Commentaires

Au début, on ne sait pas quoi penser de ce livre au ton déroutant. Aujourd'hui, les termes employés ne passeraient pas, à juste titre. L'auteur utilise "noir", "négresse", "blanche", "blanc", "mulâtre", "mulâtresse" et autres mots politiquement incorrects. Mais à la date d'écriture (soit en 1904), les gens en général et les écrivains ne s'embarrassaient pas de délicatesse. Ils n'hésitaient pas non plus à se montrer sexistes. Si on passe outre cela, on peut lire ce texte que Gustave Lerouge qualifiait de "Roman à l'eau de rose". L'histoire se passe à la Nouvelle-Orléans. Le riche planteur créole, Monsieur de Saint-Elme (comme le feu du même nom qui désigne le phénomène météorologique) possède des esclaves qu'il traite bien. Deux d'entre elles, la vieille Vénus et sa fille Lina servent l'épouse de ce "bon maître". Mais cette blonde vénale et peu scrupuleuse nommée Eléonore a une double vie. Elle trompe son gentil mari de deux façons. D'abord, elle se prostitue contre de l'argent. Ensuite, elle entretient son amant, un ténébreux brigand mexicain intéressé et méchant. Malheureusement pour elle, la tragédie arrive : Monsieur de Saint-Elme surprend les deux amants coupables et tue accidentellement la traîtresse. Dès lors, Gustave Lerouge s'amuse à dépeindre la société des bas-fonds de la Nouvelle-Orléans. La misère, la promiscuité, les préjugés, le monde de la prostitution, des alcooliques, des voleurs, des esclavagistes et des délinquants, tout y passe. L'auteur s'en donne à coeur joie. Il ironise, n'hésite pas à se moquer de ses personnages et à en fournir des descriptions parfois drôles, caustiques exagérées. Hommes et femmes en prennent pour leur grade. En même temps, l'esclave Lina que M. de Saint-Elme a chassée a racheté sa liberté. Les circonstances font qu'elle retrouve son ancien maître veuf à la dérive. De nombreuses péripéties pimentent l'histoire d'amour qui se profile. Le roman à l'eau de rose tourne au récit d'aventures. On ne se refait pas : l'auteur dépasse les sentiments pour se lancer dans les rebondissements à répétition comme à son habitude. Au final, on a envie de savoir ce qui va se passer. Bien évidemment, tout est bien qui finit bien. Malgré ses excès, ce court texte qui se lit facilement a tout de même un intérêt, surtout historique. Il témoigne des agissements horribles d'une société d'autrefois, de mentalités hostiles, de discrimination, de machisme et de comportements odieux dépassés. Heureusement, cette époque est terminée et révolue. On est bien contents que ce soit le cas. Les choses diffèrent.