Extrait

-Adrien !

Pivotant, il la regarda,incrédule. Il avait sûrement mal entendu. Pourquoi se comportait-elle si bizarrement?

-Pour vous, je suis "monsieur", s'entendit-il répondre.

-Oui, vous avez été "monsieur". Mais je me demandais si vous verriez un inconvénient à ce que je vous appelle dorénavant par votre prénom?

-Je vous connais depuis à peine plus d'une semaine, mademoiselle. Nous ne sommes pas suffisamment intimes pour justifier une telle familiarité. Non, pour vous, je resterai "monsieur".

A sa surprise, il la vit passer sa langue sur sa lèvre inférieure, une jolie lèvre pleine, maintenant brillante de salive.

-je vous ferai remarquer que, quand j'essaie de me montrer plus amicale, c'est vous qui refusez, dit-elle. Mais peut-être changerez-vous d'avis?

-Vous n'êtes pas Arabella Deverill, n'est-ce pas? Sans doute sa sœur jumelle, gardée prisonnière dans un grenier, sous l'un de ces quarante pignons !

-Elle y est toujours. Attendez la pleine lune, et vous l'entendrez hurler. Et maintenant, monsieur, venez vous asseoir ici. Nous avons à discuter d'affaires sérieuses.

-Quelles affaires? Non, ne dites rien. Si affaires sérieuses il y a entre nous, cela ne peut vouloir dire qu'une chose. Or, il est parfaitement inconvenant qu'une femme fasse la cour à un homme. En outre, je ne parlerai avec vous d'aucun sujet important tant que je n'aurai pas dîné, continua-t-il en tirant violemment le cordon de la sonnette.

-Ah ! mon père m'avait pourtant dit que l'estomac était l'une des choses les plus importantes pour un homme -la plus importante, il ne m'a jamais dit ce que c'était. Attendons donc que vous ayez l'estomac plein pour discuter.

Adrien la regarda, interloqué. Au moins, quand il l'aurait épousée, il lui resterait quelque chose à apprendre !