Extraits

1889

— Père, je voudrais retourner en Angleterre !

Robert de Malton leva les yeux au-dessus de son journal. En voyant sa fille se tenir devant lui, un tendre sourire lui vint aux lèvres. Georgina était si jolie avec ses boucles dorées, ses grands yeux d’un bleu intense et son visage à l’ovale parfait !

Mais ce matin-là, les prunelles de Georgina avaient la couleur de l’orage, ses joues étaient cramoisies et un pli vertical creusait son front. Robert de Malton comprit tout de suite qu’il y avait de la rébellion dans l’air…

— Ah, bon ? Tu voudrais retourner en Angleterre… Et pourquoi donc ?

— Vous ne le devinez pas ?

Le sourire de Robert de Malton devint sarcastique.

— Je suppose que le prince Haldenhof t’a demandée en mariage ?

— Exactement.

Robert de Malton hocha la tête.

— Je m’y attendais plus ou moins… Il était évident qu’il ne pensait qu’à cela !

— Il paraissait plus sincère que les autres… murmura la jeune fille d’un ton plein de regret.

— Tu veux dire que c’était un meilleur comédien ? demanda Robert de Malton avec un rire sardonique.

— Je ne l’avais pas encore compris…

Georgina contempla le bout de ses bottines en fin chevreau.

— Vous venez de dire que vous vous attendiez à ce qu’il me déclare sa flamme… Moi aussi, je voyais cela venir.

Elle pinça les lèvres.

— Et parce qu’il a un titre, il était persuadé que j’allais tout de suite accepter !

— Que lui as-tu répondu ?

— Ce que vous m’avez conseillé de répondre, dans un cas pareil.

Avec mépris, elle poursuivit :

— Je n’ai jamais vu un homme se ratatiner aussi vite. S’il avait pu se cacher dans un trou de souris, il l’aurait fait, j’en suis sûre ! D’ailleurs, il a saisi le premier prétexte venu pour s’éclipser.

Margie l'embrassa de nouveau.

- Merci. Et du fond du coeur, bienvenue dans la famille !