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Elle ne savait pas si Chloé était effrayante ou bien seule, d’ailleurs. Elle l’avait rencontrée lors de l’une de ses premières enquêtes. Les deux femmes, si dissemblables, l’une bouillonnante et l’autre discrète, s’étaient prises d’une sympathie immédiate l’une pour l’autre. Elles déjeunaient ensemble une à deux fois par mois, parlaient boulot, évoquaient des affaires, partageaient indignations et résignations. Elles ne discutaient pas vraiment de choses privées ; mères célibataires toutes les deux, les seuls sujets touchant à l’intime entre elles étaient leurs enfants. Alex ne posait pas de questions indiscrètes à Chloé, qui lui retournait la faveur. Des moments sans danger, agréables.
Afficher en entierLe matin sentait encore l’été. Le teint hâlé et le visage tendu, les inspecteurs essayaient de paraître à peu près réveillés et de se tenir droits sur les sièges inconfortables.
Quand il entra dans la salle, le commissaire Blondeau déposa une enveloppe sur les genoux d’Alex, puis se dirigea vers son emplacement habituel au fond de la salle, près du vieux tableau, d’où il assigna les missions.
Afficher en entierDans la chambre d’Ana, la veilleuse diffusait une faible lumière orangée. Derrière la table de nuit, Alex remarqua, comme chaque soir, les anciennes marques de feutres laissées par sa fille des années plus tôt et, comme chaque soir, se dit qu’il faudrait repeindre le mur. Elle s’avança vers le lit et toucha d’une main légère la couette chiffonnée. Cachée dans les replis, si petite, sa fille dormait. Alex souleva le tissu et dégagea avec délicatesse le petit visage. Elle se pencha pour déposer un baiser sur la joue. Sous ses lèvres, la peau était infiniment douce. Elle respira l’odeur qui montait du nid ; un mélange de sueur légère, de pâtisserie et de métal qui lui noua le ventre.
Afficher en entierTandis qu’ils se dirigeaient vers la salle de réunion, Alex et Marco croisèrent les deux agents que le Central avait envoyés assister Alex dans l’interpellation de son exhibitionniste. Ils étaient arrivés juste à temps pour voir le jeune homme embarqué dans l’ambulance par des secouristes hilares.
Afficher en entier« Paris est magique… » Depuis dix minutes, le carrefour était embouteillé. Une grosse berline noire bloquait la circulation, siège conducteur vide et warnings clignotant. Derrière elle, on klaxonnait à tout-va, comme si ça pouvait débloquer la situation. La file de véhicules remontait jusqu’au carrefour quand un bus avait entrepris de le traverser coûte que coûte, forçant son passage avec la délicatesse d’un catcheur sous amphétamines, avant de se retrouver lui aussi bloqué. La queue s’allongeait de seconde en seconde. C’était un bordel sans nom.
Afficher en entierAndréa reprit connaissance dans le souterrain, la tête baignant dans une mare à l’odeur aigre. Du vomi. Le sien, mélangé aux restes d’autres plus anciens, de pisses diverses, de poussière noire ; accumulés en couches acides sur le béton. Des silhouettes accouraient, floues, dans sa direction. La seule information que son cerveau accepta de lui transmettre fut celle d’une douleur infinie.
Afficher en entierPeut-être que Mélanie et Céline seraient d’un avis différent, mais c’était une nuit inutile. Une nuit pour rien, encore. S’habiller, se coiffer, s’agglutiner dans un de ces endroits où tout le monde s’affiche pour ne pas se montrer. Enchaîner les mouvements d’une chorégraphie pathétique, toujours la même, en espérant ne pas rentrer s’écrouler dans un lit froid, sans personne. À un moment, Andréa avait cru pouvoir s’approcher d’un corps anonyme, franchir les derniers centimètres qui faisaient la différence entre la chaleur de l’autre et la solitude glacée. Ces minuscules centimètres à la largeur d’océan. Mais non, au dernier moment, la foule les avait séparés. Foule ou malchance. Dommage. Se lécher la gueule derrière une colonne, se laisser caresser comme au collège, ç’aurait été déjà pas mal.
Afficher en entierPeut-être que Mélanie et Céline seraient d’un avis différent, mais c’était une nuit inutile. Une nuit pour rien, encore. S’habiller, se coiffer, s’agglutiner dans un de ces endroits où tout le monde s’affiche pour ne pas se montrer. Enchaîner les mouvements d’une chorégraphie pathétique, toujours la même, en espérant ne pas rentrer s’écrouler dans un lit froid, sans personne. À un moment, Andréa avait cru pouvoir s’approcher d’un corps anonyme, franchir les derniers centimètres qui faisaient la différence entre la chaleur de l’autre et la solitude glacée. Ces minuscules centimètres à la largeur d’océan. Mais non, au dernier moment, la foule les avait séparés. Foule ou malchance. Dommage. Se lécher la gueule derrière une colonne, se laisser caresser comme au collège, ç’aurait été déjà pas mal.
Afficher en entierC’est crade, cette nuit orange. Violet. Violet-orange. Existe pas, comme couleur. Dégueu. Ça colle. La nuit me colle dessus. Trop bu.
Andréa avait laissé ses amies danser. Juste un signe de la main, un peu gauche, pour réussir à attirer l’attention de Mélanie qui virevoltait sur la piste. Capter son regard, entamer un dialogue muet, si souvent répété qu’il pouvait se mimer d’un bout à l’autre de la salle : Ça va, chouquette ? J’en ai marre, je rentre. Tu prends un taxi ? Oui, t’inquiète ; je t’appelle demain.
Afficher en entier— Et la femme ?
— Elle a vomi sur mes pompes. Elle arrivait de la Creuse pour commencer un stage. On l’avait prévenue que la Ville Lumière n’abritait pas que des êtres brillants, mais pas à ce point. Elle était à moitié en état de choc.
— Ils n’ont pas de pervers, là-bas ?
— « Pas des comme ça », elle a dit.
— Et toi, tu lui as dit quoi ?
— La seule chose qui me soit venue à l’esprit : « Bienvenue à Paris. » (Alex jeta le gobelet vide dans une corbeille.) Je ne sais pas pourquoi je m’obstine à boire ce café. Il est dégueulasse, grimaça-t-elle.
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