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Invisible et rusée, la Maladie se glisse dans les corps, à travers l'air, à travers l'eau ou à travers le contact des hommes et des animaux ; ou bien encore - et là Marta me lança un regard inquiétant - à travers des yeux noirs, cernant un nez crochu. De tels yeux, qu'on appelait les yeux de Bohémiens ou de sorcière, étaient capables de transmettre les infirmités, la peste ou la mort. C'est pour cela qu'elle m'interdisait de la regarder droit dans les yeux, et même de regarder en face les animaux de la ferme. Elle m'avait ordonné de cracher trois fois et de me signer, s'il m'arrivait, par malheur, de le faire.
Afficher en entierLes villageoises en furie maintenaient Ludmila clouée au sol. Elles s'étaient assises sur ses bras et sur ses jambes. Elles la frappaient à coups de râteau, lui lacéraient la peau du ventre de leurs ongles, lui arrachaient les cheveux, lui crachaient au visage. Lekh tenta d'intervenir mais elles le repoussèrent brutalement et l'assommèrent à demi avec les manches de leurs râteaux. Plusieurs d'entre elles le retournèrent sur le dos et le piétinèrent. Après quoi elles tuèrent le chien à coups de bêche. Les bergers, assis tranquillement sur le mur, contemplaient le massacre.
Afficher en entier"Une nuit, j'entendis des bruits insolites. Je collai mon oeil contre un trou dans les planches et je vis Anton qui conduisait le bouc vers la chambre de son père, où brulait une petite lampe à pétrole. [...] Bientôt, Ewka rentra dans la chambre de son père, drapée dans une couverure. Makar s'approcha du bouc et l'excita en lui caressant longuement le bas-ventre avec des rameaux de bouleau. Puis il obligea l'animal à se dresser sur ses pattes de derrière en prenant appui sur une étagère. Ewka se débarrassa de la couverture, et je vis avec horreur qu'elle était nue. Elle se glissa sous le bouc, et l'étreignit comme elle eût fait d'un homme. Après un moment, Makar l'écarta et se reprit à exciter l'animal. Puis il laissa à nouveau sa fille s'accoupler furieusement avec le bouc, pivotant autour de lui, le serrant contre elle et s'enfonçant en lui."
Afficher en entier"Mais l'invention d'une mèche susceptible d'insuffler à un morceau de plastic inerte un pouvoir destructeur fantastique était bien au-dessus des capacités du plus astucieux des fermiers. [...] Je m'endormis en rêvant à toutes les inventions que j'eusse aimé faire. Par exemple, une mèche pour le corps humain, qui, en s'allumant, changerait la couleur de sa peau, de ses yeux et de sa chevelure ; une mèche qui , placée dans un tas de pierre, construrait d'un seul coup une masion plus belle que toutes celles du village ; une mèche qui protégerait chacun du mauvais oeil. Ainsi personne ne me craindrait plus et ma vie deviendrait plus facile et plus heureuse."
Afficher en entierLe fait que j'eusse survécu était uniquement dû à la chance, et j'avais toujours été vivement conscient de ce que des centaines de milliers d'autres enfants avaient été condamnés. Mais bien que je fusse profondément affecté par cette injustice, je ne me voyais pas colporteur de culpabilité personnelle et de réminiscences privées, ni chroniqueur du malheur qui été arrivé à mon peuple et à ma génération, mais uniquement conteur. [...]
Parce que je me considérais uniquement comme un conteur, la première édition de L'Oiseau bariolé ne contenait qu'un minimum d'informations sur moi et je refusai d'accorder la moindre interview. Pourtant cette position même créa un conflit. [...] Des faits concernant ma vie et mes origines ne devaient pas, tel était mon sentiment, servir à tester l'authenticité du livre, pas plus qu'à encourager les lecteurs à lire L'Oiseau bariolé. En outre, je pensais alors, comme maintenant, que la fiction et l'autobiographie sont des genres très différents. [...] Je restai déterminé à ce que la vie du roman fût indépendante de la mienne."
Afficher en entierChacun porte en soi sa propre guerre, qu’il doit assumer, gagner ou perdre, tout seul, selon sa justice personnelle.
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