Extraits

— Vous avez fondé un fan-club mutuel, Jerry et vous ! Plaisanta Brit.

Il replia sa serviette et s'inclina contre le dossier de sa chaise.

— Nous sommes très proches, en effet.

Lisa n'avait pas pu résister à la tentation de piquer la jalousie de Brit.

— Ah, bon ? Vous êtes... ?

— Très proches, répéta Lisa sans grande conviction. Elle n'avait pas le courage d'inventer un bobard. En plus, si Brit mettait le sujet sur la table, Jerry aurait tôt fait de gaffer et le secret serait éventé.

— Je vois. Donc, vous n'êtes pas...

— La nature de mes relations avec Jerry ne vous regarde pas.

Brit la toisait, hilare.

— Détrompez-vous. J'aime bien Jerry. Je ne voudrais pas braconner sur ses plates-bandes.

Lisa jeta sa serviette sur la nappe.

— Quel toupet ! Je ne suis pas une pièce de gibier à vous partager.

— Oh, mais je n'ai aucune intention de vous partager ! J'ai peut-être manqué de clarté : je vous veux pour moi tout seul.

Joignant le geste à la parole, il tendit le bras et lui caressa les doigts. Lisa recula violemment sa chaise et croisa les bras.

— Pas maintenant, il y a du monde.

— « Pas maintenant » ! (Brit s'illumina.) Ce soir, alors ?

— Mais tu es célibataire et tu n'as pas d'enfants. Qu'est-ce que tu attends ?

— C'est le bureau du recensement qui t'envoie ?

— Betsy, c'est toi qui as fait les recherches sur Brit. Tu sais que c'est un coureur invétéré. Tu tiens vraiment à ce que je m'amourache d'un briseur de cœurs professionnel ?

— Peut-être qu'avec toi ce serait différent. Peut-être que tu saurais dompter son âme d'éternel chasseur !

Lisa se fendit d'une moue sarcastique.

— Tu parles. Je n'arrive même pas à dompter mon chat ! Alors, un Casanova...

— Tu... tu as quelque chose à me dire ?

— Plus tard, cracha-t-elle comme une mitraillette. Ici, je devrais t'étrangler à mains nues. Alors que, chez toi, je trouverais bien un couteau ou un objet contondant.

— Euh... OK.

Les épaules étroites de Lisa tremblaient de fureur. Mais pour quelle raison ?

— Je ne voudrais pas abîmer ma manucure, tu comprends, grinça-t-elle.

— Tu te trompes. Brit est une ordure. Un menteur, un fumier !

—  Il a fait une bêtise et il est désolé. Arrête de broyer du noir.

Lisa visualisa son poing s'écrasant sur le nez de Brit.

— Je broierais volontiers autre chose, crois-moi.

" Seule la voix de cette dernière résonnait dans sa tête.

Ce n'est pas un homme pour toi, Lisa.

Ne te fie jamais à un charmeur.

il va te briser le cœur, Lisa. Un homme comme lui, tu penses ! C'est inévitable."

-Tu exagères, dit-elle, j'ai vu la statue de la liberté.

C'était au cours d'une sortie de team building avec d'autres stagiaires de son cabinet de l'époque, mais n'empêche qu'elle l'avait vue.

-Si vous avez passé la visite le nez dans votre BlackBerry, ça ne compte pas, riposta Brit.

La machoire de Lisa faillit se décrocher.

-Il t'a bien cernée ! Pouffa Jerry.

—  Et si ça l'amuse, de « bouquiner », comme tu dis ? S'il n'aimait pas le sport ?

—  Tout le monde sait que l'abus de lecture est dangereux pour la santé, ça freine la croissance.

—  Je n'ai jamais rien entendu d'aussi débile !

Certaines femmes avaient le ventre plat, Lisa, elle, avait du caractère. Chacun son truc !

C'est très important, pour une femme, de travailler, dit-elle. Les hommes, ça va, ça vient, et ça vous brise le cœur. Mais une carrière, c'est du solide !