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Liste des extraits
1.
Le lieu du crime
Londres, 1855
Excepté pour se rendre au théâtre ou à leur club, les habitants respectables de la plus grande ville du monde veillaient à être de retour chez eux avant le coucher du soleil, prévu à seize heures cinquante-cinq en ce samedi 3 février, journée particulièrement froide.
Afficher en entierSupprimer les domestiques serait une affaire vite réglée. La véritable satisfaction viendrait ensuite, quand il s’occuperait de leur maître. Tenant sa canne d’une poigne ferme, il poursuivit son œuvre.
Le temps était venu de rafraîchir les mémoires, d’infliger des châtiments.
(Chapitre 1)
Afficher en entierLe dernier membre du quatuor était une ravissante jeune femme d’une vingtaine d’années que l’assemblée observait d’un regard circonspect. Au lieu d’une tenue compliquée au goût du jour, une de ces robes à crinoline encombrée de volants de satin, elle portait une jupe au tombé naturel et en dessous le sous-pantalon affublé du nom de bloomer par les journaux. La forme et le mouvement de ses jambes se distinguaient parfaitement, d’où les têtes qui se retournaient et les chuchotements. Les murmures s’accrurent quand l’un des géants retira ce qui semblait être une casquette de vendeur de journaux pour dévoiler une chevelure rousse. « Un Irlandais ! » put-on entendre ici et là. L’autre colosse arborait une cicatrice au menton, signe qu’il ne valait guère mieux.
Afficher en entierÀ l’ère victorienne, le deuil était rigoureux. La veuve, les enfants et les proches étaient tenus de s’habiller en noir et ne devaient pas paraître en public pendant des mois, et même un an et un jour au minimum dans le cas de l’épouse. Agnes n’en revenait donc pas de ce qu’elle avait sous les yeux. Les fidèles ébahis s’écartaient pour laisser passer un homme aux traits sévères et tirés, vêtu d’une redingote, d’un gilet et d’un pantalon on ne peut plus noirs. On pouvait difficilement faire plus sombre que la gent masculine présente dans l’église, étant donné que la reine Victoria et le prince Albert désapprouvaient tout autre coloris que le noir, le bleu marine et le gris foncé. Pourtant, comparées à celle de l’inconnu, les tenues de ces messieurs paraissaient festives. Il portait en outre des gants noirs et tenait un haut-de-forme agrémenté d’un crêpe. Un homme en grand deuil ne paraissait quasiment jamais en public, hormis à l’office funèbre pour le ou la disparue. Une telle mise ne pouvait manquer d’attirer l’attention à l’office dominical.
Afficher en entier— J’ignore tout de la médecine brunonienne.
— Son principe est que les médecins inventent une médecine compliquée pour faire croire aux patients qu’ils sont plus savants qu’eux.
— Les avocats et les politiciens ne sont pas moins doués que les médecins pour se faire valoir ! Enfin des paroles sensées, De Quincey !
(Journal d'Emily)
Afficher en entierQuand j’ai fait leur connaissance il y a un mois et demi, ils soupçonnaient Père d’être un assassin et m’étaient donc, à l’évidence, peu sympathiques. Puis nous avons combattu à quatre les dangers qui nous menaçaient ainsi que Londres elle-même, et je me suis attachée à ces deux policiers, quoique de manière différente pour l’un et l’autre.
Âgé de vingt-cinq ans, Joseph n’a que quatre ans de plus que moi. La jeunesse que nous avons en commun crée naturellement un lien et je dois avouer que je le trouve séduisant. Sean, pour sa part, a déjà quarante ans, soit le double de mon âge. Il devrait normalement en résulter une distance, mais j’apprécie son expérience et sa confiance en lui. Je devine une vague compétition entre eux, mais aucun de nous trois ne se permettrait d’aborder le sujet et les choses semblaient devoir en rester là, car c’était le dernier dimanche matin que nous passions ensemble, à l’église comme il se doit, où nous pourrions exprimer notre gratitude d’être en vie et de partager une si belle amitié.
(Journal d'Emily)
Afficher en entier— Qu’y a-t-il à côté ?
— La femme en deuil.
— Morte ?
— Oui.
— Serait-elle tombée, se heurtant la tête ? Un accident fâcheux ?
— Je crains que ce ne soit pire que ça.
Une autre jeune femme l’aurait assailli de questions – A-t-elle été assassinée ? Comment ? Pourquoi y a-t-il tant de sang ? Allons-nous tous mourir ? –, mais Emily se contenta d’apprécier posément les implications de la réponse de Becker, et avec un hochement de tête résolu, elle dit :
— Agissez comme l’exigent vos responsabilités, Joseph, ne vous souciez pas de Père et de moi.
Afficher en entierIl fallait dégager le faire-part que la morte serrait dans ses doigts. Quand ce fut fait et qu’il eut le mot en main, il piqua son couteau dans l’enveloppe qui gisait par terre, imbibée de sang. Puis il se releva et contempla son butin. Une enveloppe toute noire, de même que le cachet de cire. Quant à la bordure noire du bristol, large de deux centimètres, elle était réservée aux grands malheurs.
Afficher en entierTandis qu’une main libérait le verrou et ouvrait la porte, le gentleman se tînt prêt avec sa canne à pommeau d’argent.
- Monsieur le comte n’attend pas de visite, s’étonna le majordome.
Le gentleman frappa de toutes ses forces, un coup à la tête qui renversa l’homme sur le sol en marbre. Le cœur palpitant de satisfaction, il pénétra à l’intérieur et referma la porte. Quelques pas rapides le menèrent dans un vestibule spacieux. Une servante se figea au bas de l’imposant escalier, visiblement étonnée que le majordome n’escortât pas le visiteur. Le gentleman lui asséna un coup de canne rageur, sentit le pommeau fendre le crâne. La femme s’écroula dans un râle d’agonie.
Afficher en entierMercredi 10 juin 1840.
La reine Victoria exigeait que son emploi du temps quotidien fût communiqué à la presse. Sur le trône depuis simplement trois ans, la jeune monarque voulait se démarquer de ses prédécesseurs que personne ne voyait jamais. Déterminée à nouer un lien avec son peuple, elle se déplaçait fréquemment en carrosse dans les rues de Londres et le faisait annoncer : occasion pour tous ses sujets de la voir et l’acclamer.
Sa sortie la plus régulière se déroulait, sauf rare exception, chaque jour à dix-huit heures, dans un carrosse ouvert, avec le prince Albert qu’elle avait épousé quelques mois auparavant. Au sortir de Buckingham Palace, l’itinéraire était toujours le même : le couple royal prenait Constitution Hill sur la gauche, longeait Green Park, puis gagnait Hyde Park et achevait sa boucle en rentrant au palais. Deux cavaliers les escortaient...
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