Extraits

_ C'est le fils de Llywil, murmura Hedelwyddan. Il...

_ Comment oses-tu ? lâcha sèchement Nenved depuis l'autre bout de la pièce. Qu'est-ce qui te permet de divulguer sa filiation au premier venu ?

Le métamorphe éclata de rire et déclara qu'il comprenait mieux, maintenant, lea fébrilité qui régnait parmi eux. "Ils avaientpaumé le fiston de la princesse. Donc, le sage Maelrhys et le puissant Nenved jouaient leur vie dans cette histoire. Pas de panique, l'envoyé des Elfes-des-Combes, le plus grand limier d'Yrvintiel allait leur arranger cela.

Il s'agit d'un temps si ancien que cela quitta les souvenirs des Hommes. Seuls, certains de vos écriteurs, puisant quelques bribes de cette époque dans les tréfonds de leur âme, vous parlent d'elfes, de nains, de fées Ils le font dans des récits déborants d'énormités, mais fort distrayants

_ Rondache ! gronda le colosse en dégainant son épée.

_ Lève ton épée en l'air, cher Gardien. Le vent soufflant dans notre direction, Duralhumain verra la source de ce qui ne tardera pa à lui flatter le museau.

Breval pouffa de rire puis s'exécuta aussitôt.

_ Sang maudit ! Regarde-moi ça, Rondache ! On nous a fait un lâcher !

_ Le nécromancien.

_ Je m'en doute, ma belle. Ce n'est pas la mère Je-T'embarbouille -Ma-Crapouille et ses affreuses ribaudes à deux sous qui pourraient réveiller les morts.

Adanhael s'assit sur le comptoir et pointa son index vers le fourreau.

_ Qu'est-ce que ça veut dire : SOCIETAS DRACONISTARUM ?

_ L'ORDRE DU DRAGON. C'est une antiquité familiale. On se la transmet de père en fils depuis des temps immémoriaux. Elle a une valeur historique, car l'Ordre du Dragon était un ordre de chevalerie créé en 1408 par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie.

Captivé par le comportement d'Adanhael, Maelrys le remercia d'un sourire pensif.

Le petit leva ses bras vers le ciel. Tous les insectes agglutinés sur ses membres supérieurs décollèrent sur-le-champ puis, après avoir salué le garçon en tournoyant sur eux-mêmes, retournèrent à leurs occupations...

_ Là, tu peux voir la constellation de la Grande Ourse.

Interrompu dans sa rêvasserie, l'elfe haussa un sourcil.

_C'est grâce à mon père, précisa-t-elle. Il m'a souvent parlé des astres.

Ressentant un pincement de jalousie, Chloé tordit la bouche.

_ La petite étoile sur sa gauche, s'immisça-t-elle, ça doit être Winnie, son ourson.

Son amie la fusilla du regard.

_ Essaie de lui piquer son pot de miel, ricana Romain. J'ai une de ces faims.

_ J'hallucine ! s'exclama Chloé. Des frelons elevés aux stéroïdes, le mille-pattes du siècle et maintenant des elfes. On nage en plein fantasy. Dites ? Vous ne connaîtriez pas Gandalf, par hasard ?

Lorsque l'on sert le Mal, quelque chose d'infime, comme une trace obstinée, se grave en nous. Cela persistera jusqu'à notre dernier souffle. Et même libéré de la terrible corruption par de puissants enchantements, on ne s'affranchir jamais complètement d'une certaine emprise du Mal sur notre destinée.

Maelrhys "Le juste", membre de la confrérie druidique de Rhydhywell.

Un courant d’air glacial réveilla Emma en sursaut. Dehors, les Pluies corrosives avaient cessé de déverser leur virulence. À présent, elles martyrisaient deux ou trois villes de la banlieue bordelaise. Allongée sur le coffre en bois, l’adolescente se redressa sur un coude et remarqua un petit feu qui brûlait dans un coin de la salle. Hedelwyddan éteignit les flammes en les couvrant quelques secondes avec une assiette. Ensuite, il installa une vieille roue de bicyclette sur des briquettes disposées autour du foyer et déposa une dizaine de chipolatas sur ses rayons. Alléchés par l’odeur de la cuisson, les Ombres-de-Lune se dirigèrent vers les grillades. Tandis que l’elfe retournait ses précieuses saucisses, Maelrhys sortit quelques boules de pain de sa besace.

Emma s’approcha sur un signe que lui adressa Hedelwyddan. Celui-ci fourra une chipolata à l’intérieur d’un petit pain et l’offrit à l’adolescente. Neñved en fut fort contrarié. Il lâcha un genre de hululement en remuant la tête comme un hibou. Comment un chef de clan, un Sgaile de son rang, pouvait-il être servi après une simple fille des Hommes ? Feignant l’indifférence, l’Elfe-des-Combes soutint son regard tout en préparant un nouveau sandwich.

Tout à coup, un léger grognement résonna dans la pièce : tous les visages se tournèrent vers le seuil de la porte. Une fantastique silhouette occupait les trois quarts de l’encadrement. L’adolescente étouffa un cri devant l’aspect effrayant de l’intrus.

— Qu’est-ce que tu fiches ici, le Maudit ? maugréa Breval en se dressant subitement.

Selwyn grimpa sur le dos du nouveau venu. Ce dernier s’avança vers le groupe, non sans s’être débarrassé de l’importun en secouant vigoureusement les épaules. Soucieux, Maelrhys lissa sa barbe un instant puis se leva à son approche. "Alors comme ça, Raven se trouve lui aussi dans cette cité."

— Va-t’en ! ordonna Breval. Les Changeants ne sont pas les bienvenus ici. Ce n’est pas pour rien si la population de mon village t’appelle le Maudit.

Le mage se planta devant le colosse et lui conseilla de se calmer. Il affirma que la plupart des gens étaient des ignorants. Ils avaient peur de la différence, peur de ce qu’ils ne comprenaient pas. Et de la crainte au rejet, il n’y avait qu’un ridicule petit pas. Il rajouta que la lune ne se trouvant pas pleine, un ami leur rendait visite.

— Sois le bienvenu, Raven.

Le métamorphe huma l’air avidement. Hedelwyddan plongea un sandwich entre les mains de Neñved et regarda le nouveau venu du coin de l’œil :

— Ces petits rouleaux de viande hachée que l’on vend dans cette cité sont vraiment goutteux. Cela tenterait-il notre invité ?

— Volontiers, mon compère. Saucisses. Les gens d’ici nomment tes rouleaux ainsi.

L’homme-animal s’assit entre Maelrhys et Tiernvael. Emma reflua vers l’Elfe-des-Combes. Les yeux baissés, elle se mit à grignoter le bout de chipolata qui dépassait de son pain. Raven allongea la tête et dévisagea la jeune fille. "Elle se trouve entourée d’êtres tous plus étranges les uns que les autres, pensa-t-il. Et pas très prudent à fréquenter. Cela ne la dérange pas ?" Intimidée par le regard insistant du métamorphe, Emma chercha un soutien, une personne qui rassure, qui apaise. Sans surprise, elle se tourna vers Hedelwyddan. Ce dernier la serra contre lui et lui chuchota quelques mots de réconfort dans les cheveux. Raven étouffa un soupir. "Et moi, bien sûr, avec mes crocs et mes yeux de félin, je réveille en elle une peur ancestrale. Celle du prédateur prêt à la tuer pour se repaître de sa chair."

— Excuse-la, intervint Maelrhys. Emma ne vient pas de notre monde. Elle commence tout juste à s’habituer aux elfes.

— Ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile avec ces coupeurs de poils en quatre, car ils lui ressemblent beaucoup. Par contre, elle devait être terrorisée lorsque vous avez affronté les Déchus qui gisent devant cette maison.

— J’avais prévenu l’enchanteur qu’elle ne nous servirait à rien, maugréa Neñved.

Hedelwyddan s’approcha du chef de clan puis lui posa la main sur l’épaule.

— Emma a défendu Maelrhys. Elle s’est lancée à l’assaut d’un non-mort et lui a tranché la jambe avec son sabre.

Neñved leva les yeux au plafond en soupirant d’exaspération. L’Elfe-des-Combes tourna le dos à cet interlocuteur de mauvaise compagnie et pressa la jeune fille contre lui.

— Je t’apprendrais à détecter les faiblesses de tes ennemis, lui chuchota-t-il à l’oreille. Tu anticiperas chacune de leurs actions.

Une larme roula sur la joue d’Emma. Redressant la tête, ses yeux se perdirent dans l’émeraude infinie de ceux d’Hedelwyddan. Elle crut y voir de minuscules danseuses, comme d’infimes marionnettes suspendues à un rayons de lune. Des fées ? Bien sûr, elle sait que cela ne se peut. Bien sûr… Assis sur un vieux pouf, le mage plongea dans ses pensées. "Elle se changera en guerrière. Il le faudra parce qu’un jour Adanhael comptera peut-être ses alliés sur les doigts d’une seule main. Et mieux vaut qu’ils soient forts et fidèles." Contrarié, Neñved mordit rageusement dans son sandwich puis s’éloigna en grommelant entre ses dents.

Raven fit disparaître sa saucisse dans sa gueule en l’aspirant d’un coup et la mastiqua bruyamment. Ensuite, il entreprit de lécher le gras de la viande qui avait ruisselé à l’intérieur de son pain. Emma et Maelrhys étaient tout sourire. Ils s’amusaient de l’air dégoûté qui s’affichait sur le visage de Breval. Alors qu’il semblait ignorer tout le monde, le métamorphe redressa doucement la tête.

— Qui est Adanhael ? demanda-t-il.

— Un enfant de huit ans, répondit le mage. Le… frère adoptif d’Emma.

— Que vous recherchez ! Alors, je répète ma question. Qui est Adanhael ?

Un silence de plomb s’abattit sur la pièce. Tiernvael et Selwyn se tournèrent vers le chef de clan. Le regard sévère que leur adressa ce dernier réprima leur envie de satisfaire la requête de l’homme-animal.

— C’est le fils de Llywil, murmura Hedelwyddan. Il…

— Comment oses-tu ? lâcha sèchement Neñved depuis l’autre bout de la pièce. Qu’est-ce qui te permet de divulguer sa filiation au premier venu ?

Le métamorphe éclata de rire et déclara qu’il comprenait mieux, maintenant, la fébrilité qui régnait parmi eux. « Ils avaient paumé le fiston de la princesse. Donc, le sage Maelrhys et le puissant Neñved jouaient leur vie dans cette histoire. Pas de panique, l’envoyé des Elfes-des-Combes, le plus grand limier d’Yrvintiel, allait leur arranger cela. Malheureusement, ses pas croisèrent ceux d’une belle jouvencelle… En conclusion, leur équipée risquait fort de finir en une affligeante et sanglante bouffonnerie. » Breval se leva d’un coup, la main enserrant la poignée de son épée. Raven poussa un rugissement bestial qui glaça d’effroi chacun des membres du groupe.

— Que veux-tu faire, pauvre chevalier du Bro’Aodren ? Pourquoi n’écoutes-tu pas l’enchanteur ? Ce soir, je vous rends visite par courtoisie. Mais aussi par curiosité, je l’admets. De plus, je peux vous donner un petit coup de patte dans votre quête du gamin.

Retenant Breval par le bras, Maelrhys demanda à Raven s’il savait quelque chose concernant cet enfant.

— Adan se trouve à moins d’un mille d’ici.

Emma s’accroupit devant Raven et le regarda d’un air suppliant. Le métamorphe l’assura de la bonne santé de son frère. « D’ailleurs, il était sous la surveillance d’un redoutable ami. » L’adolescente et Maelrhys eurent un moment de stupéfaction. Le mage s’approcha de l’homme-animal et posa un genou sur le sol. Il révéla à ce dernier que le garçon ne connaissait personne dans la cité. Raven avoua qu’il avait omis un détail pour le moins cocasse. « Adanhael était protégé des Déchus par un… Déchu. » La jeune fille étouffa un cri d’horreur. Neñved rallia aussitôt le groupe. Il s’immobilisa devant Raven et croisa les bras.

— Mais que nous contes-tu là ? maugréa le chef de clan, le visage grave.

— Des balivernes ! lâcha Breval en esquissant un geste de mépris.

Maelrhys se tourna vers le colosse et le fit taire en lui posant les doigts sur la bouche.

— Ainsi donc, murmura le mage, il a dominé le maléfice qui animait un non-mort pour s’en faire un allié.

— J’ai eu un peu de mal à y croire, soupira Raven. Et pourtant…

— Adanhael a dominé le maléfice, se répéta à lui-même le vieil enchanteur en se rasseyant brusquement sur son siège. Par le Dagda ! Voilà qui est prodigieux, ricana-t-il en se frottant les mains. Silencieux, ses compagnons le regardaient d’un air perplexe...

Un bruit de pas glissant sur les tuiles se rapprochait rapidement. Erzsébet bondit sur ses pieds et fit volte-face. Une véritable furie se rua sur elle.

— Aaaaarrh ! Pour la Morrigane !

La fille du Voïvode évitait systématiquement toutes les frappes d’estoc et de taille que son assaillante lui portait à un rythme effréné. Sa silhouette se dissipa soudainement pour réapparaître derrière Emma. Cette dernière, qui se souvenait du combat contre les vampires du parvis, anticipa la ruse de la métamorphe en pivotant sur ses talons : sa lame frôla la tête de son adversaire, tranchant une longue mèche de jais. L’autre poussa d’horribles sifflements et griffa cruellement Emma à l’épaule. La jeune fille cria de douleur en se laissant tomber sur les genoux puis, d’un habile mouvement du poignet, amputa la vampire de sa main gauche. Erzsébet hurla de rage. De sa main valide, elle empoigna l’adolescente par le col de son blouson et la propulsa sur un épais rebord en calcaire. Tandis que son katana rebondissait sur la toiture, Emma traversa un vitrail dans un affligeant bruit de verre rompu.