Extraits

- Promettez-moi de ne plus vous enfuir et de ne plus me laisser seul. Même Robinson Crusoé avait Vendredi avec lui.

Puis, s'agenouillant sur le sol à côté de la jeune fille toujours inanimée, il commença à la dévêtir. Les lèvres serrées, il songea que c'était bien la première fois qu'il déshabillerait une femme inconsciente.

Son corps de jeune fille ne pesait rien contre lui. Il sentait l'humidité et la tiédeur de son corps pénétrer peu à peu le velours de sa robe de chambre. Il gravit les marches, laissant derrière lui la trace humide de ses pas.

Un souvenir d'enfance lui revint en mémoire. Petite fille, elle avait un jour été terrifiée par un violent orage. Son père l'avait trouvée couchée à plat ventre sous son lit, les mains plaquées sur les oreilles pour ne pas entendre le bruit du tonnerre. Il l'avait prise dans ses bras et elle avait murmuré dans son cou :

- Il y a un gros ogre qui veut me dévorer !...

- Mais non, ma petite chérie, l'avait-il rassurée en riant. Personne ne veut te manger. Ce sont les nuages qui sont de vilains garnements. Ils font du bruit en se tapant dessus.

- A Dieu ne plaise ! Plutôt embrasser Satan ! s'exclama-t-il. Je vous détestais, Isobel, pour ce que vous m'avez fait lorsque je vous aimais. A présent, je vous méprise autant que je regrette d'avoir pu un jour vous être attaché comme je l'ai été.

Je crois à cette sorte de magie blanche que pratique mon amie en plongeant glands et feuilles de chêne dans un bain d'or. Lorsqu'elle était petite, au Canada, la sorcière que tout le monde connaissait pour sa bonté et sa gentillesse se mourait.

- Je vais te transmettre mes pouvoirs, dit-elle à mon amie.

- Mais je n'en veux pas ! protesta l'enfant.

- Tu ne peux refuser, répliqua la mourante.

A présent, lorsqu'elle s'occupe de quelqu'un qu'elle aime, la magie ne manque jamais d'être au rendez-vous. En ce qui me concerne, j'ai toujours cru aux propos d'Hamlet, dans la pièce de Shakespeare : " Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en peut rêver votre philosophie."

Le chêne est toujours là et, dans la région, il a la réputation de porter bonheur.

- La légende veut que Sa Majesté ait prononcé ces paroles :

« Vous m'avez porté chance, Dallwyn, c'est pourquoi je plante cet arbre qui, j'espère, vous portera chance à vous et à quiconque viendra trouver refuge auprès de lui. »

Elle savait qu’elle serait triste de se promener dans la roseraie et sur les vertes pelouses, sans la compagnie de sa mère. Lorsqu’elle était tout enfant, sa mère l’emmenait chaque jour au jardin et lui racontait des histoires de fleurs, d’herbes, d’oiseaux et de papillons. Ce lieu enchanteur occupait une place de choix dans les rêves de Safina. Durant les années qu’elle avait passées à Florence, elle avait souvent pensé à ce cadre magique. Lorsqu’elle se sentait seule, la nuit, elle s’imaginait s’y promenant. Elle en sentait les parfums et pouvait entendre le chant des oiseaux. Ce sera bientôt vrai, se dit-elle. Mais ce ne sera plus pareil parce que maman n’est plus là.

C’est alors qu’elle se souvint de l’existence de sa belle-mère. Dès que son père s’était remarié, elle avait compris que sa nouvelle femme la détestait. Ses yeux exprimaient son ressentiment, tout comme le ton dur de sa voix quand elle s’adressait

à elle.

Lorsqu’elle avait appris que son père allait épouser une femme beaucoup plus jeune que lui,

Safina avait d’abord pensé que ce serait peut-être amusant. Avec une jeune belle-mère, on peut rire et s’amuser. Elle avait vaguement espéré que cela atténuerait le chagrin que lui avait causé la disparition de sa mère et qu’elle se sentirait moins seule.

Elle avait bien vite perdu ses illusions. Isobel avait rapidement dévoilé ses intentions :

dès que le mariage serait célébré, elle entendait que sa belle-fille disparaisse de son horizon.