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En fin de compte, qui suis-je, lorsque je ne joue pas ? Un pauvre orphelin abandonné dans les rues des Sensations, grelottant de froid aux coins venteux de la Réalité, obligé de dormir sur les marches de la Tristesse et de mendier le pain de l'Imaginaire. [...]
Mais le vent traîne dans les rues, les feuilles tombent sur le trottoir... Je lève les yeux et je vois les étoiles, qui n'ont aucun sens... Et au milieu de tout cela il ne reste que moi, pauvre enfant abandonné, dont aucun Amour n'a voulu pour fils adoptif, ni aucune Amitié pour compagnon de jeu.
Afficher en entierJ'érige ces deux principes en règles fondamentales de tout art d'écrire : dire ce que l'on éprouve exactement comme on l'éprouve — clairement si c'est clair ; obscurément si c'est obscur ; confusément si c'est confus ; et bien comprendre que la grammaire n'est jamais qu'un outil, et non pas une loi. [...]
La grammaire, qui définit l'usage, établit des divisions légitimes mais erronées. Elle distingue, par exemple, les verbes transitifs et intransitifs ; cependant, l'homme sachant dire devra, bien souvent, transformer un verbe transitif en verbe intransitif pour photographier ce qu'il ressent, et non, comme le commun des animaux-hommes, pour se contenter de le voir dans le noir. Si je veux dire que j'existe, je dirai : " Je suis. " Si je veux dire que j'existe en tant qu'âme individualisée, je dirai : " Je suis moi. " Mais si je veux dire que j'existe comme entité, qui se dirige et se forme elle-même, et qui exerce cette fonction divine de se créer soi-même, comment donc emploierai-je le verbe être, sinon en le transformant tout d'un coup en verbe transitif ? Alors, promu triomphalement, antigrammaticalement être suprême, je dirai : " Je me suis. " J'aurai exprimé une philosophie entière en trois petits mots. N'est-ce pas infiniment préférable à quarante phrases pour ne rien dire ? Que peut-on demander de plus à la philosophie et à l'expression verbale ?
Afficher en entierIl n'y a qu'un présent immobile encerclé d'un mur d'angoisse
Afficher en entierJ'ai toujours évité, avec horreur, d'être compris
Afficher en entierJe ne suis pas seulement un rêveur, je suis exclusivement une rêveur
Afficher en entierC'est une saoulerie de n'être rien et la volonté est un seau qu'on a renversé au passage dans la cour, d'un geste indolent du pied
Afficher en entierEt je contemple avec dégoût, à travers les grilles qui masquent les fenêtres de l'arrière-boutique, les ordures de tout un chacun qui s'entassent, sous la pluie, dans cette cour minable qu'est ma vie
Afficher en entierOn me tend la foi comme un paquet bien ficelé sur un plateau tombé de nulle part. On voudrait que je l'accepte, mais sans l'ouvrir. On me tend la science comme un couteau sur un plat, pour ouvrir les pages d'un livre dont toutes les pages sont blanches. On me tend le doute comme de la poussière au fond d'une boîte ; mais pourquoi m'apporter cette boîte, qui ne contient que de la poussière ?
Afficher en entierJe me trouve ici sans raison, comme tout dans la vie.
Afficher en entierTout me fatigue, et même ce qui ne me fatigue pas. Être joyeux, pour moi, est aussi douloureux que la douleur. [...] Entre la vie et moi, une vitre mince. J'ai beau voir et comprendre la vie très clairement, je ne peux la toucher. [...] Et quand on est triste, on n'est capable d'aucun effort. Je ne renonce même pas aux gestes de la vie banale auxquels je voudrais tant renoncer. Renoncer demande un effort, et je ne possède pas ce petit peu d'âme qui me permettrait de l'accomplir. [...] Je suis si inerte, si pitoyable, si démuni de gestes et d'actions.
Si loin que je m'enfonce en moi-même, tous les sentiers du rêve me ramènent aux clairières de l'angoisse. [...] Ma vie entière se passe comme si on m'en rouait de coups.
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