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- Tu veux dire que nous inventons les gens que nous connaissons ? C'est con.
- Mais c'est peut-être vrai. Peut-être que nous nous inventons nous-mêmes. En nous faisant paraître ce que nous voulons être.
Afficher en entier... l'imbécillité humaine croît à proportion du cube de la quantité de gens concentrés en un même milieu pour une activité commune.
Afficher en entier- J'en rêve, de ça. C'est comme être à l'intérieur d'une bulle invisible, ou un champ de force. Et qui pourrait m'emporter n'importe où, absolument n'importe où en une fraction de seconde. C'est bizarre. Je sais que je me déplace mais c'est sans le moindre effort, sans bruit, sans vibration. Rien du tout. C'est une sensation merveilleuse. Je ne voudrais plus rien faire d'autre que d'être à l'intérieur de cette bulle d'énergie. Une fois pour toutes. À jamais.
...
"Et je vais te dire autre chose, reprit-il. Le meilleur. Quand je me réveille, j'ai l'impression que ce rêve signifie que ça ne tardera pas à arriver pour de bon. Dans la vraie vie, je veux dire. Ça, ce serait quelque chose !"
Afficher en entier- Vous trouvez que la littérature n'est pas utile, mademoiselle ?
- Tout juste. Pas comme la physique, la chimie, les mathématiques ou la médecine. Le monde a besoin de gens qualifiés dans ces domaines. Les poètes, il peut s'en passer.
- Je n'en suis pas convaincu.
- Ne discutaillez pas.
Un silence réprobateur me parut la meilleure réponse.
Ses yeux se rétrécirent.
- Vous n'envisagez tout de même pas de devenir professeur de lettres, non ?
- Non, mademoiselle.
Soulagement manifeste. Son sourire s'élargit.
- Dieu soit loué...
Afficher en entierJe riais parce que je venais soudain d'être frappé par le caractère infini du temps.
Cette éternité n'était pas faite de minutes, d'heures, de jours et d'années, mais de gens, de vies humaines, les unes à la suite des autres, dans toutes les directions. Des centaines, des milliers, des millions de vies. Elles ne remplissaient pas seulement le temps en longueur, vers le passé et l'avenir, mais aussi en largeur, d'un bord à l'autre du présent. Le temps dans toutes les directions, dans le monde entier, pour toujours, mesuré par des gens.
Afficher en entierDe toute façon, les rares bonnes femmes sortables n'avaient d'yeux que pour quelques super-mâles aux pectoraux gonflables, bronzés comme s'ils habitaient toute l'année dans un four à micro-ondes.
Afficher en entierLes cadavres me foutent la frousse. Ils me font un effet pas possible.
Correction : Un cadavre m'a fait un effet pas possible.
C'est même de ça que je suis en train de vous parler.
C'est-à-dire, à supposer que ça vous intéresse, évidemment. Si ça ne vous dit rien de lire des trucs sur la Mort, et si vous n'avez pas envie de lire l'histoire d'un cadavre que j'ai connu quand il était vivant et si vous n'avez pas envie de savoir les choses qui nous sont arrivées, à lui et à moi, avant qu'il devienne un cadavre, ni comment il est devenu un cadavre, vous n'avez qu'à laisser tomber. Sur-le-champ.
Afficher en entierIl n'est rien de tel que la compagnie d'un ivrogne incontinent quand on n'a pas bu soi-même, pour saisir l'extrême fragilité de l'infime coquille d'amour-propre et de respect humain dont nous nous entourons. Je me mis à me remémorer, pour me réconforter moi-même, les graffiti que j'avais relevés dans les chiottes les plus intelligentes de la ville :
"La réalité est une illusion produite par le manque d'alcool".
Afficher en entier"Voilà quelques mois, notre instructeur religieux, le sanctissime Joe Harrison, nous a lu quelques passages inattendus de la sainte Bible concernant le nommé David (ce petit mec qui a fait sa fête à Goliath avec son lance-pierres) et le nommé Jonathan (fils prodigue du féroce roi Saül). David et Jonathan étaient copains, selon toute apparence, puisqu’il est dit que “l’âme de Jonathan s’attacha à l’âme de David et Jonathan se mit à l’aimer comme lui-même”.
Je ne sais pas si le sanctissime s’est bien rendu compte de ce qu’il faisait, parce que ce n’est pas vraiment le genre de révélation biblique à faire en présence d’une bande de mecs travaillés par la montée de la sève, surtout quand on est aussi puritain et collet monté que ce pauvre cureton et qu’on a, en plus, le malheur d’être complètement désarmé devant les chahuts. La classe entière se réveilla, les cris d’animaux fusèrent et il y eut quelques “bouzour Zonathan!” sussurés avec des minauderies. Mais moi - moi je dressai l’oreille et me mis à écouter de toute mon attention. (...)
Après la classe, j’allai donc trouver le sanctissime pour lui demander la référence. Il a dû croire à une conversion miraculeuse, parce que c’était bien la première fois qu’un élève lui demandait quelque chose. Mais j’ai lu tout ça - 2 Samuel 1,17 et la suite - et j’ai découvert un truc encore bien plus intéressant: David et Jonathan jugeaient leur amitié “plus merveilleuse que l’amour des femmes”, pour reprendre les termes exacts de la Bible.
Non que la Bible s’épuise à fournir les détails. Oh, non, loin de là. D’ailleurs, elle ne le fait jamais. Voilà un bouquin qui regorge d’idées fantastiques, qui n’arrête pas de vous dire ce qu’il faut faire et ne pas faire, mais qui ne prend jamais la peine de vous dire comment le faire, ou comment s’empêcher efficacement de le faire. Je me retrouvais donc en possession de la phrase éblouissante que David prononça sur la mort (LA MORT!) de Jonathan - “Ton amour m’était plus merveilleux que celui des femmes” - , mais je restais sur ma faim quant à sa signification réelle et, surtout, quant à ce qui s’était passé exactement pour donner ce sentiment à David. Mais, bon Dieu, qu’avaient-ils bien pu faire - l’un avec l’autre, l’un à l’autre ?
Une chose était sûre. David et Jonathan étaient l’archétype des amis de coeur. Ca ne faisait pas un pli. Et ça expliquait le double graffiti que j’avais déchiffré quelques jours auparavant sous la jetée: BRIAN AIME JONATHAN, auquel on avait ajouté d’une autre main: DAVID AUSSI, T’AS QU’A LIRE LA BIBLE. Je dois reconnaître qu’il m’est arrivé depuis d’en lire de plus salés..."
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