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Extrait ajouté par Lilinie 2011-09-25T21:23:03+02:00

1

Florence tirait l'aiguille en s'arrachant les yeux. Décidément, cette nouvelle lampe à huile de porcelaine dépolie éclairait mal. Peinte à la main, elle faisait davantage office de bibelot que de source lumineuse. « Dire qu'à Montréal on s'éclaire à l'électricité, paraît-il. Avant qu'ils installent cette merveille ici, j'ai le temps de devenir grand-mère ! » se disait-elle. Elle s'imaginait difficilement qu'on puisse illuminer une maison en posant simplement le doigt sur un commutateur. Malgré ses paupières brûlantes, elle s'acharnait à terminer la broderie de sa taie d'oreiller parsemée de petites fleurs rouge vif et de tiges vertes que, inspirée par une page de calendrier, elle avait elle-même dessinées à la main. Après tout, pour remplir son coffre d'espérance, son trousseau se devait d'être parfait et à son goût.

En début de soirée, elle était montée à l'étage pour présenter son travail à sa mère alitée. La malade avait froncé les sourcils devant la nature des fleurs.

« Un peu trop petites pour des coquelicots, quoique... »

Ah oui ? Au fond, Florence s'en fichait un peu. Elle n'avait jamais vu de coquelicots, ces fleurs éclatantes qui tapissent les champs du pays de France, et elle n'en verrait sans doute jamais. Mais les piquer sur son oreiller la faisait rêver et emportait son esprit vers l'Europe lointaine et ces recoins de Normandie d'où étaient venus les premiers Coulombe quelque cent ans auparavant, selon les dires de son père. Elle imaginait les vieux bourgs moyenâgeux aux murailles de pierre, les ruelles étroites et sombres dont les chaumières basses abritaient des habitants vêtus à l'ancienne, comme elle en avait vu dans son livre d'histoire. Des champs remplis de coquelicots s'étalaient à perte de vue derrière les bâtiments. À cette époque-là, d'énormes voiliers remplis de familles quittaient le bord de mer marécageux en partance pour l'Amérique. Sur l'un de ces bateaux, elle imaginait son arrière-grand-père Onil Coulombe et sa bien-aimée Éva se tenant debout à la poupe, bien droits, la tête pleine de rêves, prêts à commencer une vie nouvelle et à défier les embûches que le destin ne manquerait pas de leur ménager. Se doutaient-ils que, dans leur lignée, une petite Florence assurerait leur descendance ? La jeune fille n'en espérait certainement pas moins !

Un fil rouge pour les pétales, un fil noir pour le cœur de la fleur, un fil vert pour la tige, puis un autre fil rouge plus soutenu... Et tire l'aiguille, et remplit les coquelicots de sang et de lumière, comme si l'avenir dépendait de ces gestes précis et pourtant combien inutiles. Comme si la délicatesse et la beauté de ces fleurs garantissaient le bonheur futur de ceux et celles qui allaient poser leur tête sur cette taie d'oreiller. Futilité, chimère que tout cela ! Mais il fallait bien rêver. Quoi d'autre que des fantasmes pour meubler ces interminables soirées quand on court sur ses dix-sept ans ? Cet hiver ne finirait-il donc jamais ? Quand les ombres s'allongent depuis trois mois, dès la fin de l'après-midi, et rassemblent les silhouettes autour des poêles de fonte, dans l'humidité froide des obscures demeures, pourquoi ne pas rêvasser un peu et laisser fureter son imagination, s'inventer des lendemains lumineux égayés par des ribambelles d'enfants joyeux pour ne pas perdre le goût du bonheur et cette grande capacité d'illusion propre à la jeunesse ?

Encore tant de jours et tant de semaines avant que les corneilles ne déchirent le silence hivernal de leurs croassements annonciateurs de résurrection. Dieu merci, depuis quatre ans, Florence ne retournait chez elle que pour les vacances et les longs congés de Noël et de Pâques, écoulant la majeure partie de son temps au pensionnat des sœurs de Berthier. Sinon, elle croupirait d'ennui dans cette maison sans histoire et trop calme à son goût, malgré le va-et-vient de sa mère d'habitude active et dynamique, malgré la présence enjouée de sa sœur Andréanne et celle, fort turbulente, de ses deux jeunes frères, malgré l'existence du piano sur lequel elle jouait dès qu'elle avait des moments libres. Quant au père, menuisier de profession, on le voyait peu, la plupart du temps affairé à son travail. Les jours d'été, sa présence se résumait en d'inlassables coups de marteau répétés à l'infini par l'écho derrière la maison, mais l'hiver ramenait le silence en même temps que la froidure. Maxime Coulombe écoulait ses jours dans son atelier, mais il n'en détenait pas moins l'autorité familiale, une autorité sévère, exigeante, intransigeante même. Et, chose certaine, incontestable.

Depuis presque une heure, Andréanne, derrière la porte refermée du salon, piochait sur le piano et s'acharnait sur un arpège en butant hardiment sur la même note ad nauseam. Le père, perdu sur la table de la cuisine dans ses calculs de longueur de planches et de madriers, releva la tête et retint un sacre.

« Arrête, Andréanne, tu vas nous rendre fous !

— C'est l'arpège de si bémol. Je n'arrive pas à trouver le doigté.

— Bien, tu le trouveras demain matin, ma fille ! Moi, je ne suis plus capable d'entendre ce vacarme ! Et tu empêches sûrement ta pauvre mère de dormir là-haut. Bon, je rentre quelques bûches et on monte tous se coucher. Allez, les enfants, Guillaume, Alexandre, au lit ! »

Florence ne put s'empêcher de conseiller à sa sœur, à travers la porte vitrée, d'utiliser ses quatrièmes doigts pour amorcer l'arpège. Pour elle, les gammes et les arpèges, et même les rythmes compliqués, n'avaient plus de secrets. Depuis l'achat du piano, voilà déjà plusieurs années, la musique avait révolutionné sa vie et occupait une grande partie de ses temps libres.

Elle se rappelait l'arrivée de l'instrument, un matin de grisaille, dans la petite gare de Mandeville. Le train du Canadien Pacifique avait surgi dans un grincement infernal avec quelques minutes de retard. Bien longtemps avant que la lumière de l'engin ne se pointe à l'horizon, la terre s'était mise à vibrer imperceptiblement. Puis le monstre noir, énorme, toussant et crachant un jet de fumée épaisse et goudronnée, était apparu au tournant du chemin de fer et était entré lentement en gare pour s'arrêter devant le quai. Tant de force et de puissance avait médusé la fillette de douze ans. Elle avait glissé sa main dans celle de son père. Même ses frères, s'ils voulaient jouer les braves, s'étaient tout de même rapprochés de lui, mine de rien. Leur sœur Andréanne, retenue à la maison par la fièvre, n'avait pu venir malgré ses cris de protestation. Elle n'avait jamais pardonné à Florence d'avoir pris possession la première de l'instrument, privilège de celle que les rhumes et les bronchites atteignaient rarement, privilège aussi de l'aînée.

À la vérité, Florence n'était pas véritablement l'aînée de la famille. Deux garçons l'avaient précédée. Mais la grippe espagnole de 1918 les avait emportés alors qu'elle avait trois ans. Chaque année, à l'anniversaire de leur mort, toute la famille se rendait au cimetière pour une prière sur la petite tombe commune. Camille, la mère, ne manquait jamais de verser une multitude de larmes et cela impressionnait toujours la fillette qui n'avait conservé aucun souvenir de ces deux grands frères.

En sautant hors de la charrette, aux abords de la gare, elle n'avait pu s'empêcher de sourire intérieurement à la pensée du colis qu'on allait leur livrer. Un véritable cadeau ! Elle en parlait à ses parents depuis si longtemps ! Au début, il ne s'agissait que d'une lubie, une extravagance. « Une folie ! » prétendait son père. Mais l'idée avait fait son chemin, et s'était concrétisée enfin.

Sur le quai de la gare, ils s'étaient mis à six, le père assisté du postillon et du serre-frein, le chef de gare, le conducteur du train et son acolyte, pour transférer du wagon jusque dans la charrette, à l'aide de cordes et de bouts de planche, l'énorme caisse de bois largement estampillée en lettres bleues : Archambault.

Dans sa tête d'enfant, Florence avait imaginé recevoir son piano assemblé, tout prêt à jouer. Elle fut déçue d'apprendre qu'il lui faudrait attendre encore quelques heures avant de tirer des sons de l'instrument dûment installé contre le grand mur du salon.

Ce jour-là, elle ignorait que quelque chose d'important venait de commencer. Bien plus qu'un loisir, jouer du piano avait comblé un besoin, une nécessité même, et constituait maintenant un lieu privilégié où se réfugier et écouler le trop-plein de ses émotions et de ses rêves, comme une rencontre avec elle-même où rien d'autre n'existait plus. La musique qui émanait alors de ses mains portait sur ses méandres les confidences et les prières d'une jeune fille simple, au cœur pur et sensible, en mal d'amour et de tendresse. Une religieuse lui donnait ses leçons au couvent où elle s'exerçait une heure ou deux par jour, parfois davantage. À chacun de ses retours à Saint-Didace, elle retrouvait avec plaisir son cher instrument, témoin secret de ses chagrins et de ses espoirs. Beethoven et Mozart étaient devenus ses amis, ces mystérieux absents toujours vivants à travers les divins accents de leur musique. Sœur Sainte-Thérèse n'en revenait pas des progrès rapides de son élève.

Andréanne, quant à elle, préférait jouer à l'oreille des airs connus ou des chansons apprises à l'école ou à l'église en y ajoutant sa touche personnelle, au lieu de décortiquer des partitions compliquées. Elle ne prisait guère l'enseignement de la musique classique donné par sa sœur, pas plus que les devoirs et les leçons imposés à l'école. D'ailleurs, elle n'envisageait pas d'aller au couvent l'année suivante sur les traces de son aînée.

« Moi, je déteste l'école. Pas besoin de diplômes pour devenir une femme heureuse !

— Moi aussi, j'ai bien l'intention de me marier, Andréanne, mais j'aurai un métier pour gagner ma vie. On ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve. Et puis, j'adorerai faire la classe aux enfants, je le sens ! »

Florence aimait bien sa sœur de deux ans plus jeune, et elle admirait secrètement sa désinvolture. Andréanne ne s'en faisait jamais avec rien, elle jouissait d'un optimisme naturel et d'une incomparable joie de vivre. Cependant, elle supportait difficilement les contraintes imposées, les balises, les cadres rigides. À la voir virevolter à droite et à gauche sans jamais se fixer, sa mère Camille la surnommait sa « petite hirondelle ».

On disait les deux sœurs fort jolies mais d'un genre différent : la plus jeune, blonde aux yeux rieurs, l'aînée, brunette à l'air sérieux. Elles s'entendaient assez bien et s'alliaient souvent contre la sévérité de leur père ou pour obtenir une faveur de leur mère. Le partage des tâches domestiques allait de soi, mais ce qu'accomplissait Florence sans trop regimber horripilait Andréanne qui ne comprenait pas quel plaisir on pouvait éprouver à fabriquer du savon ou à étendre le linge sur la corde. Quant aux corvées automnales dans la cuisine pour préparer confitures, marinades et ketchups, l'aînée y échappait à cause de ses séjours prolongés au couvent et s'en remettait à sa sœur exaspérée.

Un jour, quelque prince charmant se présenterait et ferait sérieusement la cour à l'une ou à l'autre des deux jeunes filles. Andréanne lorgnait déjà du côté des voisins et, même si elle refusait de l'admettre, Florence avait remarqué le faible de sa sœur pour Simon Prud'homme, l'aîné des garçons. Il le lui rendait bien d'ailleurs, avec ses brins de jasette sur le perron de l'église et ses courbettes à n'en plus finir. L'automne dernier, lors du ramassage du foin, elle les avait aperçus, à quelques reprises, en grande conversation par-dessus la clôture. Il était même question que son père, Maxime Coulombe, le prenne comme apprenti ébéniste dans son atelier. Il n'en fallait pas plus pour qu'Andréanne se mette à fabuler et à formuler des rêves d'avenir. Pourquoi pas ? Elle allait bientôt avoir seize ans, après tout !

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" Un lugubre coup de tonnerre interrompit brusquement l'étrange ballet. Du haut de son point de vue, Florence vit les deux fils d'Adhémar se rhabiller à la hâte et rentrer en courant. Elle comprit que le grondement sourd ne faisait pas que déchirer la quiétude de cette journée. Il venait aussi de donner le signal de la chute dramatique de sa vie au fond d'un précipice sans nom. Avant que les deux garçons n'aient franchi la porte de la maison, elle avait commencé à vomir dans les toilettesn secouée de spasmes et de sanglots, anéantie par cette scène dont elle n'aurait jamais voulu, de tout sa vie, être le témoin."

(extrait tome 1)

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"À partir de ce moment, Florence se mit à écrire des histoires pour enfants, jour après jour, comme une forcenée. [...] Elle ne voyait pas le temps passer. Les mots, porteurs de libération, la vidaient, la délestaient du poids trop lourd de l'amertume. Elle vivait tout à coup dans une autre dimension, un monde candide et imaginaire pourtant bien réel dans son esprit. Un monde où se réfugier et qui n'appartenait qu'à elle." p.25

(extrait tome 2)

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