Extrait

Je lui versai une dose dans mon verre, et le fis glisser sur le comptoir sombre de faux granite. Elle le prit et le leva au-dessus de sa tête en guise de salut avant de l’avaler d’un trait. L’âpreté de l’alcool lui fit plisser le nez, puis elle reposa sèchement le verre sur le comptoir.

— C’est du bon, hein ?

Je ris tandis qu’elle hochait la tête, incapable de parler.

— Tu ne bois pas beaucoup ?

— Pas encore. Verse-m’en un autre.

— Qu’est-ce qui ne va pas aujourd’hui ? Toi non plus tu n’es pas une adepte des mariages ?

Elle secoua la tête et son regard s’abaissa sur la bouteille. Je hochai la tête et lui versai une seconde dose, un peu plus généreuse cette fois. Je fis glisser le verre dans sa direction, et elle le prit, ses doigts glissant sur les miens. Le courant entre nous était indéniable aujourd’hui, et je me raidis, maudissant mon attirance pour elle. Elle n’était pas mon genre. Elle n’était le genre de personne. Elle était repliée sur elle-même et furieuse contre le monde. Elle utilisait son travail pour échapper à l’obligation de vivre sa propre vie et de s’amuser. Je savais également que l’attrait qu’elle ressentait pour moi restait purement physique. Ce qui n’était pas en soi mauvais, sauf qu’elle était notre gérante. Je devais continuellement me le rappeler.

— Tu veux en parler ?

Elle but son verre ; un filet de whisky coula à la fois sur son menton et dans sa gorge. Je pris une serviette en papier et l’essuyai, prenant soin de ne pas gâcher son maquillage.

— Ça fait remonter des souvenirs, c’est tout.