pour ouvrir la tombe où Pestilence est actuellement enfermé.

Mes sourcils se froncèrent tandis que je parcourais mon obscure mémoire à la recherche du passé d’Ève.

— Ton sang ? Lucifer a dit que les Cavaliers avaient été scellés par lui, l’Archange Michaël, le roi des fées Obéron et moi-même.

— Oui, toi, quand tu étais Ève.

Belial expira longuement en essayant de se mettre à l’aise sur le sol dur.

— Chaque Cavalier est caché dans un royaume différent. Pestilence est ici sur Terre, Guerre au Paradis, Famine au royaume des fées, et Mort en Enfer. Pour le libérer, les archdémons ont besoin de quelqu’un qui possède certains critères, poursuivit-il en les comptant sur sa main. Premièrement, ils doivent descendre de la lignée des personnes qui ont scellé les tombes. Deuxièmement, ils doivent être nés dans le royaume où le Cavalier a été mis sous scellé.

— Ça m’a l’air compliqué, murmurai-je.

— C’est le but, dit Belial. Tu ne veux pas que n’importe qui puisse être capable de relâcher les quatre Cavaliers.

— Très juste.

— Donc, pour libérer Pestilence, ils ont besoin d’un humain né sur Terre, du même sang qu’un des quatre originels.

Belial écarta grand les bras.

— Comme tu n’es plus Ève, il ne reste que moi.

Je fis défiler mes souvenirs, oui, Damien était né dans le royaume des fées, et Kassiel en Enfer, mais j’avais eu Belial sur Terre. Je ne savais pas trop combien d’enfants Michaël et Obéron avaient, mais ils étaient sûrement nés au Paradis ou au royaume des fées, pas ici.

Et j’avais conduit Adam et les archdémons tout droit vers mon fils.

— Les quatre Cavaliers de l’Apocalypse ? Ils existent aussi ?

Hannah était bouche bée, et sa fourchette pendait inutilement de ses doigts. Elle prononça aussi comme si elle commençait à peine à croire aux anges et aux démons, et je me demandais si ça n’avait pas été une erreur de lui dire ça.

— Malheureusement, oui. Tu te souviens des Anciens Dieux ?

Elle fouilla dans sa mémoire, le regard vide.

— Pas beaucoup. Ce sont des êtres anciens et puissants qui ont créé toutes les espèces et les différents royaumes. Mais je ne me souviens pas de ce qui leur est arrivé.

— Leurs enfants, les anges, les démons, les humains et les fées, se sont rebellés contre eux, comme les enfants finissent toujours par faire. C’était la première guerre où j’avais combattu, quand j’étais un ange. Les Anciens Dieux finirent par se retirer dans un autre royaume nommé le Chaos. Tous sauf quatre : Pestilence, Guerre, Famine et Mort.

Ce dernier me tordit la bouche de dégoût.

— Mort… murmura Hannah. C’est lui qui nous a maudits.

Même si je détestais discuter de ça, j’étais ravi qu’elle se souvienne enfin de sa vie d’Ève, même si ce n’étaient que de petites bribes.

— Oui. Mon père.

Ses yeux s’écarquillèrent.

— Mort est ton père ?

— En effet.

Parler de mon père requérait un autre verre de vin, décidai-je, avant de nous en verser un.

— On l’appelle Mort, la faucheuse, Thanatos, et bien d’autres noms à travers l’Histoire. Adam était toujours son humain préféré, et je le décevais toujours. Il répétait que je ressemblais trop à ma mère, Aurore. Il a pensé que c’était amusant de te maudire dans le but de me tourmenter pour l’éternité.

— Mais maintenant tu as brisé la malédiction.

Je levai mon verre à ça.

— Oui. Une fois de plus, je l’ai battu.

Elle haussa un sourcil.

— Une fois de plus ?

— Après les départ des Anciens Dieux, les quatre Cavaliers se sont mis à détruire les royaumes de la Terre, du Paradis, de l’Enfer et des fées pour nous punir de notre rébellion. Un groupe d’entre nous, de toutes espèces confondues, s’est battu et les a vaincus. Comme c’est impossible de vraiment tuer un Ancien Dieu, nous avons enterré les quatre Cavaliers dans des lieux secrets dans les quatre royaumes. Toi, moi, l’Archange Michaël et le grand roi Obéron avons utilisé notre sang pour sceller leurs tombes. Je crois qu’Adam et les archdémons prévoient de les libérer, finis-je en prenant un air renfrogné et en terminant mon vin.

— Pourquoi ? demanda-t-elle. Pourquoi ne serait-ce que l’envisager ?

Je lui fis un sourire en coin.

— Ils savent que c’est la seule manière de me battre. Aucun des archdémons n’est assez fort. Ils ont besoin du pouvoir des quatre Cavaliers pour me renverser.

Elle prit un morceau de pomme de terre, le mâcha doucement, puis demanda :

— Si les quatre Cavaliers sont libérés, est-ce que c’est le début de l’Apocalypse ? Comme dans la Bible ?

— Sans doute. Ils ont presque détruit les quatre royaumes avant que nous réussissions à les arrêter. Je ne peux imaginer la destruction qu’ils sèmeraient après des milliers d’années dans une tombe.

Ma mâchoire se contracta.

— Et même si les autres Cavaliers sont libérés, il est hors de question que mon père puisse arpenter les mondes à nouveau.

— Que pouvons-nous faire pour l’arrêter ? demanda Hannah, le visage pâle.

— Les Cavaliers doivent être libérés dans l’ordre où on les a scellés, comme le dit la Bible. Ça veut dire que Pestilence est le premier. J’ai déjà envoyé des gens à sa localisation pour voir si Adam ou les archdémons s’y rendaient. Quand ils bougeront, nous serons prêts à les arrêter.

— Tu sais qui tu es. Tu l’as toujours su, au fond de toi. Peu importe le nom que tu prends, ta véritable âme ne change jamais.

Je tendis la main sur la table pour prendre la sienne.

— Je t’ai trouvée des centaines de fois et ton âme était à chaque fois la même. Jophiel t’a peut-être créé une fausse vie, mais ton vrai toi s’insinue toujours dans tous les aspects de ta vie. Ton affinité avec les plantes et les fleurs. Ton amour pour les livres et l’Histoire. Ton dévouement envers l’honnêteté et la vérité. Dans chaque vie, depuis Ève, tu avais une lumière en toi qui embellissait le monde et les autres autour de toi. Perdre tes souvenirs ne pourrait jamais enlever ça.

Elle expira et serra ma main.

— Je suppose que tu as raison. Si seulement je ne me sentais pas aussi perdue tout le temps, pas à ma place. Est-ce que je suis un ange ? Une Déchue ? Je suis du côté des anges ou des démons ?

— Tu es du côté de la paix, tu l’as toujours été.

Une fois que tout le monde fut parti, je me tournai pour faire face à Lucifer.

— Pourquoi tu ne m’as rien dit au sujet de Kassiel ?

Il lâcha un soupir de frustration en contournant le bar.

— Comme je l’ai dit avant, je te donnais petit à petit des informations sur nos vies antérieures pour éviter que ce ne soit trop dur à supporter. Quand tu es entrée dans mon penthouse et m’a demandé de retrouver ton amie, je ne pouvais pas vraiment te dire : « Hey, je sais qu’on vient de se rencontrer mais on a trois fils. »

Trois… C’est vrai.

Je m’en souvenais maintenant. Dans les coins reculés de mon esprit, je savais que j’avais eu des enfants, mais la sensation s’exacerbait maintenant, et avec elle vinrent d’autres noms : Belial et Damien.

— Où sont-ils en ce moment ? demandai-je.

Belial était l’aîné, né lors de ma vie originelle en tant qu’Ève. Damien était le second, quand j’étais Perséphone, et Kassiel le cadet. Ils avaient des siècles d’écart, mais c’était plutôt normal vu qu’il était difficile et rare que les immortels aient des enfants.