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— J’espère que vous connaîtrez un jour le même bonheur que le mien. N’y a-t-il rien de plus beau que de se réveiller chaque matin au côté de la femme qu’on aime et de lire son amour dans son regard ? De caresser son ventre et y sentir bouger son enfant ?

Il conclut en secouant la tête :

— Oui, en vérité, c’est là le vrai bonheur.

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** Extrait offert par Michelle Willingham **

Chapitre 1

Écosse — 1171

— Il faut que je vous dise… Ma fille n’est pas tout à fait comme les autres.

Rhys de Laurent lança un regard étonné au chef Alastair MacKinnon. Pas comme les autres ? Qu’entendait-il par là ?

Une fugitive expression de douleur traversa le visage de son interlocuteur. Il ouvrit la bouche, la referma, et Rhys attendit courtoisement qu’il veuille bien s’expliquer.

Comme rien ne venait, il demanda :

— Est-elle vérolée ? Ou acariâtre ?

Alastair MacKinnon secoua vigoureusement la tête.

— Grand Dieu, non ! La beauté de son visage et la douceur de son tempérament sont reconnues de tous. Elle est différente, voilà tout. Vous comprendrez ce que je veux dire quand vous serez mariés.

Rhys n’avait jamais éprouvé le moindre enthousiasme à la perspective d’épouser la fiancée écossaise qui lui était promise depuis toujours. Et après deux longues semaines de voyage pour atteindre Eiloch et l’interminable traversée de terres pauvres et désertées, il n’avait pas non plus la moindre envie de vivre dans ce pays perdu, loin de ses amis et de sa famille.

S’il était là, c’était pour honorer ses obligations. Il était un homme de devoir, même s’il doutait, pour une fois, de respecter des engagements qu’on avait pris pour lui alors qu’il n’était qu’un enfant.

À dire vrai, il avait surtout parcouru tout ce chemin dans l’intérêt de son jeune frère, Warrick, qui ne possédait aucun domaine, du fait d’un grave désaccord avec leur père. Ces lointaines terres d’Écosse seraient pour lui l’endroit idéal pour vivre en paix, hors des tensions qui régnaient à la cour. En cas de besoin, Warrick, bien entraîné au maniement des armes, pourrait défendre la vieille forteresse contre ses ennemis. Et pourquoi son frère n’épouserait-il pas lui-même la jeune promise, si on parvenait à convaincre Alastair MacKinnon de l’opportunité de cette substitution ?

Les terres des MacKinnon, en dépit de leur état évident de déshérence, n’étaient pas sans valeur et, pendant cette période de conflit incessant entre les Normands et les Scots, Rhys était conscient de l’importance du rôle que sa famille avait à jouer dans la région. Son père avait conclu avec le clan MacKinnon une alliance qui dépendait de son mariage.

Mais il voulait d’abord voir la fiancée.

— Je souhaite être présenté à ma future épouse avant de donner mon accord pour la célébration de la cérémonie, déclara-t-il d’une voix forte. C’est la moindre des choses, pour elle comme pour moi.

Le rude visage d’Alastair afficha une expression soucieuse.

— C’est que… Cela risque de poser un problème. Dès son plus jeune âge, Lianna a décrété qu’elle se refusait à épouser un Normand.

Rhys n’en fut pas surpris. Depuis que les Normands avaient envahi la Grande-Bretagne, plus d’une fille du pays avait refusé pareille union. Celle d’Alastair s’était montrée particulièrement précoce, voilà tout.

— C’est bien pourquoi nous devons apprendre à nous connaître. Si cette union ne lui sied pas, votre fille est en droit de changer d’avis.

Mais le chef du clan secouait déjà la tête.

— Non, il n’en est pas question. Je connais bien Lianna. Si vous vous présentez à elle comme un prince normand, elle ne fera aucun effort pour vous connaître. Bien au contraire, elle consacrera toute son énergie à éviter ce mariage. Si vous tenez à la voir avant votre union, il faut trouver une supercherie…

Il réfléchit un instant, puis reprit :

— Revêtez l’habit écossais et débrouillez-vous pour la rencontrer comme par hasard. Profitez des circonstances pour faire valoir vos qualités d’homme. Vous la trouverez infiniment plus agréable si, d’emblée, elle ne voit pas en vous un ennemi.

Il ajouta, le regard soudain étréci :

— À moins que vous ne soyez trop fier pour porter notre costume ?

Rhys réfléchit un instant. Alastair MacKinnon avait raison. S’il se présentait à Lianna comme le fils d’un chef normand, elle le considérerait comme un étranger et le rejetterait, quoi qu’il dise ou qu’il fasse. La peur et l’hostilité inspireraient sa réflexion, ce qui constituait les pires fondations pour un mariage.

— Je vous comprends. Mais je n’apprécie guère la perspective de mentir à ma prétendante.

— Vous n’avez pas besoin de lui dire votre nom, rétorqua Alastair, dont le regard gris pétillait maintenant sous ses épais sourcils. Je connais ma fille, je vous le répète. Elle s’adoucira devant des manières courtoises. Vous verrez alors quelle belle personne se cache sous ses airs de sauvageonne.

Son regard redevint perçant, tandis qu’il poursuivait :

— J’ai entendu beaucoup de choses à votre sujet, Rhys de Laurent. On dit que vous êtes un homme loyal, respecté en tant que chef. Si je n’en étais pas persuadé, je ne vous confierais pas Lianna.

Rhys ne releva pas le compliment car il savait que, de toute façon, le Scot n’avait pas le choix. Si lui, fils aîné du puissant chef normand Edward de Laurent, n’acceptait pas Lianna en tant qu’épouse, son père aurait le droit de reprendre les terres d’Eiloch et d’installer des soldats normands aux commandes de la forteresse. Il aurait pu agir ainsi plus tôt, mais, par égard pour sa propre mère, Margaret, il ne l’avait pas fait. Bien qu’elle soit une Normande, elle aussi, elle avait profondément aimé Fergus MacKinnon, son second époux, et avait coulé de longues années heureuses sur leurs terres d’Écosse, qu’elle considérait comme son sanctuaire.

Alastair fit signe à l’un de ses hommes d’approcher et lui donna un ordre en gaélique dont Rhys comprit chaque mot. Il avait en effet appris la langue Scot dès son plus jeune âge, sa grand-mère, dans sa sagesse, ayant estimé qu’il ne pourrait être accepté de ses cousins écossais, s’il ne parlait pas leur langue.

Le serviteur disparut, et Alastair reporta son attention sur lui.

— Je crois que vous serez satisfait de votre mariage, une fois que vous aurez compris les particularités de ma fille.

Rhys soutint son regard.

— C’est à moi d’en juger.

Alastair opina du chef.

— Chaque jour que Dieu fait, à l’heure du déjeuner, elle fait une promenade à cheval jusqu’au rivage. Vous pourrez la trouver près du dolmen. Mais, je vous en conjure, ne lui faites pas savoir qui vous êtes. Du moins, pas tout de suite.

Le serviteur revint avec des vêtements du cru. Alastair lui fit signe de les donner à son visiteur.

— Mettez cela, Rhys. Et je vous souhaite bonne chance.

Rhys prit le pantalon et la chemise qu’on lui tendait.

— Comment pourrais-je être sûr de la retrouver là-bas ?

Alastair soupira.

— Ma fille est une personne d’habitude. Elle prend son déjeuner au pied du dolmen depuis un an. Croyez-moi, elle y sera.

Cette affirmation était pour le moins déconcertante, mais Rhys la prit pour ce qu’elle était. Il inclina la tête.

— Comme vous voudrez.

* * *

Lianna mettait un point d’honneur à entretenir son environnement dans un ordre parfait. Le sol dallé de la pièce luisait sous le rayon de soleil filtrant par l’étroite fenêtre, et la courtepointe était soigneusement tirée sur le lit. Elle fit courir son doigt sur la surface du coffre et constata avec satisfaction qu’il était propre, comme cela devait être. Le spectacle de sa chambre la remplissait toujours de satisfaction. Elle éprouvait un vif contentement à l’idée que, chez elle au moins, elle pouvait contrôler sa vie.

On frappa légèrement à sa porte, qui s’ouvrit aussitôt sur Orna, sa nourrice.

— J’ai des nouvelles pour vous, Lady Lianna. Le Normand et ses hommes rencontrent votre père ce matin.

Une sueur froide mouilla le front de Lianna. Depuis que les hommes d’Edward de Laurent avaient annoncé leur arrivée, elle se refusait à penser à l’imminence de ce mariage. La perspective d’épouser un étranger, un Normand qui plus était, lui était tout à fait insupportable. Bien qu’elle ait été promise à Rhys de Laurent dès sa plus tendre enfance, elle était prête à tout pour éviter cette union.

Et voilà que le moment d’agir était arrivé.

Son regard se porta sur les traces de pas que sa nourrice avait laissées en circulant dans la chambre. Incapable de supporter la moindre souillure, elle alla chercher le balai de bruyère posé dans un coin de la pièce.

— Cet homme ne sera pas mon époux, Orna, décréta-t-elle en chassant de quelques coups de balai énergiques les infimes traces de boue qu’elle envoya dans le corridor. Je trouverai un moyen de rompre cet engagement.

Elle se refusait à croire qu’il puisse en être autrement. Cela faisait maintenant des années qu’elle épargnait chaque sou dans le but de racheter sa liberté auprès de Rhys de Laurent. Elle avait renoncé aux rubans, aux dentelles et autres fanfreluches appréciées des filles de son âge, préférant consacrer son argent à quelque chose qui avait infiniment plus de valeur à ses yeux : sa liberté.

Orna fronça les sourcils.

— Cela ne sera peut-être pas possible, Lianna.

S’agenouillant, Lianna se mit à frotter avec un chiffon l’endroit qui avait été sali.

— Quand on veut vraiment une chose, elle devient possible.

Il fallait qu’il en soit ainsi. La perspective de devoir se livrer corps et âme à un inconnu lui était insupportable. Rhys était né et avait grandi en Angleterre ; il ne connaissait rien de leurs us et coutumes. Il ne parlait probablement même pas leur langue !

À l’idée de se retrouver dans le lit d’un ennemi, de devoir porter ses enfants, elle sentit tout son être se révulser. Elle ne put réprimer un long frisson d’effroi. Son père avait dû céder aux circonstances mais, elle, elle ne se laisserait pas faire.

— Quand Rhys de Laurent entendra ma proposition, il sera ravi de retourner en Angleterre sans moi. Mon père restera le chef du clan MacKinnon et tout redeviendra comme avant.

Elle s’accrochait désespérément à cette idée, parce que c’était le seul avenir qu’elle imaginait pour elle. Vivre chez elle, au sein de son clan, selon un mode de vie immuable et rassurant.

Redressant les épaules, elle ajouta d’une voix ferme :

— C’est l’heure de ma promenade, Orna. Mon panier est-il prêt ?

Aujourd’hui plus que jamais, elle avait besoin de sa longue chevauchée quotidienne le long du rivage. Le vent de la vitesse l’aiderait à chasser de son esprit les nuages menaçants de l’avenir.

— Et si notre chef vous demande de rencontrer votre prétendant, mistress ? objecta Orna avec son bon sens habituel. Vous devez être là pour obéir.

À l’idée d’être exhibée comme un animal à la foire aux bestiaux, Lianna frémit de colère.

— Je ne suis pas encore mariée, que je sache.

S’emparant de ses bottes, elle s’apprêta à sortir.

— J’y vais, Orna. Va faire porter mon repas aux écuries.

— Je vous en prie, mon petit, la supplia sa nourrice en lançant un regard inquiet vers la porte restée entrouverte. Vous devez épouser Rhys de Laurent et lui donner un fils, vous le savez bien. C’est seulement à cette condition que nous pourrons tous rester vivre ici, dans la paix et la sécurité. Si vous le contrariez, le Normand peut se mettre en colère et nous renvoyer de ces terres. Alors, nous n’aurons plus aucun endroit où vivre.

Lianna s’arrêta un instant sur le seuil.

— Ne t’inquiète pas, Orna. Je trouverai un moyen d’empêcher ce mariage, tout en faisant en sorte que mon père garde Eiloch. Personne ne nous le prendra jamais, je te le promets.

Dût-elle donner à l’étranger tout l’argent qu’elle avait, et plus encore. Elle était prête à travailler dans les champs s’il le fallait, à tisser et filer tout le jour. Même à garder les moutons.

Orna la regarda, hésitante.

— Mais… Ne pourriez-vous pas essayer d’être l’épouse qu’il désire ?

Non. Il était hors de question d’envisager une telle éventualité !

— Orna, répondit-elle avec un sourire entendu. Je sais ce que je vaux. Aucun homme ne m’a jamais trouvée séduisante. Si ceux de mon clan ne se soucient guère de moi, je ne vois pas pourquoi un étranger le ferait.

Elle ajusta son capuchon de laine sur ses cheveux d’une éclatante rousseur. Elle avait toujours eu du mal à les domestiquer, bien que les brossant énergiquement chaque matin soixante-dix-sept fois. Pas une de plus, pas une de moins. Et qu’elle s’apprête à recommencer au retour de sa chevauchée.

— Je serai de retour dès le début de l’après-midi. C’est promis.

Orna lui adressa un regard dubitatif, mais ne dit rien. Lianna passa devant elle, ses bottes à la main, et traversa le hall, saluant d’un bref hochement de tête les hommes qui s’y trouvaient. Le visage de son frère, Sian, s’éclaira d’un sourire fugitif et il lui fit un geste de la main. Elle le lui rendit et s’empourpra en entendant l’un des hommes marmonner entre ses dents :

— Heureusement, ce n’est pas nous qui allons devoir l’épouser. Bon courage à son futur mari !

Elle n’aurait su dire qui avait parlé et préféra faire mine de n’avoir pas entendu. Redressant les épaules, elle passa son chemin, non sans apercevoir du coin de l’œil son frère qui sanctionnait d’un énergique coup de coude son plus proche voisin, Eachann MacKinnon. Elle appréciait son soutien mais, hélas, elle n’était que trop consciente de quolibets, qu’elle suscitait toujours sur son passage.

Tous trouvaient étrange qu’elle s’en tienne chaque jour aux mêmes rituels, comme celui, par exemple, de se rendre au dolmen pour y déjeuner. Mais elle aimait les rituels. C’était pour elle un réconfort que de savoir ce qu’elle allait faire chaque jour, à chaque heure.

Sian vivait comme l’oiseau sur la branche, allant d’une activité à une autre, de préférence amusante, sans se soucier du lendemain. Son attitude pleine d’assurance n’était pas dépourvue d’une certaine arrogance, mais Lianna préférait réparer les dommages causés par son insouciance plutôt que de lui chercher querelle.

Leur demeure était plus grande que les autres, comme il seyait à l’habitation d’un chef de clan. Constituée d’un haut donjon de bois et de pierre, elle pouvait abriter une vingtaine d’hommes dans les communs et hébergeait la famille dans trois vastes pièces au premier étage. La salle des gardes était située au deuxième étage, d’où l’on pouvait voir la plaine jusqu’aux confins des collines couvertes de forêt.

À l’intérieur de la clôture de pieux solidement fichés dans le sol, à côté des écuries et d’une étable, s’alignaient encore en demi-cercle les masures au toit de chaume de quelques paysans. Et au milieu de tout cela circulaient en liberté porcs, volaille et chiens, jappant, grognant et caquetant à vous en casser les oreilles.

En passant devant les chaumières, Lianna s’assura, comme chaque jour, que nulle d’entre elle n’offrait le moindre spectacle de déréliction. Sian ne souhaitait pas qu’elle interfère dans la vie de la place forte, mais elle aimait à s’assurer que tout allait bien. Elle savait quelles familles avaient assez de blé et de victuailles pour affronter l’hiver et quelles autres risquaient de souffrir de la famine. Et elle était fière de pouvoir dire quelles femmes allaient donner naissance à un enfant et qui venait de passer de vie à trépas. Tous croyaient que c’était Sian qui avait pris la relève de leur père vieillissant, mais c’était elle et elle seule qui connaissait les besoins du clan. Et cela lui conférait un sentiment de fierté bien utile, étant donné le manque de considération dont la plupart des hommes la gratifiaient.

Quand elle eut franchi la clôture et que le vaste espace de la vallée s’ouvrit devant elle, Lianna pressa doucement les flancs de son cheval qui s’élança au galop. Le vent rabattit ses cheveux sur ses épaules et elle leva le visage vers le ciel, s’emplissant de l’allégresse que lui procurait toujours cette course solitaire.

Comme elle se rapprochait de la côte, elle ralentit l’allure de sa jument et prit la direction du dolmen. L’imposant autel de pierre se dressait sur la lande peuplée de bruyère et d’ajoncs depuis des centaines d’années, des milliers peut-être, et elle s’interrogeait souvent sur les coutumes des druides qui l’avaient installé là.

Chaque jour que Dieu faisait, elle prenait sa collation sur cette pierre, heureuse de ne pas devoir s’attabler au donjon avec les autres et supporter leurs plaisanteries et la grossièreté de leurs propos. D’aussi loin que ses souvenirs remontaient, alors même qu’elle n’était encore qu’une petite fille privée de mère, elle avait toujours chéri la solitude.

Pourtant, ce matin-là, quand elle arriva au rocher, un homme s’y trouvait déjà. Un sentiment d’inconfort l’envahit aussitôt et son sourire s’évanouit. Cet homme n’avait pas le droit d’être là. Du moins, il n’avait rien à y faire. Qui pouvait-il bien être ? Un instant, elle se demanda s’il s’agissait d’un Normand. Puis, voyant sa tenue, typique des habitants des Highlands, elle écarta avec soulagement cette idée.

Pourtant, elle qui connaissait chaque membre de son clan et de celui des MacKinloch, leurs voisins, elle aurait juré ne l’avoir jamais vu. Et le plus surprenant, c’était que l’inconnu paraissait l’attendre.

Indécise, elle mit sa jument au pas. L’homme avait des cheveux bruns coupés très court et une barbe de quinze jours. Mais c’étaient ses yeux qu’on remarquait le plus. Ils étaient du même bleu foncé que celui de la mer près de l’horizon et ils en possédaient la beauté sauvage.

Lianna lui adressa un salut de la tête et sursauta presque quand il leva la main pour lui répondre. Son instinct lui disait de faire demi-tour. De rentrer chez elle au plus vite. Mais elle se surprit à arrêter sa monture pour mieux observer l’étranger.

Va-t’en ! murmura en elle une petite voix inquiète. Cet homme est un intrus.

— Je vous souhaite une bonne après-midi, mistress. Bel endroit pour se promener, n’est-ce pas ?

Il parlait en gaélique, mais sa voix recélait un soupçon d’accent. Peut-être venait-il d’Aberdeen ou même d’Oban ? Difficile à dire. Intriguée, Lianna fit encore avancer sa jument de quelques pas. Tout en lui trahissait l’homme de commandement et il portait son assurance comme une arme.

Son aspect captiva aussitôt son attention, et, le cœur battant, la bouche sèche, elle l’étudia tout à loisir, sans se soucier des convenances. Il avait une cicatrice au creux de la gorge comme s’il avait rencontré là la lame d’un poignard, et l’expression de son visage était virile et décidée.

Il était vêtu d’un léine de lin couleur safran et portait sur les épaules un brat aux couleurs du clan MacKinloch, bleu et vert. Elle ne l’avait cependant jamais rencontré auparavant. La curiosité en éveil, elle se sentit partagée entre son désir d’en savoir davantage et son instinct, qui lui conseillait de regagner la demeure paternelle.

Décidément intriguée, elle ne fit pas un geste. La chemise, assez longue, était malgré tout trop étroite pour le buste vigoureux de l’homme, et l’étoffe tirait un peu sur ses larges épaules. Sous les braies, elle devinait des jambes longues et musclées.

Elle resta là, sans trouver une parole à formuler, le cerveau comme soudain rempli de paille.

— N’ayez crainte, dit enfin l’inconnu.

Elle prit conscience que sa main étreignait frénétiquement la dague du poignard qu’elle portait toujours à la ceinture. Elle balaya d’un regard méfiant le long corps mince et musclé de son interlocuteur. Ami ou ennemi ? Son frère lui avait appris à se défendre et, si nécessaire, elle n’hésiterait pas à attaquer. Mais, bizarrement, elle croyait l’homme quand il affirmait qu’elle n’avait rien à craindre. Il n’avait pas bougé d’un pouce, agissant envers elle comme il l’aurait fait avec un cheval sauvage, prêt à s’enfuir.

— Êtes-vous un visiteur ? s’enquit-elle, en s’arrachant un sourire.

Il hocha la tête.

— Oui… Je suis venu pour les noces.

Ses noces à elle, bien sûr ! Elle s’efforça de dissimuler son désarroi. Ce n’était donc qu’un invité du clan MacKinloch, finalement. Peut-être même un lointain cousin de sa mère. Elle l’étudia un instant, anxieuse de savoir qui il était exactement. Il ne ressemblait à personne de ce clan.

Elle entendait presque son frère lui dire : « Retourne immédiatement à la maison. Tu ne dois pas parler à un étranger. »

S’il était là, Sian se serait emparé de ses rênes et, d’autorité, lui aurait fait rebrousser chemin.

Pouvait-elle se permettre de jeter un dernier coup d’œil à l’étranger avant de rentrer ? Elle hésita, mais, avant qu’elle ait eu le temps de tourner les talons, il lui sourit. D’un sourire éclatant qui éclaira tout son visage tanné par le soleil et le vent. Lianna sentit soudain l’air se bloquer dans ses poumons.

En général, les hommes ne se donnaient pas la peine de lui sourire. La plupart du temps, quand ils la croisaient, ils se contentaient de rouler comiquement des yeux, comme pour se moquer d’elle. Ou bien, ils laissaient échapper un soupir exaspéré, tandis que son frère s’excusait pour elle.

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Il n’y avait personne. En tout cas, aucune jolie fille à qui le bel inconnu aurait pu adresser ce sourire charmeur.

C’était certainement le plus beau spécimen masculin qu’il lui ait été donné de voir. Et décidément, oui, c’était bien à elle qu’il souriait. Sans doute ignorait-il qu’il avait devant elle la future mariée.

Elle aurait dû partir, elle le savait. Mais elle détestait plus que tout déranger ses habitudes. Chaque jour, à la même heure, elle prenait son déjeuner au dolmen. Cela lui donnait une heure rien que pour elle à regarder la mer et à rêver. Sa vie tout entière était constituée de morceaux qui s’organisaient en un schéma bien précis. À chaque heure du jour, elle savait exactement où elle devait être et ce qu’elle devait y faire.

Mais, tout à coup, c’était comme si une force inconnue avait fait éclater en morceaux cette belle organisation. D’abord, il y avait eu l’arrivée du Normand. Puis l’apparition soudaine de cet homme, qu’elle ne connaissait pas.

Sa présence dans son refuge venait de réduire à néant la perspective d’un déjeuner tranquille. Mais c’était son coin, après tout. C’était donc à lui de partir.

— Si vous cherchez le chef des MacKinnon, il est chez lui, dans sa demeure, l’informa-t-elle en pointant le doigt vers le chemin. Suivez cette direction et vous y parviendrez. Mon père vous offrira bien volontiers l’hospitalité.

Elle s’attendait à ce qu’il obtempère. Mais il ne fit pas mine de bouger. Elle remarqua alors qu’il n’avait pas de cheval. L’avait-il déjà confié à leurs palefreniers ?

— Vous semblez bien pressée de vous débarrasser de moi, remarqua-t-il tranquillement.

Elle allait acquiescer, mais se retint juste à temps.

— Quel est votre nom ?

S’appuyant contre le dolmen, les bras croisés, le Highlander porta son regard vers la mer. Une fine ligne de nuages blancs barrait l’horizon comme un nid de plumes sur le faîte d’un toit, et le soleil allumait sur l’eau de miroitantes nappes de feu.

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