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Je devais avoir une dizaine d'années lorsque le roi Alphonse XIII remercia Miguel Primo de Rivera qui s'était emparé du titre de chef du Gouvernement en 1923 au bénéfice d'un pronunciamiento. Les élections municipales prévues en avril 1931 approchaient sur fond de crise économique et sociale. Le souverain, convaincu d'une large victoire des monarchistes, promettait en fin stratège le retour à un régime constitutionnel. Mais il recherchait surtout à restaurer son autorité.
Les Américains étaient encore sonnés par l'effondrement des marchés financiers de 1929 et par la terrible récession qui s'ensuivit. A cette époque, mon père s'inquiétait de l'onde de choc tout juste perceptible en Europe, mais surtout de la percée d'un mouvement puisant sa diatribe dans la xénophobie. Les porteurs de chemises noires bombaient le torse dans les rues de Berlin ou de Rome. D'obscurs énergumènes, chantres d'un nationalisme exacerbé, se plaisaient à disserter dans certains salons parisiens. Quant à la presse madrilène acquise à l'extrême droite, elle contribuait à distiller son venin auprès de ses lecteurs dépités par l'incurie de la classe politique.
Mon père se lamentait de la tournure des événements et de la faiblesse des démocraties occidentales dans l'incapacité à prendre position : «C'est une authentique internationale fasciste qui prend corps», confiait-il à ma mère. «Je redoute le pire.»
Alphonse XIII reçut un camouflet contre toute attente. Le scrutin municipal donna un réel avantage aux monarchistes dans les campagnes. En revanche, les urnes des grosses métropoles confirmèrent une indéniable poussée des candidats progressistes. La proclamation de la Seconde République, le 14 avril 1931, évinça le monarque de son trône. Sans même abdiquer officiellement, Alphonse XIII s'expatria à Paris. Curieux final pour ce roi déchu qui se mit sous la protection d'une nation républicaine aux pratiques hérétiques contre l'une de ses dernières têtes couronnées !
Manuel Azana Diaz hérita de la présidence du Conseil en octobre 1931, optant avec courage pour une politique laïque. Il limita le pouvoir de l'Église et procéda même à de spectaculaires expropriations parmi les biens de celle-ci. Ses réformes administratives, militaires et agraires furent diversement appréciées au sein même de sa famille républicaine enferrée dans des querelles intestines.
A Barcelone, les sécessionnistes, sous la conduite du colonel Macia, proclamèrent la République régionale catalane alors que la plèbe populaire de tout le territoire hispanique manifestait son courroux contre la tiédeur des premières mesures. Défilés de protestation, bagarres diligentées, incendies et détériorations de bâtiments publics se déclinèrent au quotidien.
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