Commentaire de EamLL

[Livre lu dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus 2022]

*Une lecture très mitigée malgré un début et une fin poignants*

Avant tout, je questionne le choix de l’autrice d’avoir présenté un tome 1.5 au PAI. C’est une manière assez étrange de rentrer dans son univers que je ne connaissais pas, de faire connaissance avec des personnages pour lesquels je n’avais aucun attachement préalable. Et je pense, hélas, que ce n’est pas la meilleure porte d’entrée dans la série. Le lore est en effet compréhensible sans avoir lu les autres tomes, cependant on sent bien qu’on ne le voit que par le petit bout de la lorgnette, ce qui est un peu décevant pour de la SFFF. Idem pour les personnages, qui ne sont pas beaucoup creusés, à la fois parce que le texte est très court, et à la fois pour la principale raison qui m’a fait ne pas accrocher à ce texte, et que je mentionnerai plus tard.

Malgré tout, il y a bien une raison pour laquelle ce texte est arrivé en finale et, à mon humble avis, il le méritait. Le style est magnifique, fluide, permettant une immersion très rapide. L’autrice a un don pour nous communiquer les émotions de ses personnages, nous faire vibrer avec leurs ressentis. Le texte crée une belle synesthésie en invoquant fréquemment les cinq sens, même si personnellement, je n’aurais pas refusé un petit peu plus de descriptions.

Dès les premières pages, le texte est prenant. On ressent toute l’angoisse d’Haroun, son abandon, sa perte de repère. Et en même temps, son échange avec Lénia est extrêmement mignon, ils se découvrent ensemble en même temps qu’ils découvrent l’univers qui les entoure, comprennent les règles strictes et injustes avec lesquelles il va leur falloir vivre.

Mais c’est après les premiers chapitres que, selon moi, ce texte commence à pécher. On avance dans le texte et on voit qu’il n’y a toujours aucun enjeu. L’évolution de la relation entre Haroun et sa protectrice est trop brusque, p21, avec « il aimait déjà sa protectrice » qui, en plus d’être plutôt tell, arrive tout d’un coup, juste pour le bien de l’intrigue. Puis beaucoup plus tard, il fait preuve avec elle d’une attitude très impitoyable qui, pour moi, ne fait sens ni avec son caractère, ni avec cette amitié qui avait été installée, quand il menace de la dénoncer si elle ne lui révèle pas son secret. Beaucoup trop de ses incartades, pourtant capitales aux yeux des règles de l’Enéark, se passent sans aucune conséquence, et ces facilités scénaristiques affaiblissent le suspense, puisque du coup, je me dis que quoi qu’il arrive tout va bien se passer.

Et surtout, les scènes de sexe. Très nombreuses, gratuites et dispensables pour la plupart… Leur principal souci est qu’elles représentent, à la louche, les trois-quarts du texte. Et lire chapitre sur chapitre, sans interruption, ce genre de scènes qui finalement étaient trop nombreuses pour toutes servir l’évolution de l’intrigue et/ou des personnages m’a donné plus l’impression d’être devant une romance érotique que devant un texte de SFFF. De plus, je les ai trouvées assez dérangeantes. Que ce soit l’initiation, ou la réaction extrêmement violente de Haroun face au premier refus de Lénia (violence qui semble d’ailleurs assez out of character), j’ai surtout ressenti à la lecture de ces 75 % du livre un malaise certain, malgré la plume très talentueuse de l’autrice. À mon sens, les diluer dans un peu plus d’intrigue, d’introduction de l’univers ou de développement des personnages, de l’histoire un peu plus consistante, les aurait déjà rendues un peu plus digestes.

Puis arrive le dernier quart, qui tranche de manière très agréable avec le reste. Les émotions et la tension sont de retour, plus puissantes encore, et c’est une fin de roman extrêmement poignante, extrêmement touchante. On vibre et vit à nouveau avec les personnages, souffre autant qu’eux des injustices criantes qui leur sont imposées… C’est magistral. Hélas, pour moi, cette fin souffre un peu du manque de construction de tout le corps du livre, puisque celui-ci était consacré aux différents ébats des personnages. C’est donc un peu trop facile tous ces alliés qui apparaissent au moment opportun alors qu’ils n’avaient jamais fait mine de vouloir se rebeller ni aider Haroun (surtout quand ça demande de changer radicalement un personnage comme Ahmet).

L’ellipse avant l’épilogue aurait mérité plus de précision. On ne sait pas s’il s’est rebellé contre son devoir ou s’il a continué à l’accomplir. On ne comprend pas pourquoi Donya n’a pas effectué elle-même, depuis toutes ces années, les recherches qu’Haroun choisit d’entreprendre. C’est un peu dommage, toutes ces questions sans réponse donnent un aspect un peu bâclé à l’histoire.

Malgré tout, le talent littéraire de l’autrice ressort à travers le livre. Même s’il s’agit d’une déception dans le cadre de mes lectures pour le PAI, je comprends tout à fait qu’il s’agit d’un tome spécial, et ça ne me donne que plus envie de découvrir ses autres textes.

https://www.prixdesauteursinconnus.com/ https://www.facebook.com/prixdesauteursinconnus/ https://twitter.com/prixdesai https://www.instagram.com/prixdesauteursinconnus/