Extraits

Elle était plongée dans ses pensées lorsque, sans le moindre avertissement, le fil de la cireuse fut arraché de sa prise. Surprise par le silence, elle eut un sursaut et releva la tête.

— Ecoutez, la fille, nous avons une réunion et cette satanée machine fait un boucan d’enfer ! Vous ne pouvez pas aller un peu plus loin ? s’écria d’un ton furieux un homme jeune vêtu d’un costume.

— Oui… bien entendu, murmura Kirsten, effrayée par cet éclat de fureur.

A cet instant, un deuxième homme fit son apparition. D’une voix glaciale, il s’adressa au premier.

— Que je ne vous reprenne pas à parler sur ce ton aux employés !

— Non… non, bien sûr, votre… votre Seigneurie.

Le jeune homme avait rougi, vexé de s’être fait rabrouer de la sorte.

Pour sa part, Kirsten avait cessé de respirer en reconnaissant le nouvel arrivant.

Grand et large d’épaules, il était impressionnant. Ses manières hautaines et son visage sévère inspiraient le respect. Bien sûr, dans sa tenue d’homme d’affaires, il était différent du motard vêtu de cuir noir mais, aux yeux de Kirsten, il n’y avait pas le moindre doute. Il s’agissait bien du même individu !

Au même moment, elle prit conscience du titre que le premier des deux hommes avait utilisé pour s’adresser à lui et son cœur s’arrêta. L’homme dont elle avait fait la connaissance en haut de la colline n’était autre que le prince Shahir, le riche propriétaire du domaine de Strathcraig et de ses environs. Impossible ! Il lui avait bien affirmé être chez lui, mais elle ne l’avait pas cru. Comment aurait-elle pu le croire ?

Evitant son regard, elle se mit à replier le cordon de la cireuse. Elle saisissait la poignée de la lourde machine lorsque ses forces la trahirent. L’engin lui échappa et heurta le parquet avec fracas. Honteuse, Kirsten se mordit la lèvre. Elle qui était censée rester muette et invisible en présence du prince et de ses invités ! Qu’allait-elle devenir ? Peut-être avait-elle intérêt à tout abandonner et à disparaître le plus vite possible ?