Extraits

« L'ennui est un danger que l'on a tendance à sous-estimer. C'est pourtant un ennemi des plus vicieux, car sous ses airs innocents, il travaille à vous rendre négligent. »

« Le temps est un compagnon qui ne pardonne pas.  »

— Rien n’a changé, hier comme aujourd’hui. Vous ne cherchez pas à me protéger, vous ne cherchez le pardon que pour votre propre confort. Je ne vous pardonnerai jamais ! Jamais ! Vous avez détruit le peu de bonheur qu’il me restait... Il n’y a plus rien pour moi ici, à présent.

Une nouvelle dispute éclata entre Ruoyan et moi pas moins d’une semaine plus tard. Au fond, je crois qu’il était presque rassurant de voir que nous avions toujours des sujets de désaccords.

Lorsque je fis mon entrée dans la salle, les yeux rivés au sol, toutes les voix se turent instantanément. Mes cheveux avaient été artistiquement arrangés dans un chignon gigantesque et les flammes des lanternes devaient les nimber en cet instant même d’un halo doré. Nul n’aurait pu douter une seconde de mon identité.

Deux jours. C'est le temps qu'il lui fallut pour se procurer un parterre de ces fleurs qui ressemblaient aux plantes de mon enfance, et les faire installer dans le plus grand secret au pied du Pavillon aux Poissons.

La chaleur écrasante de l’été finit par se dissiper sous la caresse des vents du nord. Les feuilles virèrent à l’or, puis au brun, avant de s’envoler les unes après les autres dans une danse hypnotique qui dénuda les arbres de notre refuge. Les premiers flocons, enfin, firent leur apparition.

Et toujours, nous nous entraînions.

— Jeune fille, vous avez voyagé plus loin que nous toutes réunies. Je ne doute pas que si l’une de nous a l’occasion un jour de reprendre la route et de voir ce fameux paradis, ce sera vous. Il y a quelque chose en vous, un excès de Yang peut-être, comme si le vent lui-même cherchait à vous pousser sur les chemins. Vous ne passerez pas votre vie entre ces murs.

Quelle étrange prédiction, et ô combien vraie elle se révéla être.

Je pris conscience ce jour-là du fait que les mots n’étaient qu’une façade et que la façon dont une personne les prononçait en disait bien plus que leur contenu. Une découverte capitale pour survivre dans un pays où votre pire ennemi peut être celui qui sourit tendrement à vos côtés.

— Mais m’abandonner ? N’y pense même pas. Je t’aurais suivie ce jour-là, tout comme je te suivrais aujourd’hui si tu décidais de marcher droit devant nous jusqu’à ce que nous soyons perdues dans les collines et qu’on ne nous retrouve jamais.