Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Vous écrivez une fan fiction et vous voulez la partager avec la communauté Booknode? Faire vivre à vos personnages favoris des aventures inédites?
Alors postez vos textes ici afin qu'ils soient bien différenciés des essais classiques tout droit sortis de l'imaginaire d'autres booknautes.
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Harugin

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Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

À toi lecteur curieux ou lectrice curieuse,

Plus jeune, Peter Pan et le Pays Imaginaire illustrés par Disney me faisaient rêver et, il y a quelques années, je me suis intéressée plus particulièrement au livre originelle. Bien que je n’ai pas saisi tous les détails de l’histoire (étant donné que je l’ai lu en VO et que je ne suis pas bilingue), j’en ai compris l’essentiel. Le Peter Pan de J.M. Barrie est un enfant complexe et captivant qui a nourri mon imagination.

J’avais envie de créer une « nouvelle » histoire à partir de ce que j’ai vu et lu de cet univers, d’imaginer la présence de Peter Pan dans une époque qui pourrait être la nôtre selon le point de vue d’une jeune (pré)adolescente. (Loin de moi d’en faire une histoire romantique donc si c’est ce à quoi vous vous attendez, vous risquez fort d’être déçus.)

Étant donné qu’il s’agit d’un premier jet et, pour ma part, d’un simple passe-temps, des coquilles sont certainement présentes dans l’histoire. (Si vous en remarquez, n’hésitez pas à m’en faire part.) De plus, même si j’ai plus ou moins le fil conducteur en tête, je n’ai pas écrit entièrement l’histoire simplement par manque de temps, de motivation ou d’inspiration. J’imagine que j’ai besoin d’un moteur pour me donner envie d’écrire dans les moments où le cœur n’y est pas. Mais se forcer à écrire n’est pas non plus la meilleure chose à faire, n’est-ce pas ?

En tout cas, cette petite histoire imaginée par l’inconnue que je suis n’existerait pas sans notre cher Barrie.

Bonne lecture !


Chapitre I : http://booknode.com/forum/viewtopic.php ... #p18053623
Chapitre II : http://booknode.com/forum/viewtopic.php ... #p18074263
Chapitre III : http://booknode.com/forum/viewtopic.php ... #p18475315
Chapitre IV : http://booknode.com/forum/viewtopic.php ... #p18751445
Dernière modification par Harugin le jeu. 15 déc., 2016 10:09 pm, modifié 3 fois.
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas (Peter Pan)

Message par Harugin »

- I -


Immaculée. Frustrée, elle remonta vivement sa culotte puis son pantalon et tira la chasse d’eau. Une fois encore, c’était une fausse alerte. Elle alla dans la salle de bain, se lava les mains et chercha dans le placard à pharmacie des médicaments qui pourraient calmer ses céphalées ; ses crampes d’estomac n'étaient dû qu'au fait qu'elle n'avait rien avalé depuis qu'elle s'était levée.

Elle n’était pas plus en retard qu’une autre fille. Je suis juste la dernière de mes copines, tenta de se rassurer Zoe.

Elle prit deux cachets pour calmer son maux de tête qui l'avait trompée et les avala un par un avec un peu d’eau du robinet. En relevant la tête, elle croisa son regard dans le miroir. À ses yeux, seul ce qui se situait au-dessus de ses épaules était supportable à regarder. Elle attacha ses longs cheveux teintés et lissés en une queue de cheval haute puis dégagea quelques mèches de devant pour rendre sa coiffure moins stricte. Elle se remit un peu de rouge à lèvres – un vieux rose – avant de s’examiner d’un œil critique. Fond de teint, poudre, correcteur, blush, enlumineur, bronzeur, fard à paupières, mascara, eyeliner, tout était en place. Heureusement car c’était grâce à tous ces artifices qu’elle paraissait avoir son âge, voire plus.

Elle mit ses deux mains sur sa poitrine presque inexistante afin de vérifier que l’intérieur de son soutien-gorge n’avait pas bougé. C’était un de ses plus grands complexes : sa poitrine suivie de près par ses quarante-trois kilos pour un mètre soixante. Depuis cette année, elle avait commencé à rembourrer ses soutiens-gorge à l’aide de coussinets. Seule sa mère et ses amies en qui elle avait le plus confiance connaissaient son subterfuge. En ce qui concerne son poids, elle n’avait pas pu y faire grand-chose. Sa morphologie voulait que, quoiqu’elle avale, elle restât aussi fine qu’une brindille. Elle enviait ces filles aux formes généreuses qui se plaignaient quotidiennement d’avoir trop de cuisses, de hanche ou encore de fesses. Elles ne se rendaient pas compte que leur « trop » contribuait à leur sensualité.

Soupirant, elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Combien lui donnerait un passant ? Treize ans ? Peut-être quatorze ? Elle se gratifia d’un sourire, satisfaite de l’image qu’elle renvoyait d’elle.

D’une main, elle attrapa son sac en cuir noir posé près de l’entrée, de l’autre, elle envoya rapidement un message à son amie d’enfance, la prévenant qu’elle partait de chez elle ou plus exactement de chez sa grand-mère, Gemma.

C’était les vacances de Pâques. En règle générale, Zoe aurait été contente de ces trois semaines de repos mais, cette année, ses parents avaient décidé de partir au soleil, en amoureux. Elle se retrouvait donc coincée chez sa grand-mère maternelle et ce pendant les deux premières semaines de vacances. Ses parents devaient revenir normalement la récupérer le jour de ses quatorze ans et, le lendemain, ils comptaient repartir tous les trois à la maison, en Ecosse. Elle avait néanmoins le sentiment d’être abandonnée. Elle, l’enfant unique qui avait l’habitude d’être le centre de l’attention, se voyait mise de côté.

Elle aurait préféré rester dans sa campagne écossaise, entourée de sa bande d'amis, au lieu d’être refilée comme une môme encombrante à sa grand-mère. Elle n’avait rien contre cette dernière, elle l’aimait et l'admirait beaucoup. C'était une femme exceptionnelle qui avait connu le veuvage a à peine la quarantaine, ne s’était jamais remariée et avait élevé seule ses quatre enfants. Les plus grands lui avaient été d'une grande aide pour s'occuper des plus petits. Elle avait jonglé entre sa vie professionnelle et sa vie familiale sans jamais baisser les bras.

Elle avait eu peu de temps pour se consacrer à elle alors, comme pour rattraper le temps perdu et profiter de sa retraite bien méritée, elle n’avait pas pour habitude de rester cloîtrer toute la sainte journée entre quatre murs. C’était une couche-tôt, lève-tôt qui durant la journée ne cessait d’aller et venir. Cet après-midi d’ailleurs, elle n’était pas à la maison mais à son cours d'art floral, un de ses passe-temps parmi tant d’autres.

Cela faisait maintenant deux jours que Zoe était chez elle et pourtant elle n’avait passé que deux dîners en tête-à-tête avec sa grand-mère. Le midi, l’adolescente était livrée à elle-même. Cela ne représentait pas un problème pour elle car, étant la reine de la grasse matinée, elle avait tendance à sauter ce repas et grignoter tout ce qui lui passait sous la main dès que la faim la prenait. L’un des rares avantages à avoir une morphologie comme la mienne, pensait-elle parfois en s’enfilant un paquet entier de chips ou de biscuits.

Zoe ferma à clé derrière elle et se dirigea d’un pas vif et assuré vers la station de métro la plus proche. Elle avait rendez-vous au Trafalgar Square, devant la colonne de Nelson, côté route. Elle avait hâte de retrouver Elsa, son amie de primaire, qui avait dû déménager à Londres alors qu’elles allaient entrer au collège. Malgré la distance, elles avaient réussi à se voir assez régulièrement les jours où Zoe et ses parents venaient rendre visite à sa grand-mère. À vrai dire, la présence d’Elsa était la seule réjouissance qu’avait Zoe lorsqu’elle devait aller à Londres. Elle n’aimait pas ou plutôt elle n’était pas attirée par les grandes villes. Les grandes villes ne l'attiraient pas : le bruit, la pollution, les immeubles, le métro, les voitures et la population étouffante la rendaient malade.

Lorsque Zoe débarqua sur la grande place, Elsa était déjà arrivée, les bras croisés, au point de rendez-vous. Ses yeux scrutaient minutieusement chaque personne qui se trouvait autour d’elle. Lorsque leur regard se croisèrent, elles se dirigèrent d’un même mouvement l’une vers l’autre et, quand elles furent assez proches, se serrèrent dans les bras. Zoe huma l’odeur familière de son amie et ne put s’empêcher de sourire. Depuis qu’elle la connaissait, Elsa portait toujours le même parfum. Elle aurait pu la reconnaître seulement grâce à son odorat. Lorsqu’elles se séparèrent, Elsa prit entre ses mains le visage de Zoe et lui dit en souriant : « Je suis contente de te voir.

— Moi aussi. », lui répondit sincèrement Zoe en se dégageant doucement.

Elle avait soudain honte de s’être autant maquillée et ne voulait pas que son amie la voit de si près. Elle savait qu’elle n’avait pas besoin de tout ça pour être jolie, elle voulait juste avoir l’air plus mature, plus femme. Le maquillage était pour elle comme un masque grâce auquel elle pouvait devenir qui elle voulait être et non plus qui elle semblait être, c’est-à-dire une simple gamine.

La veille, sa grand-mère lui avait demandé pourquoi elle s’obstinait à cacher son joli minois derrière une tonne de produits. Elle comprenait pourquoi certaines jeunes filles préféraient cacher leurs petites imperfections à l'aide de quelques tours de passe-passe mais elle ne comprenait pas pourquoi quelqu’un qui avait un visage irréprochable et de surcroît si jeune utilisait inutilement et dépensait autant de cosmétiques. Zoe qui s’était de nombreuses fois défendue à ce sujet avait simplement ouvert la bouche pour la refermer aussitôt et avait fini par hausser les épaules, comme lasse de ses propres arguments. Sa grand-mère n’avait pas insisté, tout comme sa mère l’avait fait, et Zoe les remerciait tacitement pour cela. Elle-même, parfois, trouvait son attitude absurde mais au grand jamais ne voudrait se l’admettre ni encore moins l'admettre aux autres.

Zoe et Elsa passèrent leur journée à se promener dans les rues de Londres à faire du lèche-vitrine tout en papotant ; de temps en temps, elles s’arrêtaient dans les boutiques pour y jeter un coup d’œil et souvent elles ressortaient avec des sacs remplis de diverses choses au bras. Elsa l'emmena dans son magasin de bonbons préféré où elles s'achetèrent chacune un sachet plein à craquer de sucreries en tout genre. Bien qu'il n'y avait pas de honte à cela, Zoe craignait de détériorer l'image qu'elle voulait renvoyer d'elle-même, mais elle se sentait si bien en présence d’Elsa qu’elle s’autorisait à faire tomber un peu le masque. Si elle avait été en présence d'autres amis, elle serait passée devant la tentation sans même un regard. Elles terminèrent leur périple dans un café où toutes deux commandèrent trois boules de glace accompagnée d’un grand verre d’eau.

Un ange passa. Elles étaient chacune plongées dans leurs pensées. Ce n’était pas ce silence gênant, pesant qu’on cherche à tout prix à briser pour dissiper le malaise, c’était ce silence naturel et reposant entre deux personnes qui n’ont pas toujours besoin de mots pour communiquer. Elsa regardait dehors ; son regard volait du type en train de feuilleter son journal sur la terrasse à un couple arrêté devant le menu du restaurant voisin puis à un groupe de jeunes bruyants marchant dans la rue. Le menton posé au creux de sa paume, elle était immobile ; seuls ses yeux faisaient preuve d’un étonnant dynamisme. Zoe, le regard tourné aussi vers l'extérieur, l’observait grâce au reflet que renvoyait la vitre à côté de laquelle elles étaient installées.

Elle avait toujours eu une fascination indicible pour son amie. C’était celle qu’elle voyait le moins et pourtant c’était avec elle qu’elle avait noué les liens les plus forts. Pour qualifier leur relation, certains diront qu’elles sont « meilleures amies », tout simplement. Mais pourquoi leur amitié devrait-elle être étiquetée ? Ce besoin presque maladif qu’ont les gens de mettre un nom à tout, de plus pour une notion abstraite qu’est l’amitié ou même l’amour, était quelque chose que ne comprenait pas Zoe. Pour elle, notre façon de se comporter et nos sentiments envers une personne sont bien plus importants et éloquents que de simples mots, de simples étiquettes.

Elsa surprit le regard contemplatif de Zoe et cette dernière, au lieu de détourner les yeux comme si de rien n’était, lui rendit un sourire radieux qui lui fut aussitôt rendu. Le serveur arriva à ce moment-là avec son plateau recouvert de verres qu’il tenait d’une main et, de l’autre, il tendit les glaces ainsi que la note aux jeunes filles qui, dès qu’il fut parti, reprirent naturellement leur conversation comme si elle ne s’était jamais arrêtée.
Dernière modification par Harugin le mar. 27 juin, 2017 2:13 pm, modifié 4 fois.
annabethfan

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Re: Les fées n'existent pas (Peter Pan)

Message par annabethfan »

Peter Pan est un de mes dessins animés préférés quand j'étais petite, encore aujourd'hui à vrai dire, et comme toi ça m'a poussé à lire le roman que j'avais également trouvé fascinant, dans les thèmes et les personnages qu'il dépeint. J'ai donc vraiment hâte de découvrir ta fanfiction!

Le personnage de Zoé me semble criant de réalisme, tu décris bien ce moment coincé entre l'enfance et l'adolescence. Je n'ai pas vu de faute, peut-être quelques coquilles comme des mots manquant mais c'est tout!

Préviens-moi pour la suite :D
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

- II -


Zoe se tournait et se retournait dans son lit, incapable de trouver le repos. Les chiffres sanglants de son réveil affichaient O3:43. Elle avait chaud, même en ayant repoussé avec ses pieds sa couverture. Le tee-shirt trop grand qu’elle portait pour dormir était pourtant assez fin. Le clair de lune arrivait à s’infiltrer à travers les volets en bois et, ses yeux s’étant habitués à l’obscurité, elle distinguait nettement le plafond ainsi que le vieux luminaire datant de l’époque où sa mère vivait encore chez Gemma. Elle finit par s’asseoir sur son lit, la tête tournée vers la fenêtre close. Un sentiment de claustrophobie s'empara d'elle. Elle avait l’impression que les murs de la pièce rétrécissaient, l’emprisonnaient, l’empêchaient de respirer correctement.

Pour une curieuse raison, sa mère refusait qu’elle dorme les fenêtres ouvertes. Une fois, lors d’une chaude soirée d’été, alors que sa mère montait la voir pour lui souhaiter bonne nuit, elle était entrée dans une colère noire lorsqu’elle s’était aperçue que les fenêtres de la chambre de sa fille étaient grandes ouvertes, laissant entrevoir le ciel noir tacheté de points lumineux. Sa mère était quelqu’un qui s’emportait rarement et, ce jour-là, Zoe avait été si choquée de sa réaction qu’elle n’avait pas voulu renouveler cette expérience. Lorsque plus tard elle lui avait demandé la raison de sa colère, sa mère lui avait répondu sèchement que c’était pour éviter de tomber malade à cause des courants d’air ou de faire entrer je ne sais quelle bestiole. Zoe lui avait répliqué que quand même ce n’était pas la peine de s’énerver pour si peu, ce qui lui avait valu un regard noir. Néanmoins, après cet épisode, elle préférait laisser marcher un ventilateur toute la nuit – avec le bruit désagréable et la non-écologie qui vont avec – plutôt que de s’attirer une nouvelle fois les foudres inexpliquées de sa mère.

Le souffle saccadé, Zoe se dirigea maladroitement vers la fenêtre, tourna la poignée et la tira vers elle faisant ainsi entrer un mince filet d’air. Mais ce n'était pas assez. Elle vérifia que personne ne se trouvait derrière elle, plus par réflexe que par crainte, avant d’ouvrir lentement les volets qui, malgré ses précautions, grincèrent. Elle donnait l’impression de commettre un crime. À la vue du paysage qui se tenait devant elle, elle resta coite. Sous ses yeux s’étendaient le petit, voire minuscule jardin de sa grand-mère ainsi que la façade ennuyeuse et fade des autres maisons mitoyennes. Un bien triste spectacle pour celle qui avait l’habitude de voir de la fenêtre de sa chambre la nature sauvage s’étirer à perte de vue. Le ciel qu’elle aimait tant contempler se limitait à une fine bande sombre au-dessus des toits. Mise à part la lune pleine et ronde, pas l’ombre d’une étoile à l’horizon.

Son angoisse s'atténuant, Zoe fut prise d’une soudaine soif. Elle s’arracha de cet insipide tableau et se dirigea à pas de loup vers la salle de bain, en prenant soin au passage de bien refermer la porte de sa chambre pour éviter un vilain courant d’air. Après avoir rapidement nettoyé le verre qui lui servait à se rincer les dents, elle tourna seulement la poignée d'eau froide et remplit son verre quasiment à ras bord. Elle but jusqu’à plus soif avant de le remplir à nouveau dans le but de le poser sur sa table de chevet, au cas où.

À reculons, pour refermer soigneusement la porte, Zoe – qui aimait se balader pieds nus – marcha sur quelque chose de dur qui lui fit pousser un petit cri de douleur. Confuse, elle souleva son pied et découvrit, à moitié incrusté dessous, un gland. Elle le décolla de sa main libre et le porta à son visage. Qu’est-ce que cela venait-il faire dans sa chambre ? Peut-être qu’il s’était glissé dans une ses poches ou dans son sac lors de sa promenade avec Elsa et qu’il avait fini par atterrir ici ? Probable bien qu’il y ait peu de chance qu’elles aient croisé un chêne en plein centre-ville.

Elle se dirigea vers la fenêtre, posa en chemin son verre et le gland sur la coiffeuse près de la porte, s’arc-bouta autant qu’elle le put sur l’appui-fenêtre et pencha la tête à droite puis à gauche. Pas d’arbres en vue et pas assez de vent pour faire voler quoique ce soit non plus. Alors qu’elle se redressait, elle crut apercevoir un frémissement dans les buissons du jardin. Elle s’immobilisa, son cœur battant trop vite, les yeux rivés sur la haie. Soudain, telle une ombre, un renard jaillit des fourrés et comme une flèche traversa l’infime superficie d’herbe en direction du terrain voisin. Soulagée, Zoe ne put s’empêcher de lâcher un petit rire moqueur à l’intention de sa propre frayeur. Je ferais mieux de me coucher au lieu de me faire des films à deux balles, pensa-t-elle.

Elle retourna auprès de la coiffeuse – recouverte de produits cosmétiques – pour boire une dernière gorgée d’eau. À la lueur de la lune, le miroir lui renvoyait l'image d'une fille pâlotte à l’air hagard. Derrière elle, elle distingua une ombre sur le mur, juste au-dessus de son lit. Mon Dieu, je commence à avoir des hallucinations maintenant. Elle ferma les yeux, compta lentement jusqu’à trois puis les rouvrit. L’ombre mystérieuse était toujours là. Zoe fit volte-face, renversant au passage un peu d’eau sur le parquet, mais ce qu’elle vit lui fit carrément lâcher le verre qu’elle tenait toujours à la main. Celui-ci percuta le sol avec un bruit caractéristique, rebondissant au lieu de se briser, et trempa les pieds de Zoe qui, à cet instant, ne s’en souciait pas.

Elle fixait, pétrifiée, cette ombre à forme humaine qui visiblement ne lui appartenait pas. Elle recula en direction de la porte, centimètre par centimètre, espérant que, de son côté, elle ne se mette pas à bouger. Son pied cogna contre le verre, ce qui la fit sursauter et perdre son équilibre ; après une chute au ralenti, elle se retrouva les fesses par terre, entourée d’une petite flaque d’eau à cause de laquelle elle avait glissé. La douleur au niveau du coccyx se propagea le long de sa colonne vertébrale tel un papier que l’on aurait embrasé, mais son attention était entièrement portée sur l’ombre qui s’était mise à se mouvoir. On aurait même dit qu’elle dansait.

Zoe voulait crier, voulait se réveiller de ce rêve inquiétant mais n'y arrivait pas. Les phénomènes paranormaux n’étaient pas son truc. Pourtant, elle était complètement hypnotisée par l’ombre. Une musique sortie de nulle part et aux sonorités de flûte de pan résonna dans sa tête. Malgré elle, elle se mit à se balancer au rythme d’une mélodie imperceptible. Du coin de l’œil, elle vit un garçon accroupit sur le garde corps de sa fenêtre. Dans un état secondaire, elle se leva en s’agrippant à la barre en fer forgé du pied de son lit. Le bas de son tee-shirt, mouillé, lui collait les fesses.

Elle ne distinguait que partiellement l’inconnu dont le visage juvénile était tourné vers elle. Curieusement, cette soudaine apparition ne l'effrayait pas tant que ça, elle se demandait plutôt comment ce drôle de petit garçon avait atterri là, sur le rebord de sa fenêtre. Son cerveau lui envoyait des signaux la prévenant que quelque chose dans cette scène clochait mais, toujours un peu sonnée, elle n’en prit pas compte. Elle s’approcha doucement de l’enfant – il semblait avoir quelques années de moins qu’elle – en ne le quittant pas des yeux. « Bonjour », chuchota-t-elle une fois à environ un mètre de lui. Elle n’osait pas plus s’approcher craignant qu’il ne prenne peur et ne tombe du premier étage ; sa chute ne serait pas mortelle mais causerait quand même de fâcheux dommages.

« Je serais plus rassurée si tu t’approchais », lui dit-elle d’une voix douce, la main tendue. Il ne jeta même pas un coup d’œil à sa main, son regard intensément fixée sur la jeune fille comme s’il cherchait à résoudre une énigme. Zoe commençait à se sentir mal à l’aise, sa lucidité refaisant peu à peu surface. « Comment t’appelles-tu ? » Pas de réponse ou même de signe qui signifierait qu’il avait compris. Peut-être qu’il ne parle pas anglais, pensa-t-elle en baissant le bras. Elle regarda ses pieds nus et fit bouger ses orteils. Je suis folle, je vois des choses et pourtant on dirait que c’est réel. « Je m’appelle Peter Pan. » Elle releva brusquement la tête. Le dit Peter lui lâcha un sourire en coin avant de se laisser basculer en arrière. Elle cria.

Gemma – encore toute endormie – déboula dans la chambre, tâtonna le mur à la recherche de l’interrupteur et, lorsque la lumière fut, découvrit sa petite-fille sur la pointe des pieds, le buste à l’extérieur de la fenêtre. Sans réfléchir, elle se précipita vers elle, attrapa le col de son tee-shirt – qui fit un crac caractéristique du tissu qui se déchire – et la ramena brutalement à l’intérieur. Zoe tituba et se laissa une nouvelle fois choir à terre. Elle vit sa grand-mère claquer les volets en bois puis les fenêtres, d’un mouvement sec et rapide. Enfin, elle toisa Zoe, les sourcils froncés : « Non mais ça va pas ? Qu'est-ce qui te prend ? Tu as vu l'heure ? »

Les yeux dans le vague et encore tout hébétée, la jeune fille ne savait que répondre. Elle eut soudainement froid et se mit à grelotter, les jambes repliées contre sa poitrine. Face à la fragilité et la vulnérabilité de Zoe, l'inquiétude remplaça l'irritation sur le visage de Gemma. Elle s'assit auprès de sa petite-fille pour l'envelopper de ses bras charnus et la cajoler, toute colère envolée. Les caresses aidant, la fatigue tomba sur Zoe comme une massue et elle peina à garder les paupières ouvertes, la tête dodelinant. Son esprit se calma et son corps épuisé se laissa aller contre celui rassurant de sa grand-mère. Alors qu'elle était dans un demi-sommeil, deux mains vinrent se glisser sous ses aisselles et, délicatement, l’aidèrent à s’asseoir sur son lit puis à s’allonger. Les yeux fermés, elle sentit qu'on lui remontait la couverture jusqu’au menton et qu’on lui déposait un doux baiser sur le front.
Dernière modification par Harugin le ven. 16 sept., 2016 11:43 am, modifié 1 fois.
annabethfan

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par annabethfan »

Chapitre intéressant, j'ai bien aimé l'apparition soudaine de Peter Pan :D

Alors j'ai cru comprendre que la mère de Zoé (et très certainement sa grand-mère) devaient connaître l'existence de Peter Pan puisqu'elles ne veulent pas qu'on laisse la fenêtre ouverte, ce qui me fait me demander comment? :lol: Un lien familial avec Wendy ou les Darling sur plusieurs générations?

J'ai hâte d'en savoir plus!

Juste, si je peux faire une remarque, la fin est peut-être un peu abrupte. Je veux dire qu'elle s'endorme juste comme ça alors qu'elle vient de vivre ça...

En tout cas encore un chapitre sympa! ;)
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

Je prends note de tes remarques. Un avis extérieur est toujours ce qu'il y a de mieux pour prendre du recul avec son texte et je suis tout à fait d'accord avec toi sur la fin de cette partie, je compte y remédier :)

Sinon, il est (très) probable que Zoe est un lien avec la famille Darling (même si je n'ai pas l'intention de faire de gros plan sur ce détail) ;)

Ravie que ça t'ait plu ! :D
addbook

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par addbook »

Salut!
J'ai lu tes chapitres et j'aime bien ton écriture... Vas-tu faire une suite? Si c'est le cas, peux-tu me prevenir ?
Merci!!
PtiteCitrouille

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par PtiteCitrouille »

Coucou !
J'ai vu il y a peu le film Pan, de 2015 et j'ai tellement adoré, que j'ai revu le dessin animé (que je n'avais pas revu depuis bien longtemps !)
Ton histoire est je trouve, bien écrite, avec un personnage (Zoe) très réaliste, avec qui on accroche facilement.
Est-il essentiel de lire le livre de J.M. Barrie pour comprendre ton histoire ? Si c'est le cas, je dois le lire rapidement ! :D
Le personnage de Peter Pan me fascine depuis que j'ai revu les adaptations, et je regrette de ne pas les avoir regardées plus tôt !
Pourrais-je être prévenue pour la suite s'il te plaît ? :)
-Fan-

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par -Fan- »

Salut !

Le titre de ton histoire, "Les fées n'existent pas", est juste parfait, et ça faisait quelques temps que ton histoire m'intriguait. Peter Pan, on ne pourrait pas dire que j'en sois fan comme toi - j'ai vu le film Disney et fait l'attraction, c'est à peu près tout - mais il fait partie de ces récits classiques, mais pas si vieux, complexes, et magiques. J'ai vu le film Neverland il n'y a pas longtemps et je dois dire que ça m'a fait pleurer. Non seulement parce que c'est triste, mais parce que je me suis sentie profondément nostalgique de la magie de mon enfance... Enfin bref, le récit original de Peter Pan m'intriguait, faut que je revoie le Disney aussi - avec mon regard d'aujourd'hui -, et le livre, je l'ai chez moi [plus la version nightmare de Loisel], donc je le lirai peut-être.

Breeef, j'ai lu tes deux premières parties, et c'est vachement bien ! Vraiment, tu semblais t'excuser de ton style dans ton premier message, mais il n'y a pas de quoi. Ton début est construit, fluide et très bien écrit :)
C'est marrant, parce que l'héroïne est un peu le contraire de moi :lol: J'ai été formée ET réglée très tôt, donc ça me mettait hyper mal à l'aise... Et en ce qui concerne avoir l'air plus âgée, pour moi, c'était le contraire, j'ai toujours joué avec des enfants plus jeunes que moi, j'ai eu très longtemps peur de grandir - et par conséquent, je détestais - et je déteste toujours - qu'on me vieillisse. (Et d'ailleurs, j'ai toujours détesté me maquiller, et c'est encore le cas... u-u)
Mais je comprends Zoe, et je crois que j'aurais pu faire comme elle, vouloir être comme mes amies. On n'est jamais content de ce qu'on a :lol:
D'ailleurs, en parlant de ça, j'aime tellement ton entrée en matière :lol: "Immaculée", quand on est une fille, on sait tout de suite ce que ça veut dire :lol: Nan, mais vraiment, c'est vraiment original, et la bonne accroche pour présenter ton personnage de Zoe.

Pour Zoe, je trouve que ton personnage se tient, est bien construit. Il n'y a que l'histoire de la fenêtre qui me perturbe un peu. La mère et la grand-mère veulent que la fenêtre soit fermée pour éviter que Peter Pan ne rentre, c'est ça ? Mais dans ce cas-là, elles connaissent son existence ? :? Est-ce qu'elles ont un lien quelconque avec la famille originale ? :shock: Désolée, je me trompe peut-être complétement, mais dans cas, ne me dis rien ^^
Le gland m'a fait penser à Totoro ♥ [Bon, je sais que ça a un rapport avec Peter Pan, mais j'aime bien cette comparaison :) ]

Par contre, j'ai repéré quelques coquilles :

"Bien qu'il n'y avait rien d'enfantin à cela, cela détériorait un peu l’image que voulait renvoyer Bien qu'il n'y avait pas de honte à cela, Zoe craignait de détériorer l'image qu'elle voulait renvoyer d'elle-même" → Là, soit tu as oublié un point, soit il y a l'une des deux phrases que tu as oublié d'effacer ^^

"Zoe ne lui faisait pas face le regard tourné aussi vers l'extérieur l’observait grâce au reflet que renvoyait la vitre juste à côté de laquelle se trouvait leur table. " → Il manque une ponctuation ou quelques liens coordonnants... Parce que la phrase n'est pas compréhensible comme ça ^^'

Bon, et puis il y avait une faute d'accord, aussi, mais je la retrouve pas, désolée... ^^'

Alala, l'histoire du ventilateur... Mais Zoe ne peut pas savoir qu'en ville, c'est pas possible de dormir les fenêtres ouvertes, avec le bruit qu'il y a dehors ! [Donc vive les ventilateurs...]

J'étais étonnée par l'apparition de Peter Pan. Je veux dire, quand j'étais petite, c'était un grand, mais maintenant, c'est un enfant. J'aime beaucoup cette relativité des choses, et ce personnage. J'ai hâte à la suite :mrgreen:

Bref, tu peux m'inscrire à la liste des prévenues, je serai bien curieuse de voir ce que cette histoire devient :) A plus ! :D
-Fan-
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

addbook a écrit :Salut!
J'ai lu tes chapitres et j'aime bien ton écriture... Vas-tu faire une suite? Si c'est le cas, peux-tu me prevenir ?
Merci!!
Merci d'avoir lu mes deux chapitres ! Les quelques parties qui suivent sont déjà écrites et je les posterai sûrement, mais la grande majorité de l’histoire se trouve toujours dans ma tête et ne semble pas encore vouloir y sortir. Je te préviendrai dès que c'est le cas !
PtiteCitrouille a écrit :Coucou !
J'ai vu il y a peu le film Pan, de 2015 et j'ai tellement adoré, que j'ai revu le dessin animé (que je n'avais pas revu depuis bien longtemps !)
Ton histoire est je trouve, bien écrite, avec un personnage (Zoe) très réaliste, avec qui on accroche facilement.
Est-il essentiel de lire le livre de J.M. Barrie pour comprendre ton histoire ? Si c'est le cas, je dois le lire rapidement ! :D
Le personnage de Peter Pan me fascine depuis que j'ai revu les adaptations, et je regrette de ne pas les avoir regardées plus tôt !
Pourrais-je être prévenue pour la suite s'il te plaît ? :)
Je n'ai pas vu Pan mais je le regarderais peut-être, pour voir comment l'histoire est traitée ;) En ce qui concerne Barrie, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir lu son livre pour comprendre mon histoire, mais tu ne perds rien à le lire :)
Et, bien sûr, merci d'avoir pris la peine de lire ce début de fanfiction ! (Je te préviendrais pour la suite avec plaisir.)
-Fan- a écrit :Salut !

Le titre de ton histoire, "Les fées n'existent pas", est juste parfait, et ça faisait quelques temps que ton histoire m'intriguait. Peter Pan, on ne pourrait pas dire que j'en sois fan comme toi - j'ai vu le film Disney et fait l'attraction, c'est à peu près tout - mais il fait partie de ces récits classiques, mais pas si vieux, complexes, et magiques. J'ai vu le film Neverland il n'y a pas longtemps et je dois dire que ça m'a fait pleurer. Non seulement parce que c'est triste, mais parce que je me suis sentie profondément nostalgique de la magie de mon enfance... Enfin bref, le récit original de Peter Pan m'intriguait, faut que je revoie le Disney aussi - avec mon regard d'aujourd'hui -, et le livre, je l'ai chez moi [plus la version nightmare de Loisel], donc je le lirai peut-être.

Breeef, j'ai lu tes deux premières parties, et c'est vachement bien ! Vraiment, tu semblais t'excuser de ton style dans ton premier message, mais il n'y a pas de quoi. Ton début est construit, fluide et très bien écrit :)
C'est marrant, parce que l'héroïne est un peu le contraire de moi :lol: J'ai été formée ET réglée très tôt, donc ça me mettait hyper mal à l'aise... Et en ce qui concerne avoir l'air plus âgée, pour moi, c'était le contraire, j'ai toujours joué avec des enfants plus jeunes que moi, j'ai eu très longtemps peur de grandir - et par conséquent, je détestais - et je déteste toujours - qu'on me vieillisse. (Et d'ailleurs, j'ai toujours détesté me maquiller, et c'est encore le cas... u-u)
Mais je comprends Zoe, et je crois que j'aurais pu faire comme elle, vouloir être comme mes amies. On n'est jamais content de ce qu'on a :lol:
D'ailleurs, en parlant de ça, j'aime tellement ton entrée en matière :lol: "Immaculée", quand on est une fille, on sait tout de suite ce que ça veut dire :lol: Nan, mais vraiment, c'est vraiment original, et la bonne accroche pour présenter ton personnage de Zoe.

Pour Zoe, je trouve que ton personnage se tient, est bien construit. Il n'y a que l'histoire de la fenêtre qui me perturbe un peu. La mère et la grand-mère veulent que la fenêtre soit fermée pour éviter que Peter Pan ne rentre, c'est ça ? Mais dans ce cas-là, elles connaissent son existence ? :? Est-ce qu'elles ont un lien quelconque avec la famille originale ? :shock: Désolée, je me trompe peut-être complétement, mais dans cas, ne me dis rien ^^
Le gland m'a fait penser à Totoro ♥ [Bon, je sais que ça a un rapport avec Peter Pan, mais j'aime bien cette comparaison :) ]

Alala, l'histoire du ventilateur... Mais Zoe ne peut pas savoir qu'en ville, c'est pas possible de dormir les fenêtres ouvertes, avec le bruit qu'il y a dehors ! [Donc vive les ventilateurs...]

J'étais étonnée par l'apparition de Peter Pan. Je veux dire, quand j'étais petite, c'était un grand, mais maintenant, c'est un enfant. J'aime beaucoup cette relativité des choses, et ce personnage. J'ai hâte à la suite :mrgreen:

Bref, tu peux m'inscrire à la liste des prévenues, je serai bien curieuse de voir ce que cette histoire devient :) A plus ! :D
-Fan-
Déjà, ça me fait très plaisir de lire ton long commentaire. C’est le genre de paroles qui me motivent à continuer à écrire (ou, dans mon cas, à recommencer à écrire).

En effet, tu sembles à l'opposé du personnage de Zoe ce qui est intéressant car, même si tu as vécu une adolescence différente de la sienne, tu as pu peut-être ressentir les mêmes interrogations, les mêmes inquiétudes qu’elle.

Pour l'histoire de la fenêtre fermée, je pense qu'on ne comprend pas immédiatement la réaction de la mère de Zoe (et de sa grand-mère) parce que je n'ai pas publié la suite. Mais je fais en sorte d’expliquer ce pseudo mystère dans les chapitres qui suivent et j’espère que tu trouveras les réponses à tes questions !

Merci d’avoir repéré les coquilles ! Maintenant que tu le dis, elles m’ont sauté aux yeux et je les ai corrigés du mieux que j’ai pu. (J'ai même changé un peu la fin de la deuxième partie parce qu'elle ne me plaisait pas donc tu pourras y jeter un coup d'œil si l'envie t'en prend.)

À bientôt j'espère !
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

- III -


Zoe se réveilla avec un mal de tête qui s’accentua lorsqu’elle se redressa. Elle ressentait également une douleur aiguë au niveau du coccyx. Le temps que sa mémoire recolle les pièces du puzzle, elle découvrit avec surprise sa grand-mère en robe de chambre – avachie dans le vieux fauteuil trônant dans un coin –, la tête penchée dans une posture qui semblait fort inconfortable mais qui ne l'empêchait pas de dormir et de ronfler profondément.

La jeune fille lança un rapide coup d’œil à son réveil. Il était dix heures passées. Elle hésitait à réveiller son aïeule qui, à cette heure-ci, devrait déjà être en train de bourdonner dans toute la maison ou être partie je ne sais où. Elle décida après réflexion de la laisser dormir, plus par culpabilité que par prévenance. Elle se rappelait de la veille non pas comme des brides d'un rêve mais comme un souvenir net et précis. Dans les dernières pensées claires qu’elle avait pu avoir avant de sombrer dans le sommeil, elle avait espéré que tout soit oublié le lendemain. C'était trop surréaliste pour être vrai. Malheureusement, c'était le cas. Même si les preuves, tels que le verre qu’elle avait laissé tomber ou encore la flaque d’eau que cet incident avait créé, avaient disparu et ne permettaient pas d'affirmer que quelque chose d'étrange c'était passé la veille. Zoe imaginait sans difficulté sa grand-mère ramasser le verre pour le remettre à sa place originelle, près du lavabo de la salle de bain, puis éponger l’eau répandue sur le parquet avant d’aller s’installer sur le fauteuil, dans le but sûrement de garder un œil sur sa petite-fille aux pensées suicidaires.

Zoe n’avait bien entendu aucunes pensées suicidaires ; c'était un quiproquo, elle était juste en train de vérifier si sa pire crainte – celle de retrouver un enfant disloqué au bas de la maison – était fondée. Lorsqu’elle avait compris que personne d’ensanglantée ne gémissait dans le jardin, elle n’avait pas su s’il fallait s’en réjouir ou s’en inquiéter. Encore maintenant, elle se posait la question.

Elle se dégagea de son lit péniblement, une main sur la hanche, telle une petite vieille. Alors qu’elle allait sortir de sa chambre, elle changea d’avis et rebroussa chemin pour aller secouer gentiment l’épaule de sa grand-mère. « Mamie, réveille-toi ! », lui chuchota-t-elle près de l'oreille, avant de le répéter d’une voix normale. Son aïeule grogna un peu avant d’ouvrir les yeux. « Zoe ! », s’exclama-t-elle comme si elle la voyait pour la première fois faisant sursauter celle-ci. « Quelle heure est-il ? » demanda-t-elle, l’air perdu, en reprenant une posture plus confortable. « Il est précisément dix heures dix-sept, lui répondit Zoe.
— Déjà ?!
— Je suis désolée, j'aurais dû mettre un réveil, s’excusa-t-elle, un peu penaude. Tu avais quelque chose de prévu ?
— Oui. »

Gemma ajouta pour ne pas paraître trop sèche : « Mais je peux annuler, ce n’est pas bien grave. Je vais pouvoir, à la place, m'occuper du ménage de printemps. Je n'ai plus d'excuses pour éviter d'avoir à le faire. En plus, j'ai une paire de mains jeunes et pleines de vitalité pour m'aider, donc autant en profiter. » Elle adressa un regard amusé à sa petite-fille au sourire mi-figue, mi-raisin. Elle savait que, comme elle, elle n'aimait pas spécialement les tâches ménagères. Une belle journée en perspective !

***


Elles dînaient silencieusement, l’une en face de l’autre, dans la petite cuisine. La maison reluisait de propreté prouvant que, même si le cœur n'y était pas, l'huile de coude avait coulé. Zoe piquait sa fourchette dans son assiette presque vide, sans regarder où elle visait, trop absorbée dans la contemplation d’un vieux tableau représentant un champ de coquelicots aux couleurs passées. De temps en temps, elle mordait dans sa fourchette qui venaient résonner contre ses dents mais, l'esprit ailleurs, elle ne s’en préoccupait pas. Gemma observait cet étrange spectacle et avait pitié de ces pauvres petits soldats ronds et verts qui réussissaient à échapper à ces fourches métalliques et maladroites tombant du ciel. Ayant terminé la première son assiette, elle s’essuya méticuleusement la bouche.

Une fois que sa petite-fille eut déposé ses couverts – signe qu’elle avait fini de manger –, elle lui proposa un dessert. Zoe déclina poliment, comme d'habitude. Elle ne voyait pas l’utilité de manger plus d’un plat par repas – déjà qu’il y en a trois dans une journée (quatre si l’on compte le goûter), cela est largement suffisant selon elle. Les entrées et les desserts, elle passe son tour.

Le silence s’installa, aucune n’osant faire le premier pas pour le briser. Gemma pensait qu’il était temps d’avoir une conversation avec Zoe. La journée s’était écoulée sans qu’aucune n’aborde ou ne fasse allusion au sujet. Un sujet peu banal, certes. N’osant pas interpeller directement sa petite-fille qui était toujours en train de rêvasser, elle essaya de capter son attention. Comme son regard insistant ne fonctionnait pas, elle se racla la gorge. N’obtenant toujours pas de réaction, elle fit tomber volontairement sa fourchette sur le carrelage. En vain. Finalement, réalisant l’absurdité de son comportement et après avoir ramassé son couvert, elle but un peu d’eau pour se redonner un tant soit peu de contenance sauf que, dans la précipitation, elle avala de travers.

Zoe redescendit sur terre lorsqu’elle entendit quelqu’un tousser bruyamment, de manière saccadée. Sa grand-mère, une serviette contre la bouche, essayait de calmer sa toux. L’adolescente fit mine de se lever, sans trop savoir quel comportement adopter, mais son aïeule l’arrêta d’un signe de la main. Elle reposa sa serviette sur la table, après l’avoir soigneusement repliée, et dit d’une voix hésitante : « Je… Attends. Ne bouge pas. »

Avant que Zoe n'eut le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer, sa grand-mère quitta la pièce, la laissant seule face à ses quatre petits pois qui, au lieu de rejoindre les autres en purée dans l’estomac de la jeune fille, finiront à la poubelle. Deux minutes plus tard, Gemma revint et se rassit, comme si de rien n’était. « Hier…, commença-t-elle de but en blanc. Que s’est-il passé ? » Zoe se mit à rougir malgré elle, comme si on venait de lui poser une question embarrassante. Qu’était-elle censée lui raconter ? La vérité ? Qu’elle avait vu une ombre sortir de nulle part puis un garçon perché sur sa fenêtre ? Impossible, soit elle la prendrait pour une folle, soit elle ne la croirait pas, tout simplement. Elle paniqua légèrement : « Je ne voulais pas sauter. Si c’est ça que tu crois, je ne voulais pas sauter ! J’aime la vie. Je ne veux pas mourir, je suis trop jeune. Et puis sauter du premier étage, c’est vraiment stupide », ajouta-elle d’une voix plaintive.

Curieusement, un petit sourire énigmatique se dessina sur les lèvres de sa grand-mère. « Je le sais, ma chérie. Je le sais. Si je te pose la question c'est parce que j’ai trouvé ceci dans ta chambre… » À ces mots, elle déposa sur la table, entre elles, un gland à la peau et à la cupule dorées. Zoe écarquilla les yeux. Ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait et pourtant, dans la semi-obscurité, elle n’avait pas remarqué sa couleur peu commune et quelque peu fascinante. De plus, elle avait complètement oublié cette preuve concrète de ce qui s’était passé la veille. Elle tendit la main et attrapa l’achène entre le pouce et l’index : il était bel et bien réel. « Tu sais d’où il vient, n’est-ce pas ? », reprit sa grand-mère. Me prendrait-elle pour une idiote ? songea Zoe avant de répondre malgré tout : « D’un chêne.
— Oui, mais de quel chêne ?
— J’en sais rien, moi. Je ne suis pas spécialiste des arbres. »
La bouche de son aïeule s’ouvrit et se ferma, comme celle d’un poisson. « Tu n’y es jamais allée ? (Son ton exprimait clairement de la surprise.)
— Aller où ? répondit Zoe qui était perdue par ce changement radical de sujet.
— Au Pays Imaginaire. »

L’adolescente, les yeux ronds, regarda sa grand-mère pour voir si elle plaisantait et, comme ce n’était pas le cas, elle éclata de rire. Il n’y avait rien de drôle et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de rigoler en se tenant les côtes. Elle n’arrivait plus à se contrôler. À travers ses larmes, elle aperçut la vieille femme, très sérieuse, les mains croisées devant elle sur la table. Sans comprendre pourquoi, cette vision fit redoubler son hilarité. Quand Zoe fut presque calmée, seuls quelques gloussements s’échappaient encore de sa bouche, sa grand-mère lui demanda d’une voix étrangement posée : « Tu n’as donc jamais rencontré Peter Pan ? » Au souvenir de ce nom, Zoe s’immobilisa aussitôt, son fou rire se dissipant aussi vite qu’il était apparu.

Ne remarquant pas le revirement d’attitude de sa petite-fille, Gemma se leva et commença à débarrasser la table. Elle empila assiettes, couverts et verres avant de se diriger vers l’évier dans lequel elle déposa la vaisselle sale. Elle tourna le robinet d’eau chaude, prit éponge et liquide vaisselle et commença à astiquer les fourchettes. Zoe, toute envie de rire ayant disparu, fourra le gland dans la poche de son jean, alla déposer la bouteille d’eau vide dans le sac poubelle jaune prévu pour les plastiques puis rejoignit sa grand-mère, un torchon propre à la main. Toutes les deux avaient ce petit rituel à la fin de chaque repas : l’une lavant, l’autre essuyant. C’était un moyen qu’elles avaient pour passer un peu plus de temps ensemble – elles qui ne se voyaient quasiment pas de la journée – car, une fois la tâche finie, elles se séparaient, chacune vaquant à ses occupations du soir.

« C’est quoi le Pays Imaginaire ? » Zoe avait posé la question d’une voix qu’elle voulait détachée et non sarcastique. Sans la regarder, Gemma lui répondit sur le même ton : « Une île enchantée où vivent des sirènes ou encore des fées. »

Zoe, l'air sceptique, dévisagea sa grand-mère. Elle attendit que celle-ci se retourne vers elle en lui disant : « Mais non, je plaisante ma chérie ! Tu ne crois quand même pas que je suis sérieuse ? » sauf que ce moment ne vint pas. Pourquoi se comportait-elle ainsi ? Ça n'avait aucun sens. Gemma avait les pieds sur terre et n'était pas connue pour être une grande blagueuse. Face à son silence persistant, l'adolescente s'offusqua : « Mamie ! Tu me prends pour un bébé ou quoi ? Les fées n'existent pas. Pas plus que les sirènes d'ailleurs. Ce ne sont que des légendes que les plus délurés croient vraies. »

La jeune fille sursauta lorsque la dernière assiette dégoulinante que lui tendait sa grand-mère lui glissa des mains et vint s’éclater en mille morceaux sur le carrelage. Gemma s’accroupit aussitôt, la tête baissée pour cacher son expression chamboulée à sa petite-fille. Tout en l’aidant à ramasser les éclats de grès éparpillés sur le sol, Zoe continua sur sa lancée : « Tu sais, ce n'est pas à moi à qui l'on fera croire ce genre d'idioties. Je n'ai jamais cru au Marchand de Sable, à la Petite Souris ou même au Père Noël. Maman, tu la connais, ne m’encourageait pas à croire en ces personnages fabuleux. Me lire des histoires pour enfants, très peu pour elle. Elle ne voulait pas m'abrutir avec des bêtises pareilles. »

Gemma était chagrinée face à cette triste réalité. Ana, la mère de Zoe, était son cinquième et dernier enfant ainsi que son unique fille. Ana avait seize ans d’écart avec son aîné. Elle avait, sous l’influence de ses frères, mûrit plus vite que les autres enfants, trop vite ce qui attristait sa mère qui malheureusement n’avait pas pu y faire grand-chose. Elle n’avait jamais connu ou très peu, la magie de l’enfance, celle-ci gâchée par ceux qui étaient déjà passés à un autre stade.

« Où se trouve-t-elle cette île ? Et comment fait-on pour y aller vu que c'est un Pays Imaginaire ? », reprit Zoe en mettant à la poubelle le petit tas de céramique qu’elle avait réussi à récupérer. La réponse ne l'intéressait pas mais elle avait remarqué la mine peinée de sa grand-mère et tentait de rentrer dans son drôle de jeu pour lui faire plaisir.
— Elle ne se trouve pas dans notre monde mais quelque part dans l’univers. On y va par la voie des airs, répondit Gemma sans conviction.
— Ah ah ! s'amusa Zoe. Je ne savais pas, Mamie, que tu avais une imagination aussi débordante. »
Ma petite-fille a perdu son innocence juvénile car ma fille l’a endiguée dans ce cercle vicieux où le rêve enfantin ne trouve pas sa place, pensa sa grand-mère en secouant la tête imperceptiblement. Mamie a définitivement perdu la tête ou bien elle se moque cruellement de moi en me prenant encore pour une gamine, songea Zoe.
« Bon, je vais me coucher, prévint l’adolescente en se frottant les mains l'une contre l'autre. Bonne nuit.
— Bonne nuit, ma puce. »

Alors qu’elle était prête refermer la porte, la main sur la poignée, Zoe – le dos tourné à sa grand-mère qui était en train de passer la balayette par terre – osa enfin poser la seule question qui la tourmentait depuis le début : « Tu m’as parlé d’un certain Peter Pan, non ? Qui est-il exactement ? » Plusieurs secondes s’écoulèrent, au cours desquelles elle pensa qu’elle n’avait pas parlé assez fort, avant que Gemma ne déclare : « Juste un petit garçon. Mais, comme tu l'as si bien dit, mon imagination est débordante.
— Oui, en effet », mentit-elle.
Au moment où son aïeule se relevait, lui demandant de répéter ce qu’elle avait dit parce qu’elle n’avait pas entendu, Zoe fila à l’étage.

Zoe était en train de se laver les dents quand quelqu’un frappa doucement à la porte. Elle l’ouvrit, la brosse à dents coincée entre ses molaires. Sa grand-mère se tenait sur le seuil et lui présentait un vêtement plié et repassé. « Je n’ai pas eu le temps de laver ton pyjama – ou serait-il plus exact de dire ton tee-shirt – et de recoudre le col que je t’ai malencontreusement décousu la nuit dernière. Alors, pour ce soir, je te passe cette chemise de nuit. Elle appartenait à ta mère lorsqu’elle avait à peu près ton âge. C’est sûr que c’est un peu 'vieillot' mais dis-toi que ce n’est que provisoire. » Zoe n'eut pas le temps de s’exprimer qu'elle était déjà repartie, le vêtement posé sur un meuble.

Après avoir rincé sa bouche, Zoe déploya la chemise de nuit, d’un bleu dragée, qui avait été laissée sur le meuble près du lavabo. Elle n’avait pas eu le temps de dire à sa grand-mère qu’elle avait d’autres tee-shirts qui lui servaient de pyjama dans sa valise. Elle renifla suspicieusement la tunique ; elle n’avait pas l’odeur de renfermé ou de naphtaline auquel elle s’attendait. Gemma avait sûrement pris soin de la secouer à l’extérieur, pour l’imprégner d’air frais, avant de la repasser. Zoe enleva tous ces vêtements, ne gardant que sa culotte. Elle enfila la chemise de nuit. Celle-ci s’arrêtait au niveau du genou, le tissu était doux au toucher et était suffisamment épais pour cacher sa modeste poitrine. Zoe n’était pas habituée aux manches trois-quarts et ne put s’empêcher de tirer dessus, comme si elle pouvait les agrandir. Elle s’examina dans le miroir mural afin de se voir des pieds à la tête.

Pas mal, s’émerveilla-t-elle. En effet, cette toilette lui allait à ravir. Sans la mouler, elle lui saillait la taille, accentuant sa fine silhouette là où il fallait. De la fine dentelle venait élégamment délimiter le col et les manches du vêtement. On aurait presque dit qu’elle s’était vêtue d’une robe et non d’un pyjama. Certes, elle s'était complètement démaquillée et elle ne portait plus le masque, la carapace qu’elle chérissait tant. Elle se trouvait vulnérable et fade mais, dans cette tenue, elle se sentait bien, sans qu’elle ne puisse l’expliquer. Prise d’un soudain narcissisme, elle se contempla, s’admira, s’enthousiasma, s’extasia devant son propre reflet. Elle désirait ardemment sortir, tourner et virevolter dans la rue afin que les gens la voient telle qu’elle était vraiment et qu'importe s'ils pensaient qu'elle avait dix ans. Bien sûr, elle était trop sage et pas assez folle pour sortir dans cet accoutrement de nuit.

L’ordinateur posé sur ses jambes étendues et adossée contre de moelleux coussins, Zoe – le visage concentré – était en train de parcourir les différentes pages qu’elle avait ouvertes sur Internet. Elle maniait tous les réseaux sociaux d’une main de maître. Elle faisait partie de cette génération connectée, au courant de la moindre nouvelle, futile la grande majorité du temps. Elle pouvait passer des heures à regarder son écran en ayant l’impression de faire quelque chose d’important.

Elle faisait défiler avec envie les photos de son groupe d'amies, en particulier celles de sa bande. Elles ont l'air de bien s'amuser sans moi. Elles auraient pu au moins m'envoyer un message pour me demander comment j'allais, pensa Zoe, le cœur un peu serré. Ses trois copines se tenaient bras dessous, bras dessus avec, en arrière-plan, la place de son village qu'elle chérissait tant.

Lorsqu’elle consulta son portable pour la millième fois – elle attendait toujours une réponse de la part d’Elsa pour savoir si elles pouvaient se revoir dans la semaine – elle se rendit compte qu’il était grand temps pour elle de dormir. Son corps répondant enfin à l’appel du sommeil, elle se frotta les yeux et bailla bruyamment. Elle éteignit son ordinateur et le posa à côté d’elle. Bien entendu, elle avait oublié de fermer les volets. Elle soupira. L’éclat du soleil dans quelques heures risquait de la réveiller et adieu la grasse matinée. Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Et pourquoi ces maudits volets sont aménagés à l’extérieur ? À contrecœur, elle s’extirpa de la couverture.

Elle ouvrit sa fenêtre et, les bras écartés pour rabattre les panneaux en bois, la tête de l’étrange petit garçon nommé Peter Pan apparut, à l’envers, juste à côté de la sienne. « Encore toi », siffla-t-elle entre ses dents au moment où sa tête disparut de son champ de vision. Elle se dévissa le cou afin de voir dans quelle position il se trouvait cette fois-ci. Même si la lune jouait à cache-cache avec les nuages, elle réussit à l’apercevoir : il était, lui semble-t-il, à cheval sur la lucarne fronton. Comment a-t-il fait pour grimper jusqu’ici ? « Arrête de faire le singe et descends de là ! », le sermonna-t-elle d’une voix qu'elle se voulait autoritaire. Il répliqua par un petit cri en se grattant les aisselles tel un primate. Voilà qu’il se moque de moi maintenant. Craignant d’attraper un torticolis en restant une seconde de plus dans cette posture, Zoe recula d’un pas en se massant la nuque.

Peter Pan atterrit comme la première fois qu’elle l’avait vu sur le rebord de sa fenêtre. Il a un sacré sens de l’équilibre, pensa-t-elle. Avant qu’elle n’ait pu faire le moindre mouvement, il sauta avec agilité – elle jura qu’il était resté plus longtemps en l’air que la gravité ne le permet à un humain – dans sa chambre et toucha terre sans un bruit. Sans prêter attention à elle, il commença à inspecter la pièce et pas seulement avec les yeux. Il rampa sous son lit, ressortit de l’autre côté, examina les divers produits éparpillés sur sa coiffeuse, souleva le tapis à poils longs, ouvrit les tiroirs de sa table de chevet, effleura le pied de la lampe tactile qui s’alluma d’une faible intensité à son contact, déplaça quelques meubles pour vérifier ce qu’il y avait derrière. Il lui faisait penser à une abeille volant d’une fleur à une autre et ne sachant pas laquelle butiner.

Les bras croisés, Zoe le laissa faire et l’observa comme s’il s’agissait d’un spécimen rare. Sa façon de s'habiller est… originale, remarqua-t-elle. En effet, on aurait dit qu’il avait dégoté des vestiges de vêtements aux couleurs ternes et trop grands pour lui qu’il avait découpé grossièrement au niveau des bras et des jambes, une ceinture fabriquée de lianes entrecroisées lui entourait les hanches, un étui fabriqué avec des feuilles était accroché sur son côté droit à portée de main et ses pieds étaient nus et sales.

Au bout d’un moment, elle finit par se lasser de son petit manège – surtout qu’il était en train de farfouiller dans son placard où se trouvaient ses affaires et entre autre ses sous-vêtements – et l’arrêta en lui posant une main sur l’épaule lorsqu’il passa devant elle pour aller fureter je ne sais où. « Qu’est-ce que tu fais ? » lui demanda-t-elle agacée. Maintenant qu’ils se tenaient côte à côte, elle réalisa qu’elle le dépassait seulement de quelques centimètres. « Je cherche mon ombre, déclara-t-il en se dégageant de son emprise d’un léger coup d’épaule.
— Elle n’est pas là. »

Elle n’en savait strictement rien mais, à son grand étonnement, Peter arrêta ses recherches. « J’étais pourtant sûr qu’elle serait revenue ici. T’es certaine de pas l’avoir vue ? » Zoe hocha la tête. Dépité, il s’assit en tailleur sur son lit, le visage caché, un sanglot s'échappant d'entre ses mains. Prise de culpabilité, la jeune fille le rejoignit et s’installa face à lui. « Ne sois pas triste, elle reviendra », le rassura-t-elle doucement. Comment pouvait-on perdre son ombre ? C’était absurde. « J’suis pas triste. », déclara-t-il en s’essuyant les yeux avec son avant-bras. Zoe préféra entrer dans son jeu pour ne pas le contrarier d'avantage : « Pourquoi ton ombre serait revenue ici ?
— Parce qu'elle t'a choisie, lui répondit-il comme si c'était évident.
— Je ne suis pas sûre de comprendre...
— Elle t'a choisie ! Toi, Zoe, elle t'a choisie !
— Comment tu connais mon prénom ?
— J'ai entendu la vieille femme t'appeler ainsi.
— Tu… Quoi ?
— Je vous ai observées.
— Depuis combien de temps exactement ?
— J'sais pas. Longtemps. »

Zoe était larguée. Cet énergumène avait le don pour l'étonner. Déjà, leur conversation avait démarré sur la disparition d'une ombre ce qui en soit était surprenant et voilà que maintenant, elle apprenait que ce n'était pas la première fois qu'il venait l'épier. Flippant. Elle tenta de ramener la discussion vers quelque chose de plus rationnel. « Dis-moi, où habites-tu ?
— Là-bas.
— Où ça, là-bas ? »

Il pointa le doigt vers le ciel. « Deuxième à droite et tout droit jusqu'au matin ! » Exaspérée par ses enfantillages, Zoe attrapa son ordinateur et l'alluma. Peter fixa l'appareil d'un drôle d'air. Il s'approcha d'elle et regarda par-dessus son épaule. « C'est quoi ? » demanda-t-il, son doigt à quelques centimètres de l'objet. Elle ignora sa question et ouvrit Google Map. « Quelle est l'adresse de ta maison ?
— Euh…
— Le numéro de téléphone de chez toi ?
— Mon quoi ?
— Ton numéro de téléphone… Ne me dis pas que lui aussi tu ne le connais pas ! Oh, et puis laisse tomber. »

Pour les coordonnées, c'était raté. Peut-être venait-il d'emménager récemment dans la ville ? Cela expliquerait son incapacité à répondre à des questions basiques. Ou alors, il avait un déficit mental. Si c'était le cas, ça ne devait pas être facile tous les jours pour ses parents. Avoir un gosse qui ne se souvient de rien et qui de plus espionne les gens à des heures impromptues en grimpant sur les toits… Ils devaient être morts d'inquiétude. Les parents ! Bien sûr ! « Rassure-moi, tu connais au moins le prénom de tes parents ? » Zoe avait un don pour retrouver n'importe qui sur Internet et, pour sa propre fierté, se devait de résoudre cette affaire. C'était son domaine, elle n'avait jamais échoué dans son rôle d'enquêtrice. Comme aucune réponse ne venait de la part du garçon, elle réitéra sa question, les mains impatientes planant au-dessus du clavier.
« Je m'appelle Peter Pan.
— Oui merci. Tu peux changer de disque, j'ai déjà entendu cette chanson. »

Néanmoins, elle tapa son nom et prénom dans la barre de recherche. Elle ne trouva rien sur lui que ce soit dans les journaux ou dans les réseaux sociaux. Il était peut-être encore un peu jeune pour avoir un profil - quoiqu'il n'était pas rare de trouver sur Internet des enfants de dix ans inscrits sur les réseaux. Après cinq minutes de recherches infructueuses, Zoe se tourna en direction de Peter qui était en train de s'amuser avec sa lampe de chevet tactile.
« Eh ! Au lieu de faire le pitre, tu peux au moins me dire comment s'appellent tes parents ?
— Non, murmura-t-il sans la regarder.
— Ne me dis pas que t'as aussi oublié leur prénom ? »

L'agacement de Zoe ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure de l'absurdité de cette situation et de la non-réactivité de l'enfant. Elle n'avait qu'une envie : le secouer et lui faire cracher le morceau. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge digitale de son ordinateur : 02:30. Depuis quelques nuits, son hygiène de vie allait en se dégradant. Elle se frotta les yeux, exténuée. « Bon, ne bouge pas d'ici », lui ordonna-t-elle avant de se lever du lit, et sortit de la pièce.

Arrivée au seuil de la chambre de sa grand-mère, elle hésita. La porte était entrouverte et la pénombre l'empêchait de voir quoique ce soit. Seuls des ronflements sonores lui permettaient de confirmer la présence de son aïeule. Après une profonde inspiration, elle entra à pas de loup à l'intérieur.

Personne. Il n'y avait personne. Zoe vérifia qu'il ne se cachait pas sous le lit ou dans l'armoire, assez grande pour qu'un ou deux enfants puissent s'y cacher. Malheur. Elle avait une fois de plus oublier de refermer sa fenêtre. Elle se précipita vers celle-ci et, comme dans un déjà-vu, se pencha à l'extérieur, les yeux plissés. Nulle trace de lui à l'horizon. « Je… Il était là. Je… je suis pas folle ! » bégaya-t-elle à l'intention de sa grand-mère. Avec un étonnant calme, Gemma la recula doucement de la fenêtre avant de la refermer, comme elle l'avait fait la veille. « Je… je te jure mamie. Il était là. Le petit garçon dont tu m'as parlé !
— Chut, chut, l'apaisa-t-elle en lui posant une main sur la joue.
— Il faut appeler la police ! Il fait nuit, c'est dangereux et… ses… ses parents doivent être mort d'inquiétude... ou sont complètement irresponsables ! s'énerva-t-elle.
— Chut, chut, tout va bien. »

Non, rien ne va. Des larmes jaillirent des yeux de Zoe et mouillèrent en un instant son visage juvénile. Elle ne savait pas pourquoi elle pleurait, elle ne savait même pas si elle avait des raisons de pleurer. Elle marmonnait des paroles confuses qu'elle-même n'arrivait pas à comprendre. Elle sentait seulement les bras de sa grand-mère l'entourer et la bercer tendrement afin qu'elle se calme. Le visage enfoui dans son cou, elle se rendit compte que c'était la deuxième fois en vingt-quatre heures que Gemma se montrait aussi maternelle et affectueuse envers elle.
PtiteCitrouille

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par PtiteCitrouille »

Coucou !!
J'ai beaucoup aimé ce chapitre ! La conversation entre Gemma et Zoe était super, ça fait étrange de voir que c'est la grand-mère qui parle du Monde Imaginaire et que c'est la petite fille qui n'y croit pas.
J'imagine que Gemma a été emmenée au Pays Imaginaire donc ?
Ah et la robe bleu dragée ça m'a fait penser à la robe de Wendy ^^ sauf que Wendy a des manches courtes
J'adore le fait que Zoe rationalise tout, ça change de la Wendy de l'histoire qui est de suite émerveillée.
Et tu retranscris très bien la personnalité de Peter, j'adore !!
Par contre à un moment y a un bug, on voit pas que Zoe réveille Gemma. On passe du moment où Zoe rentre dans la chambre de sa Grand-mère qui dort, au moment où Gemma la rend dans ses bras. Il manque un bout non ? :)

Mais sinon j'ai beaucoup aimé et j'ai hâte de lire la suite !
addbook

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par addbook »

Waouh!!! J'ai trop envie de lire la suite!!!
Je ne me trompe pas si je dis que Gemma couvre peter pan....
je ne me souviens pas que l'ombre choisissais des personnes mais je croyais que Peter l'avais juste égaré dans la chambre de Wendy. Mais bon c'était super!!!
Harugin

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par Harugin »

- IV -


Une odeur alléchante de bacon grillé vint chatouiller les narines de Zoe et lui fit ouvrir les yeux. Le dessous d'une assiette emplissait son champ de vision. « Alors marmotte, c'est à cette heure-ci qu'on se réveille ? » la taquina une voix qu'elle aurait reconnue entre mille.

Zoe se redressa tant bien que mal dans son lit. Elsa était assise face à elle, les jambes en dehors du lit et, entre ses mains, reposait l'assiette aux odeurs séductrices. Avant même que son ventre ne se mette à gronder, Elsa lui posa le plat de bacon, d'œufs brouillés et de pancakes sur les genoux. « De rien et bon appétit ! s'exclama-t-elle en lui tendant ses couverts.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? l'interrogea Zoe tout en zyeutant avec envie son assiette.
— Merci, je vais bien et toi ?
— Pardon, c'est juste que je suis étonnée de te voir dans ma chambre.
— Ta mamie m'a prévenue - lorsqu'elle m'a invitée à entrer - que tu n'aurais peut-être pas bonne mine. Et, en effet, tu as l'air d'avoir la gueule de bois. T'es sortie hier soir ?
— Non. Ma grand-mère est là ?
— Elle allait partir au moment où j'allais appuyer sur la sonnette alors on a fait que se croiser. Elle m'a demandé au passage si j'avais la gentillesse de te réveiller car, selon elle, tu avais suffisamment récupérer de ton manque de sommeil. Je ne sais pas à quelle heure tu t'es couchée - quoique je peux le deviner - mais je suis sûre que tu as assez dormi pour le restant de tes jours.
— On était censées se voir aujourd'hui ? » paniqua légèrement Zoe, la fourchette à quelques centimètres de sa bouche entrouverte. Si c'était le cas, elle n'en avait aucun souvenir. Elsa semblait mi-amusée, mi-irritée de cette question. « Non pas que je sache. Enfin, j'ai vu ce matin le message que tu m'as envoyé cette nuit et je me suis dit que c'était l'occasion de te faire une surprise. Pour le coup, je dois t'avouer que c'est moi qui suis surprise de te voir encore dans ton lit en ce début d'après-midi. On ne se voit pas souvent alors je me suis dit que - même si nous avions passé déjà pas mal de temps ensemble avant-hier - ce serait sympa de profiter un maximum de ta présence ici. En plus, ajouta-elle, comme tu le sais déjà, la semaine prochaine, je pars quelques jours en France avec ma famille. Donc, théoriquement, il nous reste peu de temps pour se voir.
— Ah, je suis désolée, » s'excusa Zoe qui sentait une pointe de reproche dans la voix de son amie. « Au fait, ce petit plat était délicieux, renchérit-elle en reposant l'assiette vide sur sa table de chevet.
— Tu remercieras ta grand-mère. Je n'ai fait que le réchauffer au micro-onde.
— Eh bien, je te donne la médaille d'or de la meilleure réchauffeuse de plats !
— Pff. T'es bête, se moqua-t-elle en en laissant échapper un sourire.
— Et seulement la médaille d'argent pour ta serviabilité…
— Seulement d'argent, pourquoi ? s'offusqua-t-elle faussement.
— Parce que tu as oublié de m'apporter un verre d'eau.
— Ah oui ? Alors j'y cours de ce pas pour fixer cette erreur, princesse. »

Elsa se leva et se dirigea d'un pas lent vers la sortie. Un sourire taquin au coin des lèvres, elle se retourna subitement et lui lança l'un des coussins posé sur le vieux fauteuil. L'oreiller vint frapper Zoe en pleine face avec un bruit sourd ce qui les fit rire toutes les deux.
— Bon, tu comptes rester habillée comme ça toute ta vie ? Parce que si c'est le cas, je vais… euh… briser notre amitié pour toujours, prévint Elsa d'un ton peu convaincant et convaincu.
— Je vais me changer ! s'exclama Zoe en levant les bras au ciel.
— Okay. Alors, pendant ce temps, je vais aller gentiment te chercher de l'eau. Quand je reviens, je veux que tu sois prête !

Elsa ramassa la vaisselle sale abandonnée à côté du lit et descendit au rez-de-chaussée pendant que Zoe, après avoir enfilé des sous-vêtements propres, entra dans la salle de bain. Elle ramassa ses affaires de la veille qu'elle avait laissées en boule, près du bac à linge, et se mit à trier les vêtements sales de ceux qui ne l'étaient pas encore. Elle secoua son jean - qu'elle comptait remettre - d'un grand coup sec pour le défroisser. Quelque chose de doré tomba de sa poche et roula sous le meuble du lavabo. À quatre pattes, elle tenta de récupérer à tâtons ce qu'elle avait identifié comme étant le mystérieux gland. En sentant les moutons de poussières venir chatouiller la paume de sa main, elle ne put s'empêcher de plisser son nez de dégoût.

Un léger frappement à la porte suivie d'un « J'entre ! » la fit sursauter. Elle se redressa sur les genoux au moment même où Elsa entrait dans la pièce. Si elle n'avait pas été dans cette posture ridicule et dans cet accoutrement, Zoe aurait ri de l'expression décontenancée d'Elsa. Cette dernière, après quelques secondes d'étonnement, finit par lâcher : « C'est hyper gênant ». Elle avait exprès accentué et allongé le « hyper » d'une voix de pimbêche ce qui les fit glousser toutes les deux et fit disparaître aussitôt le léger malaise qui s'était installé. Zoe se remit debout et s'épousseta les genoux pour retrouver un peu de contenance. Elle n'était pas gênée d'être à moitié nue devant son amie, elle n'avait rien à lui cacher. Elsa non plus ne semblait pas perturbée de la voir en petite culotte et soutien-gorge.

Après avoir donné le verre d'eau à son amie, elle alla s'asseoir sur le rebord de la baignoire. « Qu'est ce que tu caches ? » demanda-t-elle amusée en faisant un signe du menton en direction de son poing fermé. « Oh... » Timidement, Zoe ouvrit la paume de sa main. « Juste un gland. » Elle sentit ses oreilles rougir pour une raison qui lui échappait. Elsa lâcha un petit rire avant de dire : « En effet, juste un gland. » Elle ne lui posa aucune question comme s'il n'y avait rien de bizarre à cela. Zoe fut un peu déçue de son manque d'intérêt même si elle savait que jamais elle ne lui aurait raconté ce qu'il s'était passé la veille et la d’avant, au risque de passer pour une folle à lier.

Ce soir-là, Elsa resta dîner avec Gemma et Zoe. Cette dernière était épuisée de sa courte journée. Trop d'heures de sommeil avait tendance à la fatiguer plus qu'à ne la reposer. Elle ne pouvait s'empêcher de bâiller à s'en décrocher la mâchoire, ses yeux humectés de larmes. Elsa ne tarda pas à rentrer chez elle. Gemma insista pour la ramener en voiture. Elle ne voulait pas la laisser prendre les transports en commun toute seule à cette heure-ci. Zoe l'aurait bien invitée à rester dormir mais, étant donné son état actuel, elle n'aurait pas été de très bonne compagnie. La fatigue pouvait la rendre exécrable. Après avoir débarrassé la table et fait la vaisselle, Zoe partit se coucher.

***


Des frissons lui parcouraient le corps. Elle était tellement épuisée qu'elle n'avait pas la force de remonter la couette jusqu'à son cou. Des hululements étranges lui parvenaient de l'extérieur. Elle allait retomber dans les bras de Morphée lorsqu'un grand bruit semblable à un coup de tonnerre la réveilla, alerte, le cœur battant la chamade. Elle tenta de se redresser sur ses coudes mais ceux-ci cédèrent aussitôt sous son poids. Ses membres - bras et jambes - étaient endoloris, comme après une séance de sport intense. Elle se redressa tant bien que mal, en dépit de la douleur. C'était encore la nuit ; pas un rayon de lumières ne passait à travers ses volets. Une fois que sa vision se fut habituée à l'obscurité environnante, son sang se glaça.

Elle ne reconnaissait pas l'endroit où elle se trouvait. Elle était assise sur un semblant de lit placé dans une alcôve. Le reste, tous les meubles qui lui étaient désormais familiers, avait disparu. Nerveuse mais pleine d'adrénaline, elle descendit du lit, ses pieds nus touchant timidement le sol. Prenant appui sur la paroi à sa droite, elle se déplaça à tâtons. Le sol, tout comme le mur sur lequel était posée sa main, était dur, moite et rugueux comme la roche. Petit à petit et d'un pas mal assuré, elle se dirigea vers ce qui lui paraissait être une sortie. Sa vue s'était curieusement accoutumée aux ténèbres et elle y voyait presque clair.

Ses doigts écartèrent un semblant de rideaux qui lui bloquaient le passage. Elle pénétra alors dans une pièce aussi austère que celle qu'elle venait de quitter. Une bougie - dont la cire avait presque totalement fondue - était logée dans une niche à même la pierre. Elle éclairait faiblement les environs, tout comme ses sœurs jumelles. En effet, la lueur blafarde d'autres bougies formait une ligne discontinue contre la paroi du mur et dessinait un arc de cercle. Zoe se rendit compte qu'en réalité, ces luminaires de fortune marquaient à chaque fois l'entrée d'une nouvelle pièce et, au centre de celle dans laquelle elle se trouvait, se détachait un imposant bloc sombre. Sentant une achluophobie montée en elle doublée d'une claustrophobie, Zoe chercha frénétiquement des yeux une issue qui la conduirait à l'extérieur. Il y en avait forcément une. Suivant son instinct, elle se dirigea hâtivement vers l'ouverture solitaire qui faisait face aux autres. Un escalier rustique de seulement trois marches débouchait sur une planche en bois grossier qui servait probablement de porte. Elle la poussa avec plus de peine qu'elle ne l'aurait imaginé. Un courant d'air frais s'engouffra dans ses poumons telle une récompense. À peine eut-elle mis un pied à l'extérieur qu'un cri aigu suivi d'une masse sombre s'abattit sur sa tête. Elle tomba par terre, inerte.

Des voix - qui ne prenaient pas la peine de chuchoter - se disputaient à quelques pas d'elle et la tira de force de son sommeil sans rêve. Elle avait l'impression qu'un concert de percussions se jouait dans sa tête. Elle n'avait pas l'énergie nécessaire pour ouvrir ne serait-ce qu'un œil, alors elle se concentra sur la querelle qui était en train d'avoir lieu.

« La règle est qu'on ne frappe pas les plus faibles ! On ne frappe pas les filles !
— J'savais pas que c'était elle !
— C'était pas une raison pour lui abattre ta massue sur la tête !
— Je… J'ai paniqué ! J'avais cru entendre un bruit et elle est apparue à c’moment-là !
— T'aurais pu la tuer...
— Non, non ! Jamais ! J'pas fait exprès, j'te jure !
— J'peux vraiment pas te faire confiance, Fripon. J'comptais sur toi pour monter la garde, et toi, tu assommes notre invitée.
— Pardon, j'le f'rai plus jamais, promis ! »

Un raclement de gorge suivi d'un crachat se fit entendre. « Promis ? » Un bruit semblable au précédent et le claquement de deux mains se firent entendre. « Promis, juré !
— Bon, maintenant, va me chercher Bavard. Illico presto ! »

Zoe - pour qui la conversation n'avait alors ni queue ni tête - mit plusieurs secondes à remettre les pièces du puzzle dans l'ordre et finit par comprendre qu'ils parlaient d'elle ce qui ne la rassura pas le moins du monde. Elle était persuadée, rien qu'à la rigidité du sommier, qu'elle était de retour dans le lit inconnu. Cette fois-ci, une couette râpeuse et à l'odeur de renfermé lui chatouillait le menton.

« C'est elle ! » indiqua l'une des voix qu'elle avait entendue plus tôt.

Elle devina que quelqu'un s'approchait d'elle. Elle s'obligea à respirer profondément, comme si elle était en train de dormir à poings fermés. Des doigts vinrent délicatement lui tâter le haut de la tête. Un cri perçant lui échappa lorsque la main coupable toucha l'endroit où elle avait été frappée, non loin de sa tempe. « Ouvre les yeux ! Je sais que tu ne dors pas », lui ordonna-t-on.

Sachant qu'elle n'avait pas d'autres options, elle obéit. Peter Pan était penché, les sourcils froncés, à quelques centimètres d'elle et obscurcissait tout son champ de vision.

« Zoe ! », s'exclama-t-il, un sourire éclairant son visage d'enfant.
addbook

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Re: Les fées n'existent pas [Peter Pan]

Message par addbook »

Hey!
je ne sais pas si tu as prevu ttout le monde sauf moi ou si tu a prevenu personne mais je ne regrette pas d'etre venue!
super chapitre !
un peu court mais franchement il etait parfait continue comme ca !
Le passage dans la salle de bain m'a fait rire car avec ma meilleure amie c'est pareil !
merci en tout cas!
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