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La fille du général Marcus de Lacey l’avait affirmé dès son plus jeune âge : elle épouserait l’homme le plus courageux de toute la chrétienté. Ce soir-là, l'incomparable Rachel pénétra dans la salle de bal remplie de ses admirateurs éconduits avec, à son doigt, la bague de fiançailles offerte par Sir Dunstan Wells.
Pourquoi ne se sentait-elle pas fière et heureuse ? Autour d’elle, les meilleurs soldats d’Angleterre boudaient comme des écoliers à qui l’on a dérobé une surprise, ce qui aurait dû la réjouir, or même la musique enjouée ne parvenait pas à endiguer sa nervosité.
Pour la fête costumée, elle s’était déguisée en Hélène de Troie, choisissant une robe de lin ceinte de lacets dorés. "Puisque votre main est devenue l’enjeu du siècle, c'est un choix judicieux !" avait plaisanté sa camériste. Rachel se demandait si la reine de la légende avait ressenti les mêmes appréhensions avant de partir avec son séduisant Pâris. Elle était presque déçue que le concours fût terminé. Sa beauté n’avait pas déclenché de guerre, et désormais elle redoutait l’avenir. Bientôt, elle serait obligée de partager un lit avec son mari, de lui soumettre son corps et de renoncer à maîtriser son destin pour se plier à la volonté de Sir Dunstan.
"Je suis une sotte !" se dit Rachel, en évitant un Lancelot sans prestance qui dansait le menuet avec un cygne maladroit. Dunstan ne l’avait pas enlevée puis forcée à devenir son épouse. Depuis ses exploits contre les rebelles, tout le monde saluait en lui le héros de Culloden Moor, et n’avait-elle pas toujours rêvé d’épouser le plus vaillant des chevaliers ?
Les pieds glacés dans des sandales délicates, elle frissonna. C’était probablement cette Ecosse aux collines sauvages et au peuple presque barbare qui la mettait mal à l’aise. Il lui semblait que le feu de la rébellion continuait à couver, et que le vent transportait encore les râles des blessés et les cris de guerre brutalement étouffés par l’épée du conquérant. Ni l’élégance de la demeure occupée par les forces britanniques ni la gaieté frénétique des convives ne parvenaient à éclipser ces funestes échos.
Tournant la lourde bague de fiançailles autour de son doigt, Rachel se dit que la nuit n’en finissait pas. Impossible pourtant de s’échapper... Des femmes d’officiers et leurs admirateurs s’élançaient vers elle.
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