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- Je veux ton talent.
C'est à mon tour de m'étrangler de rire.
- Je n'ai aucun talent !
Elle penche la tête, ses yeux noirs plus perçants que jamais.
- Tu écris.
[...]
- Si jamais ça ne te convient pas, conclut-elle, on revient à la case départ. Je reprends Johan et tu récupères ton talent.
Je serre les dents pour ne pas céder. L'écriture contre l'amour. C'est absurde. Ça n'a rien d'équitable. On peut se passer d'écrire, pas d'amour. J'ai Johan au bout des doigts.
Le visage de Niilam entouré de boucles rousse est lisse. On lui donnerait le bon Dieu sans confession, aurait pu dire Elodie.
Je sais parfaitement ce que je ne dois pas faire. Je ne dois pas la regarder. Elle est vraiment belle aujourd'hui. Je ne dois pas la regarder. Je ne dois pas écouter les mots brillants, veloutés, sur le tapis rouge de sa bouche. Je ne dois pas lui tendre la main et dire :
- J'accepte.
Je le sais parfaitement. Et pourtant... je le fais.
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INSPIRE...
J'ouvre la porte d'entrée. Ça me tombe dessus, sans prévenir. D'habitude, lorsque je rentre du lycée, c'est le silence qui m'accueille. C'est tellement surprenant que je reste pétrifiée. Le cartable finit de s'avachir par terre, la veste en suspens, à mi-parcours du portemanteau.
Ça vient du premier étage. Ça vient de la chambre de Mathieu. Ça dégringole l'escalier sans se soucier des marches. Ça prend de la place jusqu'à dilater l'espace. Ça vient s'enrouler autour de moi. Ça vient m'écraser de caresses. Ça vient jusque sous ma peau. Sans prévenir.
J'écoute. C'est une musique du genre «Love song», en plus râpeux. La voix, funambule, danse sur la corde raide d'un piano. La batterie murmure. Et lorsque la mélodie s'envole, c'est comme un coup de foudre. Elle m'aspire dans un tourbillon de violon. J'ai alors une vision, un flash. Johan s'approche de moi, si près que son nez touche le mien. Il me prend la main et m'attire dans un slow. La voix répète le refrain. Le piano-chair de poule court toujours au lointain, puis s'éloigne et s'éteint. La vision de Johan disparaît avec la musique. Le silence. Le vide. Je n'ose pas bouger. J'espère que ce petit miracle va recommencer. La musique retentira de nouveau et provoquera la délicieuse vision de Johan m'invitant à danser. J'attends.
Assise au bas de l'escalier, retenant mon souffle, j'attends.
Impatiente.
Tremblante.
Comme une junkie en manque.
Je me dis que Mathieu va encore écouter la chanson. Il doit réécouter cette chanson. Aussi fort que la première fois. Le silence se prolonge. Longtemps. Trop longtemps. Je me rue à l'étage, vers la chambre de Mathieu, et tambourine à sa porte. Je dois être ridicule à cogner du poing comme ça mais je ne peux faire autrement. Je supplie à travers la porte fermée :
- Mathieu, s'il te plaît, ouvre !
Pas de réponse. On se parle rarement tous les deux. Mathieu et moi, on ne s'est pas choisis. Son père est tombé amoureux de ma mère. Nous n'avons rien en commun, aucun gène, aucune goutte de sang. Et pourtant, la nature fait étrangement les choses. Physiquement, nous nous ressemblons. Nous avons le même ovale du visage. Nos yeux sont du même noir, nos cheveux sont pareillement épais et sombres. Cette ressemblance a agi comme les pôles négatifs de deux aimants. À la minute où nous avons été présentés, nous avons pris nos distances. Ma mère et Ivan, son père, continuent, eux, de s'extasier les rares fois où nous sommes côte à côte.
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