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- Vous m'attendiez, je crois.

Entendant cette voix, Lioslath, du clan Fergusson, cessa de faire les cents pas dans sa chambre et resserra les doigts sur la garde du petit poignard qu'elle tenait à la main.

Grâce à des années d'entraînement, elle savait à l'oreille où se trouvait Bram, laird Colquhoun, dans la pièce - tout comme elle saurait précisément trouver son cœur battant sous ses vêtements.

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** Extrait offert par Nicole Locke **

Chapitre 1

Ecosse, 1296

— Vous m’attendiez, je crois.

Entendant cette voix, Lioslath, du clan Fergusson, cessa de faire les cent pas dans sa chambre et resserra les doigts sur la garde du petit poignard qu’elle tenait à la main.

Grâce à des années d’entraînement, elle savait à l’oreille où se trouvait Bram, laird Colquhoun, dans la pièce — tout comme elle saurait précisément trouver son cœur battant sous ses vêtements.

Le laird avait raison : elle l’attendait comme on attend qu’éclate un orage qui noircit déjà l’horizon. Elle l’attendait depuis que ses hommes et lui, comme un attroupement de nuages lourds, étaient apparus au sommet de la colline ; depuis que leur présence avait alerté les jeunes frères de Lioslath qui s’étaient précipités au fort pour fermer les portes. Hélas, pendant ce temps, l’orage préparé par laird Colquhoun et ses hommes avait enflé. Ils s’étaient alignés sur la crête de la colline, en face du fort, rassemblant leurs forces. Même de loin, leurs épées tirées et leurs flèches brillaient au soleil comme autant d’éclairs sur le point de frapper.

Cependant, la foudre ne s’était pas abattue. Et cela faisait déjà près d’un mois. Pendant ces dernières semaines, Lioslath n’avait cessé de grimper sur la plate-forme hâtivement rebâtie pour observer les remparts. Elle avait entendu nuit et jour les hommes de Colquhoun au pied des murs sans même avoir besoin de gravir les marches branlantes.

Curieusement, les assaillants ne montaient toujours pas à l’assaut. Bien qu’elle ait renforcé les portes et protégé les villageois, laird Colquhoun n’avait pas fondu sur elle comme la plus violente des tempêtes écossaises. Il s’était contenté d’encercler le fort. Menacée de toutes parts, Lioslath avait cru étouffer, suffoquée par l’insoutenable attente du combat.

Ce matin, finalement, elle avait compris que cette torture touchait à sa fin en apercevant de la nourriture soigneusement placée à l’extérieur du passage secret. Son ravisseur avait découvert son tunnel ; en dépit de toutes ses précautions pour barricader les entrées, elle ne pourrait empêcher la tempête de pénétrer entre ses murs.

Toute la journée, elle avait guetté son apparition, le cœur battant et, la nuit venue, elle était restée éveillée, l’oreille tendue. Elle n’était pas idiote…

Seulement, elle ne s’était pas attendue à une telle voix. Profonde, mélodieuse, un timbre vibrant de ténor qui fit naître un frisson incontrôlable sous sa peau et une chaleur enveloppante au creux de ses reins.

Elle ne se retourna donc pas immédiatement pour le voir, bien qu’elle fût mal à l’aise de savoir un homme dans sa chambre. Il n’avait aucun droit d’être là et elle était prête à tout pour le chasser. Elle ne fit cependant pas preuve de pudeur virginale et garda son sang-froid autant que possible. Pendant son attente, elle avait largement eu le temps de préparer son attaque, de mettre au point la distraction qui lui donnerait l’avantage sur son assaillant.

Mais, cette voix. C’était si… inattendu.

Elle n’avait pas sa place dans la pénombre intime de sa chambre. Cette voix ne correspondait pas à ce qu’elle avait vu de laird Colquhoun jusque-là.

Arrogant, fier, sûr de sa supériorité, il avait passé ces dernières semaines à chevaucher au cœur du village dévasté jusqu’aux portes mal en point du fort. De toute évidence, il se voyait comme un bienfaiteur, avec ses charrettes remplies de cadeaux — ou pire, comme un seigneur en place qui se montre généreux avec ses gens.

Depuis le début du siège, laird Colquhoun avait été un vrai démon de la guerre, avec ses cheveux d’un roux flamboyant et ses longues enjambées conquérantes lorsqu’il inspectait ses troupes. Sa voix puissante lançait des ordres, exigeait qu’on lui ouvre les portes ; et son rire perpétuel résonnait sous les remparts. Lioslath haïssait instinctivement tout, chez cet homme.

Du moins, jusqu’à présent.

Hélas, dans le silence de la chambre, sa voix résonnait d’accents séducteurs qu’elle n’avait encore jamais entendus. Sa voix la caressait comme un velours — elle pouvait presque la sentir. Et elle n’aurait pas dû éprouver cela. Elle ne pouvait pas se le permettre, se répéta-t-elle en faisant de son mieux pour calmer les battements affolés de son cœur.

Jamais elle ne ressentirait cela. Pour personne.

Elle prit une profonde inspiration, savourant l’air frais de la nuit, et se retourna. Immédiatement, elle regretta de ne pas s’être arrêtée à un autre endroit de la pièce.

La pleine lune dardait ses rayons à travers la fenêtre et les quelques trous du toit, mais Bram tournait le dos à la lumière et son visage restait plongé dans l’obscurité.

Cette pénombre donnerait à la voix de l’intrus plus de puissance encore. Réajustant sa prise sur son arme, elle se rassura un peu. Elle était prête. Elle était peut-être contrainte de changer de stratégie, mais son but restait le même. Bram du clan Colquhoun était attendu, certes. Seulement, il ne serait pas accueilli à bras ouverts chez elle. Il arrivait trop tard pour cela.

— Sortez, dit-elle posément, sans chercher à paraître menaçante.

Chien était caché dans un coin de la pièce. Il ne fallait pas qu’elle l’alerte trop vite et, pour cela, elle devait rester calme. Elle devait respecter leur routine. Cela faisait des années qu’ils chassaient ensemble. Chien savait parfaitement ce que le couteau dans sa main signifiait : il devait rester tapi dans l’ombre et attendre le signal pour bondir par surprise sur sa proie.

— Sortez de ma chambre et de mon fort. Les portes fermées et le fumier étalé devant n’étaient pas assez dissuasifs à vos yeux ? Partez, laird Colquhoun. Vous n’auriez jamais dû venir ici.

* * *

Bram ne pouvait quitter cette femme des yeux.

Depuis des semaines, elle lui refusait l’entrée du fort du clan Fergusson, et il perdait son temps à déterminer le plan du village et de la tour. Et, pendant toutes ces journées, il l’apercevait à peine, à des heures différentes, au sommet du mur. Elle était visible, mais n’était jamais assez proche pour qu’il puisse l’observer correctement.

A présent, cependant, la lueur de la lune dessinait sa silhouette devant lui. Il avait presque l’impression que la nuit était en train de donner naissance à une nouvelle étoile, rien que pour lui — plus lumineuse que toutes celles accrochées au velours du ciel, au-dessus de cette chambre étroite.

Il jeta un rapide regard autour de lui. Un lit simple et une petite table étaient placés le long du mur opposé. Près d’elle, dans un recoin, une ombre tassée se devinait — sans doute un coffre. C’était une pièce austère, trop nue pour faire honneur à la beauté de Lioslath ; mais au moins, cela leur permettait d’être seuls.

— Vous m’attendiez, répéta-t-il, comprenant enfin pourquoi il la trouvait là, tout habillée, en train de faire les cent pas. Vous avez reçu mon cadeau, ce matin. Vous nous avez observés aujourd’hui. Vous saviez que j’allais venir.

— Votre cadeau ?

— La viande de biche et les légumes, près de l’entrée, précisa-t-il. Je n’étais pas certain que vous les preniez.

Elle fronça les sourcils et son regard se para d’un voile sombre.

Il savait pertinemment qu’elle lui volait de la nourriture depuis une semaine mais, jusqu’à la veille, il n’avait pas su comment elle faisait. Finalement, il avait découvert l’entrée du tunnel et avait décidé de lui faire comprendre ses intentions. Il avait donc déposé des vivres devant. Pour lui, ce geste était un premier pas vers de nouvelles négociations.

Cependant, en la voyant lui faire face, il comprit qu’il avait échoué.

— Vous ne vouliez pas prendre la nourriture, répondit-il à sa place après quelques instants de silence.

Il était depuis longtemps passé maître dans l’art de la diplomatie. Hélas, son talent ne lui avait servi à rien : son cadeau n’avait pas adouci la fougueuse Lioslath. Les portes du fort étaient restées fermées. Le fait qu’elle ait laissé la nourriture n’était qu’un signe de plus dans ce sens.

— Pourquoi ne partez-vous pas ? lança-t-elle.

Parce que ce qu’il était venu faire n’était pas encore accompli. Il devait être là, devant elle. Ce soir. Pendant qu’il attendait qu’elle lui ouvre les portes, le danger s’était approché de son propre clan. Son devoir de laird exigeait qu’il sorte de cette impasse. Seulement, en cet instant, ce n’était pas à son devoir qu’il pensait.

Les cheveux noirs et courts de Lioslath bouclaient en quelques mèches rebelles. Cette coiffure mettait étonnamment en valeur ses pommettes saillantes et son menton un peu anguleux. Sa peau était aussi pâle que l’éclat lunaire. Au milieu de son visage fin, ses yeux paraissaient immenses, scintillants. Et leur couleur…

Ils étaient d’un bleu intense, rendu plus profond par l’ébène de ses cheveux et de ses cils épais. Sous la finesse arquée de ses sourcils semblait luire la clarté d’un ciel d’été.

Le peu de lumière qui baignait la chambre l’empêchait de bien discerner sa silhouette. Peu importait. Il n’avait pas besoin de voir son corps pour le moment. De toute manière, à chacune de ses venues sur la plate-forme, le vent avait plaqué sa robe trop fine sur ses membres, dévoilant des courbes qui auraient mis n’importe quel homme à genoux — y compris lui.

Il n’avait certainement pas prévu de réagir de cette manière lorsqu’il avait mis le point final à sa stratégie avec ses frères. Il avait simplement l’intention de faire la paix avec les Fergusson, d’attendre que passe l’hiver et de se cacher d’un certain roi anglais pendant quelque temps.

C’était un plan peut-être compliqué mais qui avait au moins un avantage simple, évident : tous les éléments de son stratagème pouvaient se dérouler sur les terres des Fergusson et Lioslath n’avait besoin de connaître qu’une seule des raisons qui l’amenaient sous ses remparts — la raison qu’il avait décrite dans sa lettre, en avril dernier. Officiellement, il était là pour réparer les torts qui avaient été faits à son clan et à sa famille en apportant aide et réconfort aux pauvres orphelins Fergusson.

Après tout, il avait déjà essayé de s’allier à eux en proposant la main de sa sœur, Gaira, au laird des Fergusson, le père de Lioslath. Quand Gaira avait refusé ce mariage et s’était enfuie chez leur sœur à Doonhill, le père de Lioslath avait été tué.

Bram avait prévu d’arriver pendant l’été mais, hélas, la bataille de Dunbar l’avait retardé. Bientôt, l’hiver gèlerait la terre et son intention d’aider ce clan se heurterait à d’autres difficultés. Quoi qu’il en soit, il était tout de même venu.

Il était là. Maintenant. Dans la chambre de Lioslath. Cela avait été assez facile d’atteindre cette pièce en se faufilant dans le passage secret. Il avait d’ailleurs été surpris de voir que le tunnel débouchait directement sous sa chambre. Quand il l’avait découverte seule dans la pièce, cela avait été un soulagement : après tout le tumulte politique et personnel de l’année précédente, l’arrivée fatidique de ses frères et les messages sinistres qu’ils apportaient, il avait besoin de quelque chose de simple.

Malheureusement, il n’y aurait rien de simple, avec Lioslath, il en aurait donné sa main à couper. Cette femme avait été créée en alliant le rayonnement du soleil et de la lune, comme si les deux astres la jugeaient digne de leur beauté. S’il avait su à quel point elle était sublime, merveilleuse, il aurait détruit ses faibles défenses deux semaines plus tôt. N’importe quel homme à sa place aurait fait de même…

L’espace d’un instant, il se maudit pour sa sempiternelle diplomatie, si raisonnable. Il avait essayé, en vain, d’offrir de la nourriture à cette femme. Et pourquoi ? Parce qu’il avait assiégé un fort décrépi, au lieu d’assiéger la belle femme qui y vivait.

Soudain, tout devint clair. Il y avait un moyen simple pour lui d’obtenir sa coopération — et il en avait besoin pour pouvoir espérer passer l’hiver ici.

— Voulez-vous vraiment que je parte ? Après tout, nous avons besoin de… négocier, vous et moi. C’est votre première rencontre avec laird Colquhoun, ajouta-t-il, conscient de qui il était et de l’impact de son pouvoir sur n’importe quelle jeune femme. Vous n’aimeriez pas que je vous quitte si vite, n’est-ce pas ?

Elle était belle et avait certainement l’habitude que les hommes tentent de la séduire. Quel idiot il avait été de rester si longtemps devant les remparts ; de ne pas vouloir effrayer les enfants et les familles de paysans par une démonstration de force.

Finalement, il n’avait qu’à la charmer, la séduire, lui plaire.

— Si vite ? reprit-elle d’un air abasourdi. Ce que j’aimerais — elle insista sur ce mot — c’est que vous ne soyez pas venu du tout.

Il apprécia les sonorités du verbe « aimer » dans sa bouche ainsi que la forme de ses lèvres pulpeuses, et la profonde fossette qui marquait celle du haut. Ces lèvres avaient la forme d’un arc, comme si un ange y avait pressé les doigts pour les empêcher de révéler un important secret.

— Et pourtant, je suis là, répondit-il avec une feinte nonchalance, qui dissimulait, tant bien que mal, le feu brûlant en lui. Je suis ici pour que nous fassions connaissance correctement. Vous êtes Lioslath, n’est-ce pas ? La fille aînée ?

Il se serait bien présenté à la porte du fort, mais elle ne l’aurait pas reçu. Peut-être serait-elle rassurée s’il respectait les convenances, même ici, dans sa chambre.

Dans la chambre où elle l’avait attendu. Son corps se tendit un peu plus, excité à l’idée qu’elle puisse connaître ce petit jeu aussi bien que lui.

Elle fronça les sourcils de plus belle.

— Vous êtes venu dans cette pièce sans savoir qui j’étais ?

Bram sentit un flot de satisfaction monter en lui. Oui, elle connaissait ce petit jeu ; mutine, elle cherchait à lui faire deviner qui elle était, sans pour autant s’exprimer ouvertement. La séduire serait sans doute plus facile qu’il l’avait pensé.

— Je sais exactement qui vous êtes.

Il s’avança d’un pas. Elle ne bougea pas. La chambre était petite et il serait rapidement assez proche d’elle.

— Vous êtes la femme que je vais bientôt embrasser…

Elle entrouvrit les lèvres un instant, l’air troublé, puis secoua la tête comme si elle répondait à une question muette.

Pensait-elle qu’il n’oserait pas l’embrasser ? Dans ce cas, elle ne le connaissait pas beaucoup. De nouveau, il regretta d’avoir perdu tant de temps. Bientôt, elle apprendrait qu’il tenait toujours parole.

— Je n’apprécie pas les plaisanteries, reprit-elle au bout d’un instant, ni les gens qui poussent ma patience à bout.

Elle s’écarta du rai de lumière et Bram la perdit presque de vue. Il avait peut-être enfin passé les remparts, mais elle continuait à le tenir à l’écart par ses paroles implacables. De toute évidence, c’était une sorte de joute qu’elle maîtrisait à la perfection.

Cependant, il était tard et, bien qu’il fût connu pour son penchant joueur, il savait quand retrouver son sérieux et aller de l’avant — surtout quand il avait l’avantage… Après tout, c’était une femme et il n’avait jamais eu le moindre problème à obtenir ce qu’il voulait des femmes. Il n’y avait aucune raison pour que celle-ci soit différente.

— Allons, assez de ces fausses pudeurs, dit-il. Il fait nuit et nous sommes seuls. N’y a-t-il pas un autre plaisir auquel vous souhaiteriez vous adonner avec moi ?

* * *

Fausses pudeurs ? Plaisir ?

Lioslath ne comprenait décidément pas cet homme !

Sa voix profonde semblait se glisser sous sa chair, sans doute à cause de l’heure tardive. Seigneur, son appétit perpétuel et sa soif devaient la troubler plus qu’elle ne le pensait. Elle avait conscience de ce trouble car, quand il parla de « plaisir », sa bouche se mit à saliver à l’idée de savourer un peu de viande succulente. Mais Bram ne parlait pas de ce genre de plaisir.

— Je ne m’accorde aucun plaisir, répliqua-t-elle sèchement.

Ce simple mot avait des échos indécents.

Bram eut un rapide geste de la main et elle ne put que le suivre du regard. Ses mains étaient étonnamment fines, trahissant une force et un raffinement aussi inattendus que sa voix.

— Voyons, je connais ce stratagème, ma chère, dit-il d’une voix mielleuse. Par le passé, cela a même su me rendre la récompense plus douce, mais nous avons déjà suffisamment attendu. Croyez-moi, j’aurais pourtant vraiment aimé m’engager dans ce pas de deux avec vous.

Est-ce que cet homme essayait sincèrement de la séduire ? Depuis sa plus tendre enfance, et jusqu’à très récemment, Lioslath avait pris l’habitude d’être profondément ignorée. Elle dormait dans une chambre au-dessus de l’écurie et aucun homme ne se donnait la peine de se montrer charmant avec elle. Jamais. Ils n’osaient pas.

Non, c’était impossible. Son air si tranquille n’était dû qu’à son éloquence facile, à ses manières, à tout ce qu’il était. Cet homme se croyait irrésistible quand il employait des mots comme « ma chère »…

Quoi qu’il en soit, même s’il ne la charmait pas, il ne paraissait pas non plus décidé à partir. Lioslath allait devoir faire un choix. Le couteau ou Chien ? Il était tard. Un coup de couteau salirait toute la pièce et elle était bien trop fatiguée pour tout nettoyer.

— Partez immédiatement, ordonna-t-elle donc plus fermement.

Attentif au moindre mouvement de sa part, Chien se redressa dans la pénombre. En un éclair, elle vit le regard de Bram s’écarquiller, non pas de peur, mais de surprise.

— C’est un chien ? Je croyais que c’était un coffre !

Son sourire pâlit un instant.

— Vraiment, ce n’est pas une manière chaleureuse d’accueillir un homme qu’on attend dans sa chambre. Bon sang, est-ce un loup ?

Il détourna le regard de Chien, ce qui était soit idiot, soit incroyablement arrogant.

Cela n’avait pas d’importance. Il aurait bientôt disparu du fort. Sa visite n’avait que trop duré. Elle en voulait à sa faim, à la voix de Bram, aux mouvements envoûtants de ses mains. Elle le blâmait pour tout et il était temps de le lui faire comprendre.

— En effet, je vous attendais, répondit-elle avec tout le mépris dont elle était capable. Je vous attendais comme on attend la peste ou le choléra. Et je vous accueille de la même manière.

Elle se redressa de toute sa hauteur, prête à tirer son couteau si nécessaire.

— Partez. Je vous aurais prévenu…

— Pourquoi donc partirais-je, Lioslath ? Nous n’avons encore rien fait.

Oui, il était arrogant. Vibrant. Trop plein de vie. Elle fit un nouveau signe et Chien, grondant comme un démon, vint se placer à côté d’elle.

Ce grondement guttural avait toujours fait se redresser les petits cheveux de sa nuque et il aurait certainement le même effet sur Bram. Seulement, il ne la lâcha pas du regard, comme s’il ne voyait pas Chien comme une menace. Il allait donc lui forcer la main.

— Partez, car je vous attendais, Bram, laird de Colquhoun, lança-t-elle avant de faire un pas dans la lumière et de tirer sa lame pour qu’il comprenne bien ce qu’elle avait en tête, mais je ne pense pas que vous attendiez cela.

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** Extrait offert par Nicole Locke **

Chapitre 2

A son réveil, ayant besoin d’aller se soulager, Lioslath se leva d’un bond de son lit mais s’effondra par terre, saisie d’un violent vertige. Elle s’était redressée bien trop vite… Le manque de nourriture, la faim perpétuelle avec laquelle elle vivait depuis quelque temps l’avaient beaucoup affaiblie, ces derniers jours, et elle avait déjà perdu connaissance plusieurs fois. Ses vertiges n’avaient-ils pas empiré depuis la veille ? Si c’était bien le cas, elle savait qui blâmer pour cela !

Sa colère lui redonna quelques forces et elle put se relever avec précaution. Sa colère, qui n’était dirigée que vers une seule personne : Bram… qui avait ri. Ri.

Elle ne comprenait toujours pas ce qui s’était passé pendant la nuit.

Avec Chien à ses côtés et son poignard à la main, elle avait été prête à frapper. Alors qu’elle était plus dangereuse que jamais, Bram avait ri comme si elle venait de lui raconter la meilleure plaisanterie qu’il ait entendue.

Surprise par cette explosion joyeuse, elle avait failli lâcher son arme et s’était montrée incapable de réagir en le voyant hocher la tête, lui dire qu’il avait apprécié leur petit pas de deux et qu’il la reverrait le lendemain.

Elle s’était contentée de rester là, sans comprendre le sens des actions de Bram.

Pire encore, Chien, qui ne laissait jamais ses proies lui échapper, qui aurait dû attaquer, s’était brusquement assis, avait penché la tête et avait regardé Bram se glisser par la trappe.

Qu’est-ce qui était le plus incroyable ? Sa propre incapacité à attaquer ou la soudaine douceur de Chien ?

Si, en fait, elle le savait… Ce qui l’avait le plus abasourdie avait été d’entendre Bram lui donner rendez-vous pour le lendemain. Visiblement, il s’attendait à ce qu’elle lui ouvre les portes.

Elle ne l’avait peut-être pas attaqué sur le moment, mais elle n’avait aucune intention de faciliter la tâche de cet envahisseur. Son rire présomptueux l’avait décidée à camper sur ses positions coûte que coûte. D’ailleurs, si elle avait eu le moyen de renforcer ses barricades ou de refermer la grande porte au nez de Bram, elle l’aurait fait ! A cette idée, un flot de satisfaction la réchauffa.

Ayant vraiment besoin d’utiliser les commodités, elle sortit de sa chambre. Chien leva paresseusement la tête et la regarda sortir.

Elle se détourna de lui. Elle l’avait élevé depuis qu’il n’était qu’un chiot et, pendant toutes ces années, il avait à la fois été son ami et son protecteur. Plus bête sauvage que chien dressé, il savait maintenir tous les importuns à l’écart, trop effrayant pour qu’on ose l’affronter. C’était comme si son animal et elle avaient une sorte de lien indestructible.

Lioslath avait l’habitude de dormir dans l’écurie quand il pleuvait et dehors quand il faisait beau. Chien n’avait jamais vraiment perdu son instinct sauvage et elle non plus. Seulement, au moment où il avait penché la tête, il n’avait été qu’un chien domestique faible et inutile…

Le vertige la reprit et elle dut s’appuyer contre le mur le temps de reprendre ses esprits. Au moins, Chien était bien nourri, tout comme le reste du clan de Lioslath. Elle y avait veillé — ou du moins, Bram y avait veillé.

Il avait su lui rappeler, la veille, que c’était lui qui chassait et apportait de la nourriture au village. C’était lui qui avait découvert le passage secret. Un nouvel accès de rage lui donna la force de tenir une fois de plus sur ses pieds.

Le tunnel était à elle. Elle seule le maintenait en état et elle n’en avait jamais parlé à personne. Quand elle n’était qu’une enfant, il y avait eu de nombreux passages de ce genre dans le fort ; mais le temps avait passé et tout le monde les avait oubliés, ou était persuadé qu’ils s’étaient effondrés. Cependant, elle en avait entretenu un, l’avait régulièrement dégagé et renforcé au fil des ans. Il était étroit et un peu dangereux, certes, mais avait toujours été son échappatoire préférée pour fuir les punitions. Fuir sa famille ou ce qui en restait.

Le simple fait de savoir que le tunnel était toujours là l’avait longtemps aidée à rester calme. Et, depuis le début du siège, il lui avait permis de voler les quelques provisions dont le clan avait tant besoin. Mais elle n’avait pas volé ; Bram lui avait fait des cadeaux.

Elle aurait dû le savoir — elle l’avait su — mais elle n’aurait pas pu laisser les siens mourir de faim pour ménager sa fierté.

Aussi, quand elle avait découvert une pièce de venaison pendue à un arbre à côté de la sortie, et dessous, un sac de choux et d’oignons, elle n’avait pas été dupe. Elle avait immédiatement compris que ce n’était qu’un appât. Seulement, elle n’avait pu se détourner, en dépit de son instinct qui la poussait à la prudence. La prudence n’avait plus lieu d’être quand la nécessité vous pressait. Son clan était affamé et, à contrecœur, elle avait pris les provisions.

Après cela, elle avait passé la journée à regarder par-dessus son épaule. Toute la nuit, elle était restée habillée et avait fait les cent pas dans sa chambre. Un instant, elle avait même pensé à barricader le tunnel, mais une simple journée de travail n’aurait pas maintenu à l’écart un intrus aussi déterminé que Bram — sans compter qu’elle préférait ne pas attirer l’attention des autres sur le passage secret.

Néanmoins, elle s’était juré de ne plus jamais voler de nourriture. Le repas qu’elle avait rapporté allait être le dernier, il lui fallait nourrir les quelques personnes encore présentes dans le fort : ses frères et sa sœur. En revanche, elle ne mangea pas.

Cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas besoin de beaucoup d’énergie, puisqu’elle était piégée à l’intérieur des murs sans aucune chance de pouvoir sortir au grand air. Piégée, oui, et elle savait exactement qui blâmer pour cela.

En quittant les commodités, elle découvrit Chien qui l’attendait au bout de l’étroit couloir. De là, une volée de marche menait dans le grand hall.

Elle aurait préféré pouvoir éviter cette pièce, même si l’odeur perpétuellement rance du hall s’était affaiblie — seul avantage du siège qu’ils subissaient depuis un mois.

Ils avaient nettoyé le fort dès qu’ils avaient dû fermer les portes. La paille poussiéreuse et moisie, les os et résidus pourris des repas furent soigneusement récupérés pour être jetés aux hommes de Colquhoun qui encerclaient les remparts.

Hélas, même sans ces détritus, le hall sentait toujours le bois humide et, depuis des années, plus personne ne récurait les pierres recouvertes de salpêtre.

Quand Lioslath était enfant, la grande salle rayonnante embaumait. Elle avait eu la douce odeur d’un foyer confortable, à l’époque où ses parents étaient encore en vie et heureux. A présent, il n’en restait plus que de la moisissure, des taches et des regrets…

Lioslath ne supportait pas d’être obligée de rester au sein du fort, de traverser le grand hall qui remuait ses souvenirs d’enfance. Caressant doucement la tête de Chien, elle ressortit dans la cour aussi vite que possible et se dirigea vers le bâtiment bas qui abritait les cuisines.

A son entrée, la cuisinière, qui préparait une soupe avec la venaison et les légumes, lui lança un sourire prudent et respectueux.

Ignorée durant presque toute sa vie, Lioslath s’obligea à la saluer en retour. Depuis plus d’un mois, son clan la traitait avec loyauté, même avec… respect. Leurs tentatives d’amitié ne cessaient de la surprendre.

Il était difficile de modifier les habitudes d’une vie entière. A cause du siège, elle n’était plus libre de bouger à sa convenance et était contrainte de côtoyer son clan et sa famille. Non, en fait, elle avait déjà dû côtoyer sa famille un peu avant le siège — mais elle préférait ne pas y penser.

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