Extraits

au cas peu probable où un jour j'ai une fille, je souhaitais bien du courage à tout homme qui oserait la regarder d'un drôle d'air

Une fois que notre famille avait débarqué, nous quittâmes le port pendant qu’ils nous acclamaient sur la jetée.

Quand on ne les entendit plus, j’attirai Emilia contre moi et je l’embrassai doucement. L’excitation familière titilla ma conscience. Mais cette fois, ce fut plus net que d’habitude. Au lieu d’embrasser une femme qui m’attirait fortement, ou ma petite amie, ou même ma fiancée… j’embrassais ma femme.

L’appeler ainsi, même dans ma tête, augmentait cette sensation exaltante, la transformait en décharges électriques. C’était plus que de l’attirance physique, plus que de l’excitation sexuelle. J’étais sur un petit nuage et tellement chanceux que cette femme, cette incroyable, forte, magnifique et brillante femme, m’ait choisi pour être l’homme qui resterait auprès d’elle pour le restant de nos vies.

Nous avions payé le prix fort pour arriver à ce moment. Mais être là avec elle, regarder ce diamant étincelant dans la lumière du soleil sur sa main gauche, savoir que c’était ma bague qu’elle portait, mon nom qu’elle avait, moi qu’elle avait choisi… être là à ce moment précis après tout cela valait toutes les peines que nous avions vécues pour y arriver.

Et j’étais certain qu’il n’existait pas d’homme plus heureux sur cette planète à ce moment précis que moi.

Elle m’embrassa elle aussi, avec autant d’enthousiasme que moi. Et lorsqu’elle leva les yeux, l’amour pur que je ressentais se refléta également dedans.

Un des moments importants du mariage, c’est lorsque le futur époux se tourne et pose pour la première fois le regard sur la mariée dans sa robe. Il y a des clips et des montages partout sur internet montrant ce moment dans différents mariages. Certains mariés n’affichent aucune émotion, seulement un léger changement dans leurs yeux. D’autres sont submergés par l’émotion, pleurant au point de se plier en deux.

Adam se trouvait quelque part au milieu de ces deux extrêmes. Il montra son émotion, mais il ne pleura pas. Il ressemblait plus à quelqu’un qui venait de prendre un coup violent dans le ventre avec une batte en métal de taille moyenne. C’était comme s’il retenait sa respiration alors que tout son corps avait besoin d’oxygène.

Moi ? Je pleurai vraiment. Le maquillage qui ne coulait pas était mon ami.

Encore une fois, cela revenait au problème de mon besoin de contrôle et j’y avais réfléchi durant les moments tranquilles de mon vol en avion, en me rendant compte de ce que j’avais fait. J’avais presque raté mon propre mariage. À cause d’un problème de serveur. Parce que je ne pouvais pas arrêter une fois que le problème principal avait été résolu.

Parce que j’avais des problèmes de contrôle. Il fallait vraiment que je me réveille avant de perdre ce que j’aimais le plus. Je remerciais toutes les divinités du ciel qu’elle soit assez patiente pour me supporter aussi longtemps.

À partir du lendemain, j’allais devenir son mari et j’allais entreprendre des changements majeurs. J’allais avoir des priorités, bon sang. Et je ne lui referais jamais une chose pareille.

Considère ce ‘contrat prénuptial personnel’ comme mon Manifeste du Mari, pour utiliser tes termes. Dois-je commencer par une liste de toutes les injustices maritales commises contre les épouses depuis des temps immémoriaux, ou puis-je simplement commencer par nous ?

Je vote pour nous. Parce que c’est la seule chose en mon pouvoir, et bien que je ne puisse pas prévoir l’avenir, je sais qu’avec toi à mes côtés chaque joie semblera plus forte, plus colorée et chaque déception sera plus émoussée, plus distante.

J’ai fait des erreurs dans le passé et elles ont été douloureuses pour nous deux, mais je reste philosophe et je les appelle des ‘moments d’apprentissage’ au lieu d’erreurs. Car j’ai appris de mes erreurs, Emilia. Et je te promets…

Je te promets de ne jamais prendre les vœux que je te fais à la légère.

Je te promets d’être franc avec toi quand j’ai l’impression que nous pourrions avoir un problème, même léger.

Je te promets de t’écouter quand tu viens me voir avec un problème.

Je te promets de faire des compromis .

Je te promets de chérir les moments que nous passons ensemble.

— Je suppose donc que tu as aimé le mot ?

Elle rit.

— Tu es le roi des euphémismes.

— Je suis un crétin arrogant la plupart du temps. Je ne sais pas comment tu me supportes.

Elle se hissa sur la pointe des pieds et elle m’embrassa, mais elle ne daigna pas répondre à ma remarque. J’hésitai, puis je caressai son dos.

— Je veux que tu saches que je suis sérieux à propos de tout ça. À propos de notre ‘pour toujours’.

— Je me suis demandée à quel moment tu ressentirais le besoin de trouver ton gros projet suivant.

Je levai un sourcil. Elle n’était même pas surprise par cette nouvelle. Pourquoi avais-je l’impression que, de bien des façons, Emilia me connaissait mieux que je ne me connaissais moi-même ? Je levai doucement sa main jusqu’à mes lèvres et je l’embrassai.

Elle se prépara à aller au lit peu de temps après et elle s’endormit en quelques minutes. Même si j’étais presque étouffé par une épaisse couche d’épuisement, je ne pus pas m’endormir. Je restai éveillé dans l’obscurité à regarder le plafond, me sentant furieux contre l’impuissance vis-à-vis de ma santé, de mon entreprise, de mon avenir. J’étais effectivement accroché au bord d’une falaise. Et de plusieurs façons différentes. Cela ne fit que me donner un autre mal de tête.

Vie. De. Merde.