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Sonatine, p. 47
« Je n'ai pas besoin de lunettes, sauf pour lire, mais à partir d'un certain âge, on vous en colle d'office sur le nez. Ça fait partie de l'uniforme. Sinon, comment les gens peuvent-ils deviner qu'ils ont affaire à une petite vieille ? Ce n'est qu'avec ces accessoires qu'on sait vous différencier de ceux qui ont le bon goût d'avoir moins de 70 ans. La canne, le dentier, le sonotone, les lunettes. J'ai toute la panoplie.»
Afficher en entierSonatine, p. 17
« Qu'est-ce que je suis venue acheter, au fait ? Les étagères surchargées me toisent tandis que j'arpente les rayons, et le linoléum bleu et blanc m'observe d'en bas, de son regard craquelé de saleté. Mon panier est vide, mais je crois que cela fait déjà un bout de temps que je suis là. Reg m'observe. J'attrape quelque chose. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit si lourd, et l'objet tire brusquement mon bras vers le sol. C'est une boîte de conserve, des pêches au sirop. Ça fera l'affaire. J'en mets plusieurs dans mon panier et je cale les anses au creux de mon coude avant de me diriger vers le comptoir. Les fines barres en métal frottent contre ma hanche.
- Vous êtes sûre que c'est ça que vous êtes venue cherche ? me demande Reg. Vous avez déjà acheté beaucoup de pêches au sirop hier.
Je baisse les yeux vers mon panier. Est-ce qu'il dit vrai ? Est-ce que j'ai déjà acheté tout ça hier ? Il toussote, et je vois apparaître une lueur d'amusement dans son regard.
- Certaine, merci, dis-je fermement. Et je peux bien m'acheter des pêches au sirop si j'en ai envie.»
Afficher en entierSonatine, p. 12
« Ma fille fait comme Carla. Elle examine mes placard dès qu'elle en a l'occasion, puis elle me dit :
- Arrête d'acheter des conserves, Maman.
Je crois qu'elle nourrit quelqu'un en cachette. Elle emporte la moitié de mes provisions quand elle s'en va, et ensuite elle s'étonne que je retourne faire des courses. Et après tout, ce n'est pas comme s'il me restait beaucoup de plaisirs, dans la vie.»
Afficher en entierSonatine, p. 11
« Quelque chose m'est passé par la tête, il y a un instant, une histoire, mais j'ai déjà perdu le fil. Il était une fois, est-ce que c'est comme ça que ça commençait ? Il était une fois, dans une immense forêt sombre, une très vieille femme appelée Maud. Impossible de retrouver la suite. Elle attend que sa fille vienne lui rendre visite, je crois. Quel dommage que je ne vive pas dans une chaumière au fond d'une forêt sombre. Ça me plairait. Et ma petite fille m'apporterait à manger dans un panier.»
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