Extrait

– Si ce n’est pas ce que vous êtes venue chercher, vous n’avez qu’un mot à dire, poursuit-il d’une voix plus douce.

De nouveau un silence… Je sais de quoi il me parle, et il n’ignore pas que j’ai compris. La scène qui se déroule entre nous je la connais. Elle est dépeinte exactement ainsi dans l’une de mes lectures érotiques et nous l’avions évoquée l’autre soir. J’en étais restée moite d’excitation, mais aussi de crainte d’avoir allumé la broussaille. Mais là l’héroïne, c’est moi. Et je sais ce qui va lui arriver. J’ai peur, oui, mais en même temps j’ai un désir confus qui prend possession de ma moelle épinière. Pourquoi dit-il cela ? Je pourrais m’expliquer, m’excuser, le calmer, mais il n’a pas l’air menaçant. Il me jauge. Interrogatif. Est-ce cela que je suis venue chercher ? La question tourneboule et fait des bonds dans mon cerveau comme la boule à la roulette. Pair ou Impair ? Noir ou Rouge ?

Peu à peu, une certaine fébrilité dont je ne peux plus dire si elle est érotique ou simplement due à ce stupide accident m’envahit.

– Je voudrais que vous soyez sure, insiste-t-il.

Je hoche « oui » de la tête, les yeux toujours baissés. Sans un mot. Sans m’expliquer pourquoi. La boule dans mon cerveau s’arrête, celle dans mon ventre commence à s’animer.

Je me vois alors glisser comme dans un toboggan à travers les pages du livre. J’entends des hurlements aux quatre coins de mon crâne. Mon cœur bat la chamade, mais je ne sais pas si je crains plus la réalité ou le fantasme. Il recule d’un pas pour prendre une grande respiration. Il attend. Il m’attend. Je me tais et le regarde. Les jeux sont faits.

– Vire tes pompes et tourne toi à plat ventre sur le capot. La voix est redevenue tranchante.

J’obéis en gémissant à cause de ma cheville. Comme je ne vais pas assez vite, il me saisit et un nouvel ordre tombe : « plus vite ! ». Je secoue mes jambes pour faire glisser mes mules et me penche sur la voiture. Le contact du sol sous mes pieds nus ne m’est d’aucun secours. Je me sens encore plus fragile sur le capot brûlant les seins écrasés sur la tôle chaude du moteur.

Mon esprit se dissocie alors de mon corps. Je pourrais tout arrêter, tenter de le raisonner et revenir sur mon acceptation, voire le maîtriser si je le voulais. Même grand et fort, un coup de pied bien senti, c’est toujours efficace. Et puis il ne pointe aucune arme sur moi contrairement à son homologue dans ce satané bouquin. J’ai quelques notions de self-défense, mais je n’en fais rien. Au contraire, j’obéis docilement. Ma glissade s’accentue et je me laisse faire comme si je rentrais dans un jeu de rôle. Un jeu issu de mes fantasmes de lecture. Un peu d’excitation incontrôlée me paralyse. Est-ce cela que je suis venue chercher ?