Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 957
Membres
1 014 542

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

Extrait ajouté par ilovelire 2016-02-03T15:02:43+01:00

Félix Ventura s’est rendu. Toute une classe, la nouvelle bourgeoisie, a-t-il expliqué, recherchait ses services. C’étaient des entrepreneurs, des ministres, des propriétaires terriens, des trafiquants de diamants, des généraux, des gens, enfin, dont l’avenir était assuré. Ce qu’il manque à ces gens, c’est un bon passé, des ancêtres illustres, des parchemins. En bref : un nom qui évoque la noblesse et la culture. Il leur vend un passé neuf sur papier. Il trace leur arbre généalogique. Il leur donne des photographies de leurs grands-parents et de leurs arrière-grands-parents, des messieurs de belle prestance, des dames des temps anciens. Les entrepreneurs, les ministres, aimeraient avoir pour tantes ces dames-là, a-t-il poursuivi, en désignant les portraits sur les murs – de vieilles dames drapées dans leurs étoffes, d’authentiques bessanganas –, ils aimeraient avoir un aïeul au port illustre d’un Machado de Assis, d’un Cruz e Sousa, d’un Alexandre Dumas, et lui leur vend ce rêve innocent.

Afficher en entier
Extrait ajouté par ilovelire 2016-02-03T15:02:32+01:00

Félix Ventura étudie les journaux pendant le dîner, il les feuillette attentivement et si un article l’intéresse, il le coche au stylo, à l’encre violette. Il finit de manger, et ensuite il le découpe soigneusement et le garde dans un fichier. Sur l’une des étagères de la bibliothèque, il y a des dizaines de ces fichiers. Sur une autre dorment des centaines de cassettes vidéo. Félix aime enregistrer les journaux télévisés, les événements politiques importants, tout ce qui peut lui être utile un jour. Les cassettes sont rangées par ordre alphabétique, suivant le nom de la personnalité ou de l’événement auxquels elles se rapportent. Son dîner se résume à un bol de caldo verde, une soupe spécialité de la Vieille Espérance, une infusion de menthe et une grosse tranche de papaye, assaisonnée de citron et d’une goutte de Porto. Dans la chambre, avant de se coucher, il enfile son pyjama avec une telle solennité que je m’attends toujours à le voir nouer autour de son cou une cravate sombre. Ce soir, la stridulation de la sonnette l’a interrompu au moment de la soupe. Cela l’a fâché. Il a plié le journal et s’est levé avec effort pour aller ouvrir la porte. J’ai vu entrer un homme grand, distingué, au nez aquilin, aux pommettes saillantes, avec une grosse moustache, recourbée et lustrée, comme on n’en porte plus depuis un siècle. Ses yeux, petits et brillants, semblaient prendre possession de tout. Il portait un costume bleu, démodé, qui lui allait cependant bien, et tenait dans sa main gauche une serviette de cuir. Le salon s’est assombri. C’était comme si la nuit, ou quelque chose de plus endeuillé encore que la nuit, était entré en même temps que lui. Il a montré une carte de visite. Il a lu à haute voix :

Afficher en entier
Extrait ajouté par ilovelire 2016-02-03T15:02:20+01:00

La maison vit. Elle respire. Je l’entends, toute la nuit, qui soupire. Les larges murs de pisé et de bois sont toujours frais, même lorsque, en plein midi, le soleil fait taire les oiseaux, souffrir les arbres, fondre le goudron. Je rampe le long des murs comme un acarien sur la peau de son hôte. Je sens, quand je les enlace, un cœur qui bat. Peut-être le mien. Peut-être celui de la maison. Peu importe. Il me fait du bien. Il me transmet de la sécurité. La Vieille Espérance amène parfois l’un de ses plus jeunes petits-enfants. Elle les porte sur son dos, bien attachés avec une étoffe, selon l’usage séculaire du pays. Elle fait tout son travail ainsi. Elle passe le balai, ôte la poussière des livres, fait la cuisine, lave le linge, le repasse. Le bébé, la tête collée à son dos, sent son cœur et sa chaleur, se croit de nouveau dans l’utérus de sa mère et dort. J’ai avec la maison une relation semblable. Lorsque vient le soir, je l’ai déjà dit, je reste dans le salon, collé aux vitres, à regarder mourir le soleil. Après la tombée de la nuit je vagabonde dans les autres pièces. Le salon s’ouvre sur le petit jardin, étroit et mal entretenu, dont l’unique charme provient de deux glorieux palmiers impériaux, très hauts, très hautains, qui se dressent chacun à une extrémité, veillant sur la maison. La pièce est attenante à la bibliothèque. On passe de celle-ci au couloir par une large porte. Le couloir est un tunnel profond, humide et sombre, qui donne accès à la chambre, à la salle à manger et à la cuisine. Cette partie de la maison est orientée vers le verger. La lumière du matin effleure les murs, verte, douce, filtrée par la haute ramure de l’avocatier. Au fond du couloir, à gauche en entrant, si l’on vient du salon, s’élève péniblement un petit escalier dont l’élan est brisé par deux paliers. Si l’on monte, on arrive à une espèce de grenier mansardé, que l’albinos fréquente peu. Il est rempli de caisses de livres. Moi non plus, je n’y vais pas souvent. Des chauves-souris dorment sur les murs, la tête en bas, enveloppées dans leurs capes noires. J’ignore si les geckos font partie du régime des chauves-souris. Je préfère ne pas le savoir. C’est la même raison – la terreur ! – qui m’empêche d’explorer le verger. Je vois, des fenêtres de la cuisine, de la salle à manger ou de la chambre de Félix, la mauvaise herbe qui pousse sans retenue entre les rosiers. Un immense avocatier s’élève, touffu, juste au milieu du jardin. Il y a encore deux grands néfliers, chargés de nèfles, et une bonne dizaine de papayers. Félix croit au pouvoir régénérateur des papayes. Un haut mur ferme le jardin. Son sommet est surmonté de tessons de verre, de couleurs variées, pris dans du ciment. D’ici, d’où je les vois, on dirait des dents. Ce féroce artifice n’empêche pas que, de temps à autre, des enfants sautent le mur et volent des avocats, des nèfles et des papayes. Ils posent une planche sur le mur et se hissent ensuite jusqu’en haut. Cela me semble une tâche trop risquée pour si peu de profit. Peut-être ne le font-ils pas pour goûter les fruits ? Je crois qu’ils le font pour goûter le risque. Demain le risque aura peut-être, pour eux, le goût des nèfles mûres. Imaginons que l’un d’eux devienne démineur. Dans ce pays le travail ne manque pas pour les démineurs. Hier encore j’ai vu à la télévision un reportage sur le processus de déminage. Un dirigeant d’une organisation non gouvernementale a déploré que les chiffres soient si imprécis. Personne ne sait, au juste, combien de mines ont été enterrées dans le sol de l’Angola. Entre dix et vingt millions. Il doit probablement y avoir plus de mines que d’Angolais. Supposons, donc, que l’un de ces enfants devienne un jour démineur. Chaque fois qu’il rampera à travers un champ de mines lui viendra à la bouche la lointaine saveur d’une nèfle. Un jour il sera confronté à l’inévitable question, lancée, avec un mélange de curiosité et d’horreur, par un journaliste étranger :

Afficher en entier
Extrait ajouté par ilovelire 2016-02-03T15:02:11+01:00

Je suis né dans cette maison et j’y ai grandi. Je n’en suis jamais sorti. Lorsque vient le soir j’appuie mon corps contre le cristal des fenêtres et je contemple le ciel. J’aime voir les flammes hautes, les nuages au galop et, au-dessus, les anges, des légions d’anges, qui secouent les étincelles de leur chevelure, en agitant leurs grandes ailes en flammes. C’est toujours le même spectacle. Tous les soirs, pourtant, je viens jusqu’ici, et je m’amuse et je m’émeus comme si je le voyais pour la première fois. La semaine dernière Félix Ventura est arrivé plus tôt et m’a surpris à rire pendant que là dehors, dans l’azur agité, un énorme nuage courait en rond, comme un chien, tentant d’éteindre le feu qui lui embrasait la queue.

– Ah, c’est incroyable ! Tu ris ?

L’étonnement de cette créature m’a irrité. J’ai eu peur mais je n’ai pas bougé un muscle. L’albinos a ôté ses lunettes noires, les a rangées dans la poche intérieure de sa veste, puis il l’a quittée, lentement, mélancoliquement, et accrochée avec soin sur le dossier d’une chaise. Il a choisi un disque de vinyle et l’a placé sur le vieil électrophone. Berceuse pour un fleuve, de Dora la Cigale, une chanteuse brésilienne qui, je pense, a connu quelque notoriété dans les années 70. Ce qui m’amène à le supposer, c’est la pochette du disque. C’est le dessin d’une femme en bikini, noire, jolie, avec de larges ailes de papillon attachées dans le dos. “Dora, la Cigale – Berceuse pour un fleuve – le grand succès du moment.” Sa voix brûle dans l’air. Ces dernières semaines, c’est elle qui a été la bande-son du crépuscule. Je connais les paroles par cœur.

Afficher en entier
Extrait ajouté par Charl 2011-01-22T21:34:40+01:00

« Félix Ventura étudie les journaux pendant le dîner, il les feuillette attentivement et si un article l'intéresse, il le coche au stylo, à l'encre violette. Il finit de manger, et ensuite il le découpe soigneusement et le garde dans un fichier. Sur l'une des étagères de la bibliothèque, il y a des dizaines de ces fichiers. Sur une autre dorment des centaines de cassettes vidéo. Félix aime enregistrer les journaux télévisés, les événements [...]»

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode