Extraits

Marie s’éveilla en sursaut, ouvrant les yeux d’un seul coup dans l’obscurité. Un instant plus tôt, elle était encore en train de hurler et de frapper des deux poings contre la porte d’une cave, au fin fond des sous-sols de l’Opéra. Mais ses efforts restaient vains : personne – pas même elle – n’entendait ses cris, personne ne réagissait. Quelques étages plus haut, on donnait un magnifique ballet sur la grande scène et les spectateurs, fascinés, admiraient avec dévotion les mouvements d’un couple de danseurs étoiles. C’était si beau qu’à la fin, quand le duo se figeait dans sa pose ultime, personne n’osait plus respirer. Quelques fractions de seconde plus tard, un frisson parcourait la salle, depuis les premiers fauteuils d’orchestre jusqu’aux rangs les plus élevés. Des applaudissements à tout rompre déferlaient alors, tel un immense raz-de-marée. L’ensemble du corps de ballet revenait entourer les solistes qui, souriant de bonheur, faisaient leurs dernières révérences. Grisés par l’émotion, les spectateurs se levaient soudain comme un seul homme pour battre des mains de plus belle. Des bouquets de roses et de lys atterrissaient sur la scène. Au milieu d’un tel brouhaha, il n’y avait vraiment personne pour prêter la moindre attention au drame qui se jouait dans les sous-sols. Personne ne s’en rendait compte, si bien que la pauvre Marie finissait écroulée à terre, anéantie par le désespoir et totalement aphone…