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— Vous êtes là pour combien de temps ? me récupère le conducteur.

— Je n’ai encore rien défini.

— Vous habitez seul ?

Je le fixe sans lui répondre tout en continuant de fumer. Voyant qu’il n’obtiendra pas plus d’informations de ma part, il repart vers l’avant du véhicule. Je l’arrête avant qu’il atteigne la portière.

— Votre société m’a assuré que la discrétion faisait partie de vos compétences.

— En effet.

Je le retrouve près de la remorque tandis que son collègue pousse le chariot jusqu’à la terrasse. Fouillant à l’intérieur de mon manteau, j’en sors une liasse de billets que je lui tends.

— Pour qu’elle le reste.

Il renifle bruyamment avant de fourrer le tout dans la poche de sa veste.

— Bienvenue dans le Tennessee, monsieur Abelson, badine-t-il en ôtant sa casquette de son crâne dégarni.

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On finit par se séparer, mais sans s’éloigner, partageant le même oxygène. Nos yeux s’ouvrent directement dans ceux de l’autre et il me demande d’une voix grave :

— Qu’est-ce qui a changé ? 

— Rien, j’ai juste compris.

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— Quoi qu’on puisse te dire sur l’accueil des Vermontois, ils sont individualistes et ne s’intéressent aux autres que lorsque ça les arrange. C’est ce que font les Rockburois avec moi. Je pense que s’occuper de mes affaires leur permet de ne pas se concentrer sur leurs problèmes. Je sais aussi que c’est parce que je leur fais peur. (un rictus moqueur creuse mes joues endolories par le froid) J’aurais presque pu leur pardonner avant.

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— J’ai invité quelqu’un, il ne devrait plus tarder, rétorque-t-il au moment où je pénètre dans la pièce.

En m’entendant entrer, la dizaine de personnes se tournent vers moi. L’espoir décelé dans la voix de Fabian se matérialise sur son visage lorsqu’il m’aperçoit. À l’inverse, les autres se sont crispés dans une expression d’horreur. Je lance un coup d’œil circulaire sur l’ensemble tout en baissant la fermeture éclair de ma parka.

— Le voilà, annonce-t-il avec contentement.

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[...] J’espère ne pas t’avoir trop retardé.

— Je ne suis pas très loin.

— OK, alors… On se reverra peut-être un de ces quatre.

Il commence déjà à s’éloigner, alors même que je ne l’ai pas salué. Je regagne mon allée tout en lui lançant un regard par-dessus mon épaule. Le brun est remonté à l’avant de son pick-up qui s’éloigne de quelques mètres. Contre toutes attentes, il s’arrête à nouveau. Il a oublié quelque chose ? J’ai la réponse à ma question quand le véhicule s’engage dans l’allée de la maison voisine.

Lorsqu’il sort de voiture pour rejoindre la porte d’entrée, mon cœur se met à battre plus fort.

Ne me dites pas que c’est lui, Raphaël Savage ?

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— C’est vrai que pour l’instant, je suis assez étonné par le Vermont, je lui avoue plus détendu. J’espère ne pas changer d’avis dans les semaines à venir.

— Il n’y a pas de raison, tu arrives au bon moment, l’hiver est l’une des plus belles saisons de l’année.

— Je parlais surtout des gens. Je ne pensais pas qu’ils étaient aussi…

— Différents des New Yorkais ?

— Intrusifs est le mot qui me vient en premier. Je ne peux pas faire un pas sans qu’on me mate sous toutes les coutures.

— C’est normal, un beau gosse comme toi à Rockbury, ça se remarque. Mais les gens d’ici sont réputés pour leur individualisme, ils finiront par te laisser tranquille une fois l’attrait de la nouveauté passé.

— Ça a mis combien de temps pour toi ?

— Hum… Je ne sais plus… Dix ou quinze ans.

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Caché derrière sa barricade, il ne se montre que rarement, et même lorsque ça se produit, ça ne dure jamais très longtemps. Il se terre comme un animal hibernant l’hiver ou traqué pendant une chasse. Il ne veut pas qu’on le voie, et pourtant, toute sa personne est voyante. Très grand, au physique nordique, et doté d’une démarche volontaire, il a l’allure d’un mec qui connaît sa valeur et le fait comprendre. À l’opposé, il se dégage de lui l’envie de devenir minuscule et de se faire oublier.

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Durant l'année écoulée, j'ai sombré pour mieux me relever aux côtés de Raphaël. Et si nos anciennes vies étaient opposés par bien des côtés, nous sommes complémentaires pour un tas d'autres choses : notre envie de tranquillité, notre passion pour la littérature, notre amour de la nature, notre combat contre les injustices, notre caractère parfois difficile à cerner, notre amour, notre besoin d'être ensemble...

Tels des êtres humains imparfaits, nous ne sommes ni bons ni mauvais. Nous sommes sommes simplement faits de lumière et d'ombre.

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Lettre à Neil

Penses-tu que tout est réparable ? J’aurais besoin d’être réparé.

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