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Quant à Nadia, elle se demandait si elle ne s’était pas trompée en imaginant ce rendez-vous. S’agissait-il d’une plaisanterie ? Quelle gourde ! Elle était furieuse contre elle-même à cause de cette méprise. Accourir ici sottement, comme une fille facile ! Et en plus, ce nigaud de Philippos était témoin de son humiliation ! Elle coula un regard furtif en direction de la cabane. Qu’attendait-il donc pour déguerpir ? Il espérait sans doute lui filer le train en cachette. Eh bien, il en serait pour ses frais, semer ce blanc-bec serait un jeu d’enfant
Afficher en entierNe sachant que dire, Philippos prit sa main, mais Nadia la retira aussitôt. Elle rejeta en arrière son abondante chevelure noire, rajusta son châle et sortit de la cabane. Une brume légère flottait dans l’air, illuminée par les premiers rayons du soleil. Nadia tendit les mains pour cueillir quelques gouttelettes brillantes. Puis elle décocha à Philippos une œillade espiègle et agita la main en signe d’adieu. — Tu pars déjà ? s’exclama-t-il, cherchant quelque prétexte pour la retenir. On ne peut pas se quitter comme ça, ce n’est pas convenable
Afficher en entierNadia releva le menton d’un air de défi. — Ces prétendus guerriers sont prêts à s’amouracher d’une chèvre coiffée pour peu qu’elle retrousse ses jupons ! Et d’ailleurs, comment oses-tu critiquer les jeunes filles tout en louant ma beauté ? — C’est que nous autres hommes sommes particulièrement sensibles à tout ce qui est beau, déclara Philippos d’un air docte. Une église aux proportions harmonieuses peut nous émouvoir autant qu’un corps de femme aux formes parfaites ! Nadia pouffa
Afficher en entierIl n’était pas seul dans cet abri de fortune. Une jeune fille se tenait dans un coin et l’observait en silence. Ses longs cheveux bruns tombaient librement sur ses épaules, contrastant avec sa sarafane bleu pâle et son châle blanc croisé sur la poitrine. Son visage aux traits délicats et ses magnifiques yeux noirs évoquaient les anges et les saints des icônes byzantines. Incapable de proférer un mot, Philippos se sentait ensorcelé. — Tu en fais une tête ! s’exclama la jeune fille. Je te fais peur ? Ce serait bien la première fois
Afficher en entierAu sortir de la galerie, il sentit un souffle frais lui fouetter le visage. Le soleil avait disparu, la ville s’étendait sous un ciel bas et menaçant. De gros nuages plombés semblaient effleurer les tourelles des demeures seigneuriales et les bulbes des églises. Des rafales violentes balayèrent la place, le vent parcourut en sifflant les venelles, s’insinua à l’intérieur des échoppes, fit gémir et craquer le vieux bois abîmé par des hivers trop rudes et des étés trop secs
Afficher en entierIl prit la cotte des mains de Philippos pour montrer l’emblème en question. Il s’agissait d’un médaillon gravé dans la partie frontale du hausse-col. Son ovale encadrait une minuscule silhouette d’homme avec une tête en forme de coupe, surmontée de deux lignes ondulantes qui évoquaient le mystérieux ciel-mer vénéré autrefois par les Varègues païens. — Au fait, c’est quoi, cette image ? s’enquit Trofim, intrigué. Ce n’est pas une icône, il y manque la sainte croix. Serait-ce un artifice de sorcier ou quelque autre diablerie ? Allez, tu peux me le dire, j’ai bien mérité une petite récompense
Afficher en entierDeux jours auparavant, la réserve de la garnison du palais lui avait fourni sa première armure. Hélas ! Sa cotte de mailles, trop lourde et encombrante, était un désastre, et Philippos s’était aussitôt précipité chez Trofim. À présent, la cotte semblait aussi courte et légère que le haubert des archers. Ôtant cape et chapka, Philippos s’empressa de l’enfiler et alla se planter devant un grand miroir en acier poli. Il ne put retenir un sifflement d’admiration ! Affinée et remise à sa taille, la cotte lui seyait parfaitement. Il bomba le torse, redressa les épaules, esquissa quelques mouvements, tandis que le vieil artisan l’observait d’un œil amusé. — C’est la plus belle armure que j’aie jamais vue ! s’exclama le garçon. Pourtant, tu désapprouvais mon idée, maître Trofim
Afficher en entierIl finit par déboucher sur la place du Marché. Pavée de bois, elle était entourée d’isbas cossues, de gargotes et d’auberges qui offraient gîte et couvert. Philippos longea la grille formée de pieux entrecroisés qui ceignait le marché et s’arrêta devant le grand portail en bois sculpté. Un artiste anonyme l’avait orné de robustes figures ailées, badigeonnées de couleurs criardes, censées représenter des anges portant gerbes de blé et grappes de raisin. Bien qu’Artem plissât le nez à chaque fois qu’il passait devant « la porte monstrueuse », Philippos estimait que cette œuvre pittoresque avait fière allure
Afficher en entierLe garçon se prénommait Philippos et comptait seize étés. Apprenti Varlet, il était le fils adoptif 1 du boyard Artem, le meilleur enquêteur et conseiller du prince Vladimir. Avec ses traits juvéniles, il donnait une impression de fragilité gracile, mais l’entraînement auquel le soumettait le maître d’armes du palais avait raffermi les muscles de son corps. Et voilà que Philippos venait enfin de participer à sa première campagne militaire ! Il n’était pas peu fier d’avoir combattu aux côtés de Vladimir lui-même lors de cette brève incursion dans la steppe. Pourtant, ce n’étaient pas les scènes de combat qui hantaient sa mémoire, mais l’image d’un village frontalier ravagé par les hordes de Koumans. Encore bouleversé par ce spectacle, il était rentré à Tchernigov pour découvrir la capitale dépouillée de tous ses attraits, telle une église profanée et pillée de ses richesses
Afficher en entierEn ce début de septembre 1074, un soleil impitoyable surplombait Tchernigov. Repliée sur elle-même, la capitale du prince Vladimir semblait pétrifiée. Les rues, d’ordinaire emplies d’une foule bigarrée et bruyante, s’étaient vidées en quelques jours. Les vendeurs d’eau furent les derniers à déserter la ville
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