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- Je suis partie parce que c’était le seul moyen de m’éloigner de vous. Lors de notre première rencontre, je vous avais confié mes craintes. Vous en vouliez trop. Celles-ci se sont confirmées.

Il la gratifia d’un long regard dur.

- Vous mentez à nouveau.

Il s’avança vers elle et l’attira dans ses bras avant qu’elle ait eu le temps de se dérober.

- Est-ce vouloir trop que vouloir ceci ?

Il l’embrassa. Amanda tenta de résister, mais son coeur la trahit. Elle s’abandonna à son étreinte.

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Gabriel se leva, gardant lady Farnsworth à l’oeil de crainte qu’elle ne charge.

- Mesdames, j’ai été honoré de votre visite…

Il les salua tour à tour d’une brève courbette, puis battit précipitamment en retraite avec Stratton dans son sillage.

- Je vais étriper ta moitié française, Stratton. La moitié qui m’a assuré que je ne craignais rien à informer ton épouse de cette affaire.

- Pour être franc, je suis sous le choc. Ce sont pourtant des femmes à l’esprit ouvert. Je veux dire, le journal…

- Ah oui, le journal ! bougonna Gabriel qui ouvrit sans ménagement la porte de son bureau. La moitié anglaise va aussi se faire étriper à cause de lui.

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- Morbleu, elles l’ont trouvée ! Quelle audace inexcusable de leur part de sortir la chercher sans ma permission ! bougonna Gabriel.

Stratton et lui avaient apporté leur brandy dans le petit salon qui donnait sur les jardins.

- Elles s’inquiètent pour Mlle Waverly, j’imagine.

- Elles cherchent une raison pour me pendre haut et court, plus probablement.

Gabriel baissa les yeux sur le verre qu’il tenait.

- Je devrais demander du champagne pour mon dernier verre avant de monter sur le gibet. Rappelle à ces dames qu’en tant que pair du royaume j’ai droit à un noeud coulant en soie.

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- Tu as réussi à calmer la tempête mieux que je ne l’aurais cru possible. Rejoignons ces dames. Amanda ne me pardonnera jamais de la laisser seule avec elles.

- Je trouve plus sage de les laisser papoter.

Gabriel n’en était pas du tout persuadé, mais il capitula.

- Dans ce cas, trouvons de quoi nous occuper un instant. Assieds-toi et dis-moi comment va ton fils.

- Les bébés t’ennuient.

- Pas du tout, je t’assure. Raconte-moi tout. Il a quoi, un mois ? A-t-il déjà commencé à parler ?

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Il avait traîné Stratton dans cette salle de jeu à la demande de son épouse.

Je vous en conjure, emmenez-le loin de la maison pour la soirée, disait son message. Enlevez-le si nécessaire. Sa sollicitude permanente me rend folle.

- Si jamais elle a besoin de moi…

- Elle a juste besoin de quelques heures de tranquillité.

- Je refuse de croire qu’elle t’ait dit une chose pareille. Je ne manquerai pas de l’interroger et si tu as menti, histoire de tromper ton ennui en ma compagnie…

- La paternité t’a-t-elle rendu idiot ? Elle ne voulait pas que tu le saches. Et tu aurais préféré ne rien savoir, mais il a fallu que tu me harcèles jusqu’à ce que je cède. C’est une confidence entre amis et tu m’as juré le secret.

- Je n’ai rien juré du tout.

- Alors fais-le maintenant, afin que je ne coure pas le risque qu’elle se fâche contre moi. Elle m’intimide, pour être franc. J’ai une liste de gens que je ne voudrais jamais avoir comme ennemis, et son nom figure en bonne place.

Stratton fut obligé de rire.

- Sur la mienne aussi, je l’avoue.

- Alors jure. C’est le meilleur moyen de ne pas nous la mettre à dos.

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Amanda s’efforça de rester calme en façade, mais le choc la tétanisait presque. La terreur d’être découverte se mêlait au bonheur de le revoir.

Comme il était élégant, dans sa redingote noire avec sa cravate d’un blanc immaculé ! Le duc était aussi beau et envoûtant que l’aurait été le diable s’il s’était matérialisé devant elle sous forme humaine.

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Le duc de Langford se dressait de toute sa taille dans le clair-obscur. Moitié homme, moitié ombre. Et très viril.

Elle l’avait contrarié. C’était une erreur de l’avoir traité avec condescendance.

Il lui fallait partir au plus vite. Si elle n’y prêtait garde, elle allait se laisser envoûter par l’atmosphère chaleureuse de la bibliothèque, et l’intimité née de la pénombre n’arrangeait rien. C’était comme parler à un ami. Ou badiner avec un amant.

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Jamais Amanda n’aurait imaginé que se jeter au cou d’un homme serait une tâche aussi ardue. Par malheur, lord Harold appartenait à la catégorie des grands timides. Il alignait à peine deux mots à la suite et évitait son regard. Pourtant, elle avait la certitude d’être capable de tourner la situation à son avantage.

Jusqu’à présent, elle n’avait guère fait usage de subtilité, mais elle n’avait pas le choix. Le moment était venu de jouer ses dernières cartes. Peut-être que si elle en appelait à sa nature protectrice… Même les hommes les plus réservés rêvaient d’être un preux chevalier volant au secours d’une princesse.

— Il fait plutôt chaud ici, ne trouvez-vous pas ?

Elle agita son éventail près de son visage afin de capturer son attention.

— Extrêmement chaud, même, je dirais, insista-t-elle avec un sourire d’une adorable pruderie.

Lord Harold dardait des regards nerveux à droite et à gauche au-dessus de sa tête.

— Je me sens un peu mal, j’en ai peur…

Elle lui adressa un regard implorant par-dessus le bord de son éventail.

Il resta de marbre.

Pour un effet optimal, elle feignit de chanceler légèrement vers lui.

— Oh, mon Dieu ! lâcha-t-elle dans un souffle. J’ai vraiment peur de m’effondrer sans connaissance à vos pieds, avec cette chaleur.

Elle prit l’excuse d’une profonde inspiration pour porter la main à sa gorge, cherchant à attirer l’attention sur le renflement de ses seins perchés au-dessus du décolleté indécent.

Les efforts d’Amanda furent enfin récompensés. Lord Harold s’empourpra jusqu’aux oreilles. Dans ses yeux, elle ne lut ni surprise, ni choc, ni même de l’effarement. Non, la seule émotion que trahissait son visage était la terreur. Une terreur pure.

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