Extraits

Mais, pour Thomas, le Mauvais Lieu n'était pas simplement l'Enfer. C'était la Mort. L'Enfer était un mauvais lieu, mais la Mort était le Mauvais Lieu. La Mort était un mot qu'on ne pouvait pas voir. La Mort, ce voulais dire que tout s'arrêtait, tout disparaissait, il n'y avait plus de temps, tout était fini, kaput. Comment pouvait-on voir ça ? Une chose n'est pas réelle si on ne pouvait pas la voir. Il ne pouvait pas voir la Mort, ne pouvait pas en voir l'image dans sa tête, pas s'il y pensait comme la plupart des gens semblaient y penser.

Tel est l’un des devoirs les plus sacrés et les plus fondamentaux qu’accomplissent amis et parents : ils entretiennent la flamme du souvenir, afin que la mort ne soit pas synonyme d’anéantissement immédiat ; d’une certaine façon, les défunts survivent à leur mort, du moins tant que vivent leurs êtres chers. Ces souvenirs constituent une arme essentielle contre le chaos de la vie et de la mort, une façon d’édifier une continuité d’une génération à l’autre, une affirmation d’ordre et de sens.

Et il vous a fallu longtemps pour comprendre que votre rêve ne se réalisera jamais, que vous n’arriveriez jamais à leur ressembler, parce que, même si vous étiez normal comparé au reste de votre famille, vous veniez quand même de cette maison maudite, de cette bauge, ce qui faisait de vous un étranger. Peut-être que les autres ne voyaient pas la souillure de votre cœur, ne connaissaient pas la noirceur de vos souvenirs, mais vous la voyiez, vous la connaissiez, et votre horrible famille vous donnait le sentiment d’être indigne de leur compagnie.

Peut-être que nous passons toute notre vie à apprendre à nous connaître nous-mêmes. Et peut-être que nous n’y parvenons jamais complètement.

Et « homme » était-il bien le terme approprié… Ou bien était-il plus juste de se demander quelle chose le pourchassait ?