Extraits

J’ai toujours été cash et brute de décoffrage. Ce soir ne fera pas exception à la règle. J’en ai un peu marre aussi de cette stigmatisation. Parce que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, je fais partie de ces femmes qui ne se retrouvent pas complètement dans le féminisme que certaines prônent aujourd’hui. Alors comme de toute façon je n’ai rien à perdre, je choisis de répondre à ma manière. Sans prendre de gants. Avec toute la passion que ce sujet m’inspire depuis que je travaille dessus.

Je rends le micro au présentateur stupéfait et dans un silence assourdissant.

Mon cœur bat la chamade.

Bon, je me suis peut-être un peu emballée. Mais trop tard. Le sort en est jeté. Je retourne à ma place toujours dans le silence. Je jure que j’entends mes talons hauts claquer sur la scène.

Et puis soudain, c’est une explosion.

Un tonnerre d’applaudissements déferle sur moi.

Les spectateurs se lèvent et scandent le nom de ma région.

— Il s’agit d’une question posée par Jean-Marc en Normandie. Pensez-vous que le concours Demoiselle de France soit antiféministe ?

Des rires nerveux parcourent la salle, le jury, mes concurrentes et les présentateurs.

Putain.

La question.

Ah, ma condisciple revient à sa place sous les applaudissements. C’est mon tour. J’attends docilement que l’on m’appelle. J’avance en me concentrant à la fois sur mes mains et sur mes pieds qui tremblent. C’est le moment de ne pas se vautrer. Au sens propre comme au sens figuré. Pendant que je m’approche, une voix off rappelle mon nom, mon prénom, mon âge et ma région.

Je suis dans les cinq dernières, ça y est. C’est fait. Il ne reste que trois quarts d’heure avant la consécration de l’une d’entre nous. La pression monte de plus en plus. Il y a encore des moments où je me demande pourquoi je me suis lancé ce défi. Mais maintenant que j’y suis, je dois reconnaître finalement que je ne regrette rien. Au moins, je me suis prouvé à moi-même que j’étais capable de le faire. Capable d’assumer cette partie de moi qui réalise un rêve de petite fille, un rêve de princesse.