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Je me souviens de la réflexion d’une anesthésiste-réanimatrice qui, un jour, en formation, nous avait clairement dit : « Moi, toute seule, au bord de la route, s’il y a un blessé grave, je ne sais rien faire. Je préfère ne pas m’arrêter. Je ne suis plus médecin, je suis bonne à rien. J’ai seulement appris à travailler en équipe avec le matériel nécessaire. »
J’avais été un peu surpris mais c’était réaliste. [...]
J’ai pensé aux familles à qui le médecin régulateur du centre 15, devant le tableau clinique décrit, demande parfois au téléphone de pratiquer le massage cardiaque sur le père, la mère, le frère, le conjoint ou l’enfant ; ceci avant que les secours n’arrivent. C’est vrai que ça peut sauver une vie. Mais quelle que soit la façon dont ces gestes seront pratiqués, il n’y a aucun jugement à émettre. Faire des compressions sur le thorax, plus ou moins bien, c’est toujours mieux que rien. C’est déjà assez traumatisant de découvrir quelqu’un de sa famille en arrêt cardiaque. Évitons en plus de leur reprocher de ne pas l’avoir sauvé.
Afficher en entierExtrait de l'avant-propos
On l'imagine en super-héros, sauvant des vies, défiant la mort, affrontant la misère et l'horreur. Il court d'un malade à l'autre dans une espèce de jungle terrible que sont les services d'urgence, saute dans une voiture rouge ou blanche, repart dans une ambulance avec panache, sirènes hurlantes, après avoir décroché le pendu, ramassé le défenestré, réanimé l'accidenté de la route, le noyé, le brûlé... La liste est longue.
«Vous devez en voir de toutes les couleurs, docteur ?»
«Oui et non», vous dirait le médecin urgentiste. Ce sont souvent les mêmes couleurs, plutôt sombres, tachées d'angoisse, les mêmes inquiétudes qui se lisent sur les visages, les mêmes attentes. «C'est grave ? Vous pensez qu'il va s'en sortir ?» Il répondra d'abord ce que la science lui a enseigné, se réfugiera peut-être derrière la prudence, dira qu'il faut attendre, être patient. Il y a parfois des surprises. De vraies surprises...
Mais en dehors de ses connaissances théoriques, en dehors des mots qui dressent son savoir, il lui faudra trouver aussi les mots de tous les jours, ceux qui apaisent, rassurent, éclairent, ne mentent pas. C'est son expérience et sa sensibilité qui devront parler.
Vous êtes-vous déjà arrêté en pleine rue devant un attroupement créé par un accident ? Les gyrophares tournent. Les pompiers sont là, la police et le Samu aussi. L'agitation est à son comble autour d'une ou plusieurs victimes. Vous êtes un peu trop loin et déjà sur la pointe des pieds, vous ne voyez pas vraiment, vous aimeriez savoir ce qui vient de se passer. Qu'on vous dise au moins quelque chose !
Autour, les gens parlent. Il allait très vite. Ça a fait un bruit énorme. Vous croyez qu'il est vivant. Ça a l'air grave.
Et là, d'un coup, vous sentez votre coeur s'accélérer. Une question vient de vous ébranler. Est-ce que... ? Non, personne n'a de moto dans la famille. Ouf ! Et pourtant, vous restez. Vous êtes attiré, indécrochable, stressé, parce que c'est toujours une histoire de vie et de mort. La même histoire. Mais ici, le drame est en direct. Il y a d'un côté la moto, d'un autre le corps ou ce que l'on en devine. L'émotion est plus forte que derrière un écran.
La police vient finalement vous dire de ne pas rester là. Vous réalisez votre côté voyeur. Ce n'est pas ça qui vous gêne. Vous seriez bien resté...
Vous rentrez chez vous. Vous allumez la télé. Dommage ! Les infos ne parlent pas de ce qui vient de se passer. Vous vous dites que la vie du motard n'est peut-être pas en danger. Vous vous êtes inquiété pour rien. Vous zappez. Du moins vous essayez, mais c'est l'heure du feuilleton médico-sentimental américain. L'action se situe aux urgences. On n'en sort pas.
Alors qui sont ces médecins qui prennent le devant de la scène ?
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