Extraits

Je me rapproche des hurlements. Lorsque j’aperçois enfin l’Anglaise, elle est suspendue dans le vide et ne doit sa survie qu’à une grosse racine sortant de terre. Elle s’y accroche comme à son dernier souffle et agite ses pieds dans le vain espoir de trouver une prise dans le mur de terre meuble. Vêtue d’un simple cycliste en lycra noir et d’un long T-shirt, sombre lui aussi, elle panique et gaspille ses précieuses forces.

Je m’accroupis au-dessus d’elle, et elle semble enfin me voir. Je me mets à genoux et me baisse au maximum avant de tendre mon bras vers elle. Ma soudaine apparition aura au moins eu l’effet de la figer. Elle m’observe de ses yeux en amande. En ai-je jamais vu d’aussi grands, aussi sombres… aussi envoûtants ? J’ai l’impression que oui, mais impossible de me rappeler davantage.

L’amazone respire avec difficulté et semble à bout de force. Toutefois, elle ne fait aucun mouvement pour s’emparer de ma main, qui est pourtant à sa portée. Je dois lui ficher une sacrée trouille pour qu’elle hésite entre moi et… la mort. Je crois que je vais devoir me montrer un peu plus persuasif.

« Prends ma main ! »

Ma voix semble la sortir de sa catatonie, et elle recommence à gesticuler, mais pas dans ma direction. Elle baisse également la tête pour ne plus affronter mon regard. Sacrée tête de mule !

« Tu vas mourir si tu tombes. Laisse-moi t’aider. »

Elle me scrute de nouveau, et ce que je lis dans ses yeux ne me plaît pas. Sa peur a laissé place à la colère. Sentiment dont je suis sans aucun doute responsable. Elle me crache quasiment sa réponse :

« No way !

— Allez, donne-moi ta putain de main !

— No ! »

Sa réaction brise quelque chose au plus profond de mon être. Elle m’emplit de fureur, mais ce n’est pas tout. Je crois que ça me fait mal qu’elle refuse mon aide. Ce qui est illogique, puisqu’elle a raison : je comptais l’éliminer. Or, un sentiment encore plus puissant émerge soudain en moi : je ne peux pas supporter qu’elle disparaisse !

Alors, je change de tactique et m’avance davantage, quitte à tomber moi-même. Je la touche presque, et je lis de la panique dans son regard. Elle tente de se déplacer vers le côté, et c’était bien ce que j’attendais. Elle crée ainsi un effet de balancier qui la ramène inexorablement vers moi. Je la rattrape in extremis d’une main, alors que sa prise sur la racine se relâche. J’utilise l’élan de son mouvement afin qu’elle puisse enfin attraper la bordure. Je crois que, pour une fois, j’apprécie vraiment ma force supérieure à la normale. C’est mon don secondaire, mais je dois admettre que, jusqu’à ce jour, il ne m’a que peu servi.

« Cette fille cache quelque chose. Sa fuite du bâtiment de l’Ordre n’est pas une coïncidence, je suis prêt à le parier. Je n’ai pas de preuve, mais je suis convaincu qu’elle est un loup déguisé en agneau. »