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Spoiler(cliquez pour révéler)[spoiler]— Depuis combien de temps ? demandai-je.

Il plissa les yeux.

— Comment ça ?

— Depuis combien de temps es-tu amoureux de moi ?

Il détourna le regard et garda le silence. Son expression était mi-amusée, mi-perplexe. Et pendant un long moment, je crus qu’il ne me répondrait pas.

— Depuis la première fois que tu es venue me voir. Tu voulais échanger un collier en or que tu avais volé contre des livres, dit-il doucement.

Il éclata de rire.

— Tu étais si fière et farouche. Tu n’avais pas peur de moi à la différence des autres filles, et tu n’as jamais essayé de flirter avec moi. Tu étais douée avec les armes et tu avais fait en sorte que nous le sachions pour nous tenir à distance. Tu ne t’intéressais pas à moi. Tu te moquais de qui j’étais ou de ce que je représentais dans la Fosse. Je crois que c’est pour cette raison que j’ai été si attiré par toi.[/spoiler]

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Jon s’arrêta au bord d’un champ sans barrière. Une douce brise faisait frissonner ses cheveux. Son regard croisa le mien et il m’adressa un sourire désinvolte.

— Qu’attendons-nous ? demandai-je.

— Attends.

J’entendis le grondement du tonnerre et le sentis trembler sous mes pieds, mais lorsque je levai les yeux, le ciel était d’un bleu pur. Je ne comprenais pas d’où provenait le bruit. Soudain, à l’autre bout de la prairie, j’entendis un son claironnant qui me semblait étrangement familier.

C’est alors qu’ils apparurent.

Des centaines de chevaux arrivèrent en galopant dans le champ. Ils déferlaient ensemble comme une vague ou un banc de poissons. Ils étaient acajou, noisette, bruns et marron, blancs et noirs. Certains avaient même la robe tachetée comme celles des vaches. Je n’avais jamais rien vu de tel. Je remarquai des poulains qui couraient à côté de leurs mères. Mais l’un d’eux se détachait du troupeau de chevaux.

Un grand étalon couleur nuit se distinguait des autres. Il avait une grâce princière. Mon cœur fit un bond. Je l’aurais reconnu entre mille.

— Torak ! m’exclamai-je.

Mais lorsque j’esquissai un mouvement, Jon m’attrapa le bras.

— Tu veux mourir piétinée ?

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J’étais douée pour le corps-à-corps. C’était une vraie bénédiction, car je n’avais jamais suivi de réel entraînement. Dans mes plus lointains souvenirs, je m’exerçais déjà au lancer de couteaux contre le tronc d’un arbre, atteignant à chaque coup la cible improvisée. J’étais une experte dans le maniement des armes, et notamment des lames. Je n’ai jamais su d’où me venait ce talent, ni pourquoi j’en bénéficiais. C’était ainsi. Rose disait que j’avais un don — moi, j’appelais ça l’instinct de survie.

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Je m’approchai de lui.

— Peut-être, dis-je pour le taquiner.Si tu me donnes ce que je veux, je te pardonnerai peut-être.

Il eut un petit rire et écarta une mèche de cheveux derrière mon oreille.

— Vraiment ? Et qu’est-ce que c’est ?

— Un baiser.

Mon cœur battait la chamade.Il parut légèrement étonné par mon audace, mais son sourire s’élargit peu à peu.

— C’est tout ? Juste un baiser ?

Je haussai les sourcils.

— Eh bien, il ferait mieux d’être parfait.

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Les grands prêtres étaient la cause de notre famine. Il y avait suffisamment de pierres précieuses et de joyaux dans la chambre forte pour nourrir les familles de la Fosse pendant des générations, et pourtant, nous étions tous en train de mourir de faim. De toute évidence, les prêtres voulaient nous affamer. Ainsi, nous étions plus faciles à contrôler.

Les immondes crapules.

Je me souvenais des histoires que l’on m’avait racontées lorsque j’étais enfant. Trois cents ans plus tôt, après la Grande Guerre des Royaumes, les prêtres du Temple du Soleil étaient arrivés. Personne ne savait d’où ils venaient, mais d’après les légendes, les rois et les reines des six royaumes d’Arcania avaient abdiqué les uns après les autres, renonçant à leurs lois au profit des grands prêtres. Certaines légendes évoquaient un sort obscur que les prêtres auraient jeté sur les rois et les reines pour leur faire céder leurs titres et leurs royaumes. Mais personne n’en avait la certitude.

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... si seulement vous aviez été belle. Mais les laiderons sont laissés pour compte, oubliés dans ces taudis abandonnés de Dieu. C’est là qu’est votre place.

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Pourtant, j’avais beau être pauvre, ma mère m’avait appris à lire et j’étais attristée par le taux d’illettrisme de la Fosse. Les prêtres préféraient maintenir le troupeau dans l’ignorance, pour mieux le gouverner.

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Lorsque je balayai la plage et les prairies du regard, cependant, je n’aperçus aucun cadavre ni blessé. On aurait dit que les créatures les avaient emportés sans laisser aucune trace de sang derrière elles. Les victimes étaient perdues, corps et biens.

Et cela me pétrifiait de terreur.

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— Toujours aussi théâtrales et émotives, vous autres, les femmes. Vous êtes toutes les mêmes. Vous êtes des créatures faibles et pathétiques, et vous devez être domptées et soumises.

Je plissai les yeux. J’avais envie de tuer cet immonde personnage.

— De toute évidence, vous ne connaissez rien aux femmes. Nous sommes tout sauf faibles.

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— Les femmes ont toujours été inférieures aux hommes à de nombreux égards. Une femme n’est rien de plus qu’une version médiocre de l’homme. Vos cerveaux sont plus petits, vos muscles plus faibles, et vous êtes soumises et incapables de faire preuve de raison et de logique. Vous êtes trop émotives et n’avez pas l’intelligence qu’il faut pour diriger et gouverner. Vous ne servez que deux buts dans la vie : enfanter et donner du plaisir aux hommes.

J’avais envie de lui découper la langue et de la lui faire avaler.

— Vous ne connaissez rien aux femmes. Et que connaissez-vous du plaisir ? Tout le monde sait que les moines sont castrés. Vous n’êtes rien de plus que les larbins émasculés du temple.

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