Extraits

- Très bien, vous pouvez disposer.

- Mais... C’est ma maison !

Le colonel Tarank se contenta de hausser un sourcil broussailleux en guise de réponse. Ses hommes, derrière lui, affichèrent leur air le moins commode. Le paysan n’hésita pas longtemps. Il ordonna à sa femme et à ses filles d’empaqueter le strict nécessaire et ils quittèrent leur propriété à la recherche d’un abri pour la nuit.

La protection de leur révéré monarque avait un prix : le soutien inconditionnel de ses soldats. En tant que chef de la garde royale, le colonel Tarank pouvait tout exiger de ces miséreux. De vulgaires paysans gardés en sécurité

dans un seul but : nourrir les gens utiles.

Il regarda autour de lui. La ferme ne payait pas de mine, mais offrait un meilleur abri que le bord de la route.

Le gros de son unité pourrait passer la nuit dans la grange sur du foin frais. Tarank, en revanche, partagerait la maison avec ses deux lieutenants. La route avait été

longue, mais ils approchaient du but.

Yserel, leur souverain, était le plus grand guerrier de sa génération. Sa garde royale passait donc plus de temps en mission sur les routes qu’au palais à le protéger. Là, au moins, cette unité d’élite servait à quelque chose.

Tarank ne s’en plaignait pas. Il n’avait pas gravi les

échelons de l’armée pour devenir nourrice. En plus, abuser de l’hospitalité du peuple présentait ses avantages.

Il avait envisagé de demander au fermier de laisser ses filles sur place, car ses soldats avaient bien mérité un petit divertissement, mais y avait vite renoncé. Elles étaient un peu trop vieilles, il les préférait plus jeunes. De toute manière, leur mission prévalait sur le reste, il était primordial que l’ensemble de son unité ait l’œil vif et le pied ferme le lendemain.

Pour la première fois depuis des années, Yserel avait eu vent d’une rumeur concernant une Lame Sainte gardée secrète dans un village retranché. Or, la détention d’un tel objet constituait un crime passible de la peine capitale. Le roi, qui croyait les posséder toutes, avait aussitôt dépêché

son unité d’élite afin de vérifier ces dires. L’objectif de

Tarank ne se trouvait plus qu’à quelques heures de cheval. Il imaginait déjà les évènements à venir.