Extraits

Demain, une nouvelle vie commencera pour moi. Je vais découvrir le monde dans lequel mon père a évolué toutes ces années, ce monde qu’il m’avait caché. Demain, je ne serai plus une machine, j’aurai une vie, avec des interactions sociales, de la douleur, des peines, et sûrement de la peur. Mais ressentir tout ça sera toujours mieux que de ne rien ressentir du tout. Après tout, c’est exactement ce que je cherchais après m’être enfuie du domicile familial. J’étais venue à New York pour trouver de l’émotion… Et je l’avais trouvée.

C’est à cet instant que je le vois vraiment. Même si la lumière du lampadaire, j’en suis sûre, ne lui rend pas justice, je peux voir que cet homme est d’une beauté rare. On dirait un ange. Son visage est un contraste de douceur et de virilité. Sa mâchoire marquée accentue sa masculinité. Ses cheveux châtains décoiffés lui donnent un air sauvage, ravageur, et ses yeux verts semblent transpercer mon âme. Ce n’est pas un vert banal, ou même un joli vert. Non, c’est un genre de vert émeraude, un vert profond, plein de secrets et d’élégance. C’est un vert hypnotisant, que vous pourriez admirer toute la sainte journée.

Il me scrute soudain intensivement, comme s’il allait dire quelque chose, mais il se retient. Encore une fois, je me perds dans ses prunelles émeraude. Ça, ça va peut-être me manquer… Il secoue finalement la tête puis part sans un regard en arrière.

Cet entraînement a été éprouvant, mais, étrangement, ça m'a fait du bien de me défouler. C’était exutoire. Je suis vidée de toute émotion. Et puis M. Lane n'est pas si mal en tant que coach. Finalement, peut-être que dans quelque temps, je serai assez forte pour me défendre seule.

— Arrête d’être si guindée, m’a-t-il dit pendant notre séance de tir.

— Je ne suis pas guindée, je ne comprends juste pas pourquoi tu m’as amenée ici.

— Pour te détendre, justement. Tu avais besoin de sortir.

Je n’ai pas envie de me détendre, justement. Je veux rester sur mes gardes, faire ce que l’on attend de moi et m’enfuir dès que l’opportunité se présente.

— Tu ne t’enfuiras pas d’ici, Kate, m’explique-t-il comme s’il pouvait lire mes pensées. T’es là pour un bon moment et il va falloir t’y faire. Tu peux choisir de te lamenter sur ton sort ou choisir de ne pas subir ta situation.

— Cela reviendrait à cautionner, à admettre que, moi aussi, je suis une criminelle, maintenant.

— Tu te trompes si tu crois que ce que nous faisons nous définit.

— C’est le cas, affirmé-je, presque outrée qu’il puisse se dédouaner de la sorte.

Il me fait asseoir sur un banc un peu en retrait du stand.

— Soit tu es une sacrée bonne actrice, soit tu es aussi innocente que tu prétends l’être. Dis-moi, mon agneau, que sais-tu des activités frauduleuses et peu vertueuses de ton papa ?

Tout en s’adressant à moi, il me caresse doucement les cheveux comme pour me rassurer. Cela me donne des sueurs froides. Il est encore plus terrifiant quand il fait semblant d’être gentil.

— Katerina, change de ton avec moi, veux-tu, gronde-t-il en se tournant vers moi.

C’en est trop. Il n’arrive clairement pas à me traiter comme son égale et je ne le supporte pas.

— Toi change de ton ! Je ne suis pas à tes ordres, Daniel. Tu voulais qu’on sorte tous les deux. Juste Daniel et Kate, tu te rappelles ? Pas le patron et son esclave. Maintenant, si tu as changé d’avis, c’est le moment de le dire ! poursuis-je, passablement en colère.