Extrait

DES FILS ÉLECTRIQUES pendent du plafond noyés dans des fissures qui ont l’apparence de saignées, elle prend. Les murs noircis de crasse et de salpêtre suintent d’humidité, elle prend. L’évier dans un coin, son émail à demi-rongé d’éclats qui font comme des éclaboussures d’encre, un dessin dézingué, elle prend. Le parquet s’effondre, ses lattes dégondées par la vermine, elle prend. La vitrine, le carreau fendu sur toute la largeur en diagonale, laisse à peine entrer une clarté glauque, égoïste, elle prend.

Elle a juste hoché la tête, l’a stoppé net dans ses explications. Il lui tend les papiers, dérouté. Il avait autre chose à lui proposer, un planning de visites. Des biens plus centraux, plus conviviaux. Il y a travaillé toute la semaine. Elle a à peine jeté un coup d’œil sur ses propositions. Elle a voulu voir ce local en premier.

Maintenant, elle écrit sa détermination. Sur une feuille cornée, un peu sale, qu’elle a appuyée sur son genou. La masse de ses longs cheveux retombe. Une échassière, c’est l’image qui lui vient à l’esprit. Prise dans une nasse, qui lutte, debout, sur une seule patte, d’une hauteur interminable. Elle s’applique. Elle signe. Elle n’a jamais signé de papiers officiels. Elle ne l’entend pas évaluer le montant des travaux. Ne résonne que cette phrase au creux de ses tempes : Elle prend. La rue encombrée, boueuse, un boyau qui dégorge sur une place étriquée et le clocher au loin, triangle millénaire qui défie les ruades de l’averse, l’orage qui monte, la crasse, l’atmosphère sordide, la puanteur, la tristesse qui ne l’effraie plus, cette solitude qui la soulage.

Elle prend tout.