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Extrait

Extrait ajouté par ewtre 2012-09-07T00:44:48+02:00

Ariane Charland

Les cités brisées

À Damien, que j’aime plus que tout au monde

Le mort

Le sang avait fait fondre la neige qui s’était changée en flaque de glace rouge. Le visage du mort était à moitié recouvert de frimas et ses yeux encore ouverts semblaient avoir perdu leur couleur.

Une vingtaine de renards arrivèrent au petit trot. Leur pelage était gonflé à cause du froid et leurs narines exhalaient des nuages de buée.

Les elfes qui les montaient étaient tous vêtus de blanc. Des cheveux colorés s’échappaient de l’épais bonnet de laine de certains.

Pour conserver leur équilibre, quelques-uns avaient ouvert les grandes ailes bigarrées qui sortaient des fentes verticales pratiquées au dos de leur manteau. Tous portaient une épée

à la ceinture. La lame était dissimulée dans un fourreau métallique qui battait contre leur cuisse, mais la garde était bien en évidence, couverte de pierres précieuses dont la couleur différait pour chacun.

Bien que la plupart des soldats avaient déjà

plus d’un siècle, rien dans leur apparence ne laissait deviner leur âge. La peau verte de leur visage était lisse et rayonnante.

Au centre du groupe se trouvait une elfe coiffée d’une simple queue de cheval rouge sombre qui jaillissait d’une ouverture au sommet de son bonnet. Les pierres qui ornaient son épée avaient la transparence du cristal.

Mélancolique, elle contemplait les arbres gris qui s’élevaient autour d’eux, leurs branches nues qui s’emmêlaient contre le ciel blême et leurs racines brillantes de givre à moitié

camouflées sous la neige…

Ce fut elle qui vit le mort.

— Stop ! cria-t-elle.

Son renard s’arrêta et tous les autres l’imitèrent.

Aïnako descendit de sa monture avant que Taïs puisse l’en empêcher. Elle frissonna en sentant le froid de la neige traverser la semelle de ses bottes. Un autre elfe la suivit aussitôt.

Sans un geste pour la retenir, il se contenta de rester près d’elle et d’observer le mort.

— C’est un des gouverneurs d’Élimbrel, dit-il sans la moindre émotion.

Elle se tourna vers lui. Les yeux d’Iriel

étaient presque invisibles sous le rebord de son chapeau, mais on les devinait noirs et très profonds. Elle voulut répondre qu’elle l’avait elle aussi reconnu, mais elle avait trop mal au coeur pour ouvrir la bouche. Il y avait tellement de sang qu’elle n’arrivait pas à voir si le mort avait été complètement décapité.

— Aïnako, remonte sur ton renard, lui ordonna

Taïs de sa voix à la fois fragile et autoritaire.

Ce n’est pas à nous de nous occuper de ça.

Juchée sur le grand renard blanc qu’elle prenait tout le temps pour les longues distances, elle se tenait le dos raide et l’air austère. Ses yeux fauves semblaient la menacer. Cette fois, mal de coeur ou pas, Aïnako ne put rester muette.

— On ne peut quand même pas le laisser là !

Les ailes de Taïs, d’un noir mat parcouru d’arabesques vertes et dorées, se déployèrent quand elle sauta à terre. Les macarons qui retenaient ses cheveux argentés au-dessus de ses oreilles formaient deux bosses sous son bonnet de fourrure blanche. Seules quelques mèches brillantes balayaient son front et sa nuque.

— Remonte sur ton renard, répéta-t-elle d’une voix moins forte, mais cent fois plus menaçante. Nous avertirons Silmaëlle et elle enverra une équipe pour faire le ménage.

Cette attitude n’aurait pas dû surprendre

Aïnako, Taïs pouvait se montrer d’une insensibilité à toute épreuve. Mais cela la choquait chaque fois qu’elle en était témoin.

— C’est encore ces maudits elfes sauvages !

cracha une voix derrière elle.

Elle fit volte-face. Tous les soldats étaient assis bien droit sur leur renard et elle n’arriva pas à identifier celui qui venait de parler. De toute façon, elle ne comprenait pas pourquoi l’un d’eux aurait accusé les elfes sauvages. À

sa connaissance, les habitants de Shamguèn n’avaient aucune raison de leur en vouloir et, à

l’exception d’Iriel, d’Éléssan et de Naïké, aucun des elfes qui les accompagnaient n’était natif d’Élimbrel, où les tensions entre les résidants et les elfes sauvages avaient décuplé depuis la fin de la guerre.

La confusion de même qu’un début de colère devaient se lire sur son visage, car Taïs soupira et dit d’une voix ennuyée :

— Les elfes sauvages se sont rebellés.

Aïnako battit des paupières.

— Quoi ?

Sa grand-mère poussa un second soupir et, avec l’expression exaspérée qu’elle prenait quand elle jugeait sa petite-fille trop ignorante

à son goût, elle répéta :

— Les elfes sauvages se sont rebellés. Contre

Élimbrel.

Aïnako reporta son regard sur le mort. Un nouveau haut-le-coeur la gagna. Les elfes sauvages avaient donc fini par se rebeller.

« Tout est de ma faute », se dit-elle. Elle leur avait promis qu’ils pourraient devenir des citoyens d’Élimbrel à part entière et qu’ils auraient le droit d’ériger des dômes de protection autour de leurs campements. Elle leur avait promis qu’ils pourraient modifier les arbres sous ces dômes pour avoir des fruits à

l’année. Elle leur avait promis que l’armée les défendrait en cas d’attaque, qu’ils auraient leurs propres représentants au sein du conseil royal, qu’ils pourraient se construire de vraies maisons sans avoir peur qu’on ordonne un jour leur destruction sous prétexte que les humains risquaient de les découvrir. Elle leur avait promis tout cela et, presque un an plus tard, ils n’avaient toujours rien obtenu. Leur rébellion était prévisible. Et justifiée.

Mais ce n’était pas une raison pour les accuser de meurtre. Et pourquoi n’était-elle pas au courant ? Pourquoi personne ne l’avait-il mise au courant ?

— Quand ? demanda-t-elle en essayant de mettre dans ce simple mot toute la fermeté

dont elle était capable.

Taïs ne parut pas se sentir mal de lui avoir caché quelque chose d’aussi gros. Elle ne se sentait jamais mal.

— Il y a un peu plus d’un mois. Kaï à leur tête.

— Kaï ? Mais non, c’est impossible, je l’ai vue il y a… il y a…

Elle n’arrivait pas à se rappeler la dernière fois qu’elle avait vu son amie. Mais ça ne pouvait pas faire si longtemps. Kaï le lui aurait dit si les elfes sauvages avaient préparé une rébellion.

Kaï n’aurait jamais accepté de blesser et encore moins de tuer qui que ce soit.

— Pourquoi personne ne m’a mise au courant ?

— Ça ne te concernait nullement.

— Ça ne me…

Aïnako sentit la colère l’étouffer, mais elle se força à se calmer. Elle se mettait trop souvent en colère et ça ne la menait jamais nulle part.

Ça ne faisait que donner des munitions à ses détracteurs, à tous les conseillers de Shamguèn qui la regardaient de haut parce que, selon eux, elle n’était pas une vraie elfe. Le pire, c’était qu’ils avaient raison. Pas à cause de son sang gnome, quoique ça ne devait pas aider, mais

à cause de son éducation humaine. Elle ne connaissait pas grand-chose du monde des elfes et ils ne se gênaient pas pour le lui rappeler.

Elle gouvernait peut-être Shamguèn avec

Taïs, mais elle n’était que la seconde reine.

Elle chercha instinctivement Éléssan des yeux. En tant que commandant de l’armée de

Shamguèn, il devait forcément être au courant.

Il était descendu de son renard et s’était accroupi à côté du mort. Il posa une main illuminée d’un halo doré sur ses yeux et les ferma lentement. Elle s’approcha.

— Il s’appelait comment ? murmura-t-elle en faisant un effort pour maîtriser sa voix.

Éléssan leva la tête et eut un sourire attristé.

Elle se demanda s’il était triste parce que le gouverneur

était mort ou parce qu’il regrettait de lui avoir caché la rébellion des elfes sauvages.

— Anlis, répondit-il. Gouverneur des

Boisés Bourgeonnants.

Aïnako se mordit la lèvre. Les choses s’annonçaient mal pour Kaï. Anlis était l’un des gouverneurs les plus farouchement opposés

à l’intégration des elfes sauvages au peuple d’Élimbrel.

— On repart ! annonça Taïs d’un ton impérieux.

Remontez tous sur vos renards.

Éléssan se leva, mais ses yeux ne lâchèrent pas

Aïnako, comme s’il attendait qu’elle confirme l’ordre. Aïnako regarda encore le mort. Anlis.

Sa gorge se serra.

— Pas sans lui, dit-elle en se tournant vers la première reine de Shamguèn.

Elle s’obligea à ne pas ciller. Pendant une seconde, Taïs parut surprise. C’était vrai qu’Aïnako n’avait pas l’habitude de la contredire.

Ou plutôt elle n’en avait plus l’habitude.

Au début, elle avait essayé de s’imposer et de faire valoir ses idées, mais, à force de se faire dire qu’elle n’y connaissait rien, elle avait appris à se taire et à acquiescer.

Un léger sourire étira les lèvres de Taïs.

— Ce n’est pas à nous de nous en occuper.

Silmaëlle n’aimerait pas que nous nous mêlions des affaires de son royaume.

Aïnako avala sa salive.

— Mais on ne peut pas le laisser là, tout seul dans… dans son sang.

Taïs examina le corps du gouverneur, son visage plus gris que vert, le sang gelé qui semblait continuer à lui sortir de la gorge.

— Très bien. C’est ta mère, après tout ; tu t’arrangeras bien avec.

Elle lui adressa un autre sourire fugace. Il n’y avait aucune complicité dans ce sourire, mais il n’y avait pas non plus l’ironie à laquelle

Aïnako se serait attendue. C’était un avertissement

: « Tu as gagné pour cette fois, mais ne t’avise plus de me contredire. »

Le soulagement qui l’envahit fit rapidement place à une sensation désagréable, proche de la nausée, mais sans rapport avec le mort. Elle aurait dû se réjouir de cette petite victoire sur

Taïs, mais un étrange sentiment de honte l’en empêchait. Cette petite victoire, justement, lui rappelait qu’elle se laissait habituellement piétiner par sa grand-mère et ses conseillers.

Elle leva les yeux vers Éléssan et, sans qu’elle ait besoin de le lui demander, il somma deux de ses soldats de charger le gouverneur sur un des renards. Elle ouvrit les ailes et s’envola pour se poser près du cou de sa monture et enfouir ses doigts verts dans sa fourrure rousse. L’animal

émit quelques glapissements excités. Il avait hâte de se remettre en mouvement.

— Tiens donc ! fit Naïké qui chevauchait

à ses côtés. Je croyais qu’elle avait disparu, l’Aïnako qui voulait changer le monde.

Elle lui rendit machinalement son sourire.

Naïké avait toujours été douée pour lui redonner sa bonne humeur, mais, depuis quelques mois, le courant passait un peu moins bien.

Elles étaient toujours amies, elles ne s’étaient pas disputées, aucun malentendu n’était venu les séparer, mais quelque chose avait changé

imperceptiblement, sans qu’Aïnako s’en rende compte. Maintenant, elle ne savait plus quoi faire pour que tout redevienne comme avant.

— C’était aussi ce que je croyais, marmonna-t-elle sans savoir si elle en était ravie ou déçue.

Source: Éditions Michel Quintin

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