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Cher papa,
Difficile de commencer une lettre pour un inconnu qui n’en est pas vraiment un. J’ai mis une heure avant de me décider pour le « cher papa »… Pourtant, il faut bien que je me jette à l’eau. Si tu me voyais en maillot, tu comprendrais pourquoi cette expression me fait grimacer.
Cher papa donc…
Oui. Tu as bien lu ces quatre lettres : PAPA. Ce doit être un choc pour toi que je t’appelle comme ça puisque tu ne m’as jamais entendue prononcer ce mot.
Évidemment ! Tu n’as même pas attendu que je sois née avant de t’enfuir ! Du moins c’est ce que maman affirme. Mais elle dit tellement de choses différentes sur toi que je ne sais plus ce qui est vrai ou faux.
En réalité, tu es peut-être resté quelques mois, juste le temps de voir ma tête. Ensuite, tu es parti car la vie à trois, ce n’était pas ton truc… À moins que tu attendes que je sois devenue presque adulte pour me rencontrer ?
Moi, j’ai envie d’y croire. Même si maman répète que tu n’es qu’un lâche qui a pris ses jambes à son cou juste avant ma naissance. C’est comme ça qu’elle parle quand elle est en colère.
Et elle est souvent en colère !
Treize ans que tu es parti. Treize ans pendant lesquels j’ai grandi sans père.
Je ne me souviens pas que tu m’aies vraiment manqué quand j’étais petite. Il y a eu une longue période pleine de « beaux-papas ». Maman n’aimait pas trop être seule… Je me rappelle vaguement quelques visages masculins. Mais parmi eux, aucun dont j’ai envie de me souvenir. Ils sont partis, les uns après les autres.
Je crois que c’est vers dix ans que j’ai commencé à penser à toi de plus en plus. C’est aussi la période où ma silhouette a complètement changé… Dans la rue, j’essayais de deviner à quel homme tu pouvais ressembler. Je me demandais où tu habitais, ce que tu faisais de ta vie. J’ai questionné maman, bien sûr. Mais de ce côté-là, c’était le silence ou les cris.
Alors je me suis construit mon propre père. Comme un kit à monter avec plein de pièces qui manquent.
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